De plus en plus fréquentes, les méduses envahissent les plages du monde entier et piquent chaque été des milliers de victimes. La plupart des piqûres entraînent des réactions cutanées douloureuses bénignes mais certaines espèces sont dangereuses et constituent une menace sérieuse pour les baigneurs.
Les méduses (jellyfish) sont des animaux aquatiques invertébrés appartenant aux cnidaires. Transparentes ou de couleur variable, ils vivent habituellement en milieu marin et rarement dans les eaux douces. Les méduses se nourrissent de planctons et petits poissons, leur prédateur principal est la tortue.
Ces animaux sont équipés de cellules urticantes (cnidocystes ou cnidoblastes) au niveau de leurs tentacules qui servent à paralyser leur proie et à se défendre. Au contact, les cellules urticantes jaillissent comme un harpon et injectent du poison à la proie, les tentacules peuvent s'enrouler comme un lasso sur la peau de la victime. Même coupés, les tentacules flottent sur l’eau et restent venimeux pendant plusieurs jours.
Les cnidocystes ne peuvent pas transpercer la peau humaine.
Le venin diffère en composition et en puissance selon les espèces et peut inclure des neurotoxines, des catécholamines, de l'histamine, des hyaluronidases et des toxines hémolytiques.
- les neurotoxines paralysent les muscles avec un mécanisme d’action semblable à celui du curare,
- l'histamine provoque une réponse immunitaire, une dilatation des petites artères, une accélération de la fréquence cardiaque (tachycardie) et du prurit.
- les hyaluronidases permettant au venin de se propager plus rapidement dans les tissus,
- les hémolysines détruisent les cellules du sang comme les leucocytes.
Tous ces toxines sont responsables des signes cutanées et généraux.
Plusieurs espèces de méduse :
- Les méduses envahissent de plus en plus la méditerranée, en particulier Rhizostoma pulmo (bleu) et Thysanura hysoscella qui sont relativement peu urticantes.
- Rhopilema nomadica est une méduse géante (40 à 60 cm de diamètre) des océans Indien et Pacifique, et qui passe aux rivages orientales du Méditerranée à travers le canal de Suez.
- La cuboméduse (Chironex fleckeri) (box jellyfish) de l’océan atlantique et de l’Asie du Sud-est constitue un danger réel. Elle possède un venin assez puissant pour tuer en moins de 10 minutes, et pour lequel il existe un anti-venin (IgG Fab) mis au point il y’a quelques années en Australie.
- Les piqûres de Carukia barnesi (Australie, océans Atlantique et Pacifique) peuvent provoquer le syndrome d'Irukandji, caractérisé par des signes généraux très marqués (douleurs, hypertension, tachycardies, insuffisance cardiaque aigue).
MANIFESTATIONS CLINIQUES :
Signes locaux :
Les piqûres de méduse surviennent le plus souvent aux membres et au tronc, plus rarement au visage.
Elles entrainent une douleur immédiate, à type de brûlure ou de décharge électrique.
Des signes inflammatoires s’installent rapidement autour de la zone touchée : œdème, rougeur et éruption rouge-marron ou violacée typiquement en forme de coup de fouet.
Les lésions disparaissent en 3 à 10 jours, exceptionnellement des cicatrices hyperchromiques ou chéloïdes persistent.
Signes généraux :
Ces signes rares sont en fonction de l’espèce, de la quantité du venin et du terrain.
- Urticaire si terrain allergique, anaphylaxie pouvant mettre en danger la vie de la victime.
- L'éruption de Seabather est une éruption prurigineuse sur les zones couvertes par les maillots de bain. Elle est due aux larves de méduses qui se retrouvent piégées entre la peau et la combinaison.
- Les réactions générales sont peu fréquentes : agitation, crampes musculaires, vomissements, maux de tête, faiblesse et sueurs profuses.
CONDUITE À TENIR :
Le traitement des envenimations par les méduses reste controversé malgré plusieurs études biologiques et cliniques. Les recommandations australiennes (ANZCOR guidelines)[1] restent en vigueur.
Ce qu’on peut faire :
- Sortir de l'eau immédiatement.
- Appliquer du sable fin et chaud sur la lésion sans frotter.
- Ensuite laver avec l’eau de mer ou avec un soluté salé isotonique.
- Les tentacules doivent être retirés le plus rapidement possible avec un carton rigide ou avec des pinces à épilation.
- Ne pas utiliser l’eau douce qui provoque la libération du venin.
- L'immersion dans l'eau chaude (42-45°C) pendant une trentaine de minutes peut être bénéfique.
- La glace diminue la douleur en anesthésiant les nerfs mais doit être appliquée à travers un sachet en plastique.
- Le vinaigre (4 à 6% d'acide acétique) est conseillé par les australiens pour inhiber la rupture des cellules urticariantes (nématocystes) mais il n’a aucune action sur la douleur. L’utilisation de vinaigre est à réserver à certaines espèces de méduses (Chrysaora hysoscella). Des expériences en laboratoire ont en effet montré que le vinaigre entraîne la décharge des nématocystes de Cyanea capillata, Pelagia noctiluca et Physalia physalis [d'après le centre antipoison belge].
- Traiter la douleur par des antalgiques : Paracétamol en première intention et au besoin opioïdes. Certains préconisent une pommade à base de Lidocaïne.
- Traitement symptomatique : anti-inflammatoires, antihistaminiques, crèmes corticoïdes.
- Traitement de l’anaphylaxie grave : adrénaline (voir notre article).
- En cas de contact avec l’œil, rincer au sérum physiologique et demander l’avis d’un ophtalmologue .
- Garder la zone atteinte à l’abri du soleil pour diminuer le risque de citatrices pigmentées.
Oublier les recettes grand-mère :
- Ces méthodes sont déconseillés : tomates, urines, citron, bicarbonate, alcool éthylique.
BIBLIOGRAPHIE :
- ANZCOR guidelines : Guideline 9.4.5 - Envenomation - Jellyfish Stings
- LOEUILLET E, et al. : Envenimation par une méduse d’eau douce (Craspedacusta sowerbii) en France métropolitaine. Toxicologie Analytique & Clinique (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.toxac.2017.05.005
- AQUA PORTAIL : site web monde aquatique https://www.aquaportail.com/
- JAMES TODD, MARK EDSELL : Guide du plongeur sur l'envenimation subaquatique en Méditerranée. Plongée Hyperb Med. 30 septembre 2019;49(3):225–228
- KIRSTEN B HORNBEAK, PAUL S AUERBACH : Marine Envenomation. Emerg Med Clin North Am. 2017 Mai;35(2):321-337.
- DANIEL G. OSTERMAYER, ALEX KOYFMAN : What Is the Most Effective Treatment for Relieving the Pain of a Jellyfish Sting? Annals of Emergency Medicine, Volume 65, Issue 4, April 2015, Pages 432-433
- EMMA P. DELOUGHERY : There’s something in the water : an overview of jellyfish, their stings, and treatment. International Maritime Health, Vol 73, No 4 (2022), 199-202.
- GLATSTEIN, MIGUEL et al. : Pediatric jellyfish envenomation in the Mediterranean Sea. European Journal of Emergency Medicine. 25(6):p 434-439, décembre 2018. DOI: 10.1097/MEJ.0000000000000479
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