oxygénothérapieLa dyspnée est un symptôme, elle est ressentie par le patient comme soif d’air ou étouffement. Les causes sont multiples. Le médecin, avec l’examen clinique et quelques examens complémentaires simples, peut diagnostiquer sa cause et évaluer sa gravité.
Il peut s’agir d’Insuffisance Respiratoire Aigue (IRA) survenant de manière brutale ou d’insuffisance chronique décompensée.

L’IRA est un syndrome défini par une altération aiguë de l'hématose en rapport avec la défaillance d'un ou plusieurs composants du système respiratoire.
Le Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë (SDRA) causé par un œdème lésionnel des poumons est une entité pathologique particulière qui ne fait pas partie de cet exposé.

I. PRINCIPALES CAUSES DES DYSPNÉES AIGUES :

  • Laryngo-trachéales : Œdème de Quincke, Épiglottite, Laryngite, Corps Étranger, Tumeurs
  • Bronchopulmonaires : Asthme, BPCO décompensé, Pneumopathies infectieuses, Pneumothorax, Pleurésie, Atélectasie, SDRA
  • Cardiaques : Insuffisance cardiaque aigue ou chronique décompensée, États de choc, Embolie pulmonaire, Tamponnade
  • Autres : Acidose métabolique, Anémie aigue, Causes neurologiques (atteintes bulbaires, polyradiculonévrite, myasthénie), Intoxications (CO, cyanures)

II. LES SIGNES DE GRAVITÉ DE L'INSUFFISANCE RESPIRATOIRE AIGUË : 

Signes respiratoires   - Tachypnée >30 cycles/min ou bradypnée <10 cycles/min ou pause respiratoire*
- Impossibilité de parler
- Signes de lutte (tirage, balancement thoraco-abdominal)
- Toux inefficace 
 Signes hémodynamiques  - Tachycardie >120 b/min ou bradycardie <50 b/min
- État de choc ou Hypertension artérielle
- Cyanose, sueurs, marbrures 
 Signes neurologiques  - Confusion, agitation, somnolence, coma
 Signes associés  - Douleur thoracique (SCA, pneumothorax)
- Fièvre (pneumopathie)
- Hospitalisation en réanimation pour symptômes similaires ou intubation
- Mauvaise réponse à un traitement débuté
- DEP (asthme) : <150 L/min ou <30% valeur normale
 * Fréquence respiratoire selon l’âge : 1 mois (30-60/min), 1 an (25-40/min), 5 ans (18-20/min), 8 ans : (16-20/min), >15 ans (12-16/min) 

III. GAZ DU SANG ET SATURATION DE L’HÉMOGLOBINE EN OXYGÈNE :
1. GAZ DU SANG (GDS) :
L’analyse du sang artériel est la méthode de laboratoire la plus fiable pour mesurer différents paramètres de l’oxygénation telle que PaO2, PaCO2, PH sanguin et réserves alcalines (bicarbonates).

  • PaO2 (Pression Partielle d’Oxygène) : reflète la quantité d’oxygène transportée par le sang vers les organes. Elle est normalement >80 mmHg (10,7 kPa) à l’air ambiant.
  • PaCO2 (Pression partielle de dioxyde de carbone) : elle correspond à la quantité résiduelle de dioxyde de carbone dans le sang artériel. La valeur normale est entre 35 et 45 mmHg (4,7 – 6 kPa).
  • HCO3- (bicarbonate) : tamponne le pH du sang et participe ainsi à maintenir un équilibre acido-basique. Sa valeur est entre 22 et 28 mmol/l.
  • Le pH est compris entre 7,35 à 7,45. L'acidose et l'alcalose peuvent être d'origine respiratoire ou métabolique.

2. SATURATION EN OXYGÈNE :

Dans les globules rouges, chaque molécule d’hémoglobine (Hb) contient 4 atomes de fer ce qui permet de fixer au maximum 4 molécules d’oxygène, après quoi l’hémoglobine est décrite comme "saturée en oxygène à 100%". Le globule rouge saturée prend une couleur rouge vif. L'hémoglobine pauvre en oxygène prend la couleur bleu-violet. L’oxygène existe également dissout dans le sang en faible quantité (1 à 2%).

  • SaO2 (dite parfois Sat O2) : est la Saturation de l’hémoglobine en O2 mesurée au laboratoire par prélèvement du sang artériel.
  • SpO2 : est la Saturation Pulsée en Oxygène détectée par le capteur de l’oxymètre posé sur la peau du patient au niveau du doigt. La valeur normale est comprise entre 95 et 100% quelque soit l’âge. Elle est habituellement très proche de la SaO2 mais pas toujours. C’est l’un des paramètres vitaux à évaluer pour chaque patient en consultation et l'un des critères du triage à l'accueil des urgences. La mesure est parfois imprécise dans différentes situations en particulier lorsque la saturation est inférieure à 90%, en cas d’hypothermie, hypotension, anémie ou exposition à la lumière ambiante.
  • L'oxymètre de pouls (pulse oximetry), ou saturomètre, est un instrument permettant de mesurer de façon simple et non invasive la saturation de l’hémoglobine en Oxygène. (Voir notre article : oxymètre de pouls)

IV. DISPOSITIFS D’OXYGÉNOTHÉRAPIE :

dispositifs d'oxygène médicalL’oxygène est un médicament, il est indiqué en priorité pour la détresse respiratoire avec hypoxémie (SpO2 <92%). L’oxygène médical doit être humidifié et délivré à un débit-Litre/min prédéterminé pour assurer une fraction inspirée en oxygène (FiO2) élevée.

Il existe différents dispositifs d'oxygénothérapie..

1. LUNETTE NASALE :

Leur capacité d'oxygénation est faible surtout si le nez est bouché par les secrétions. Ne permet pas de traiter une détresse respiratoire.

2. SONDE NASALE :

Irritante pour le patient et n’assure pas une FiO2 correcte. Non recommandée dans les situations d'urgence.

3. MASQUE À OXYGÈNE (NASO-BUCCAL) :

Le masque peut être simple ou muni d'un dispositif Venturi permettant de délivrer une concentration d'oxygène déterminée aux patients. Les kits de Venturi comprennent plusieurs jets, codés par couleur, afin de définir la FiO2 souhaitée.
Le masque permet aussi la nébulisation via un récipient annexé.

À utiliser en première intention lors d’une détresse respiratoire aiguë. Il permet d’administrer un débit entre 4 à 10 L/min et d’assurer une FiO2 entre 40 à 60%.
- Indications : hypoxémie minime, sans détresse respiratoire aiguë.

Optiflow et masque oxygène4. MASQUE À HAUTE CONCENTRATION D’O2 :

Masque transparent muni d’un ballon souple de réserve. Une valve unidirectionnelle empêche l’air expiré de retourner dans le réservoir. Bien appliqué sur la bouche et le nez, il permet une oxygénation à FiO2 de 80-100%.
- Indications : c’est la méthode recommandée en cas d’hypoxémie sévère, par exemple OAP, asphyxie par noyade ou état de choc. Il est contre-indiqué pour le BPCO.

5. BALLON AUTOREMPLISSEUR À VALVE UNIDIRECTIONNELLE (BAVU) :

C'est un instrument médical conçu pour ventiler un patient en détresse respiratoire. On l’appelle parfois «AMBU» qui est le nom d'une marque célèbre. On peut l’utiliser dans l’arrêt cardiorespiratoire en attente d’une équipe de réanimation, avant ou après l’intubation en attente d’un respirateur mécanique. Pour l’utiliser il faut 2 mains : la gauche applique le masque sur la bouche et le nez en gardant une bonne étanchéité, la droite tient le ballon et exerce une pression avec les 4 doigts pour pousser l’air (faire pression avec le pouce est une erreur). Il existe des masques adaptés à l’enfant et au nourrisson. (Voir notre article BAVU)

6. CONTINUOUS POSITIVE AIRWAY PRESSURE (CPAP) :

système de BoussignacC’est un dispositif simple, tel que celui de Boussignac, transportable et ne nécessitant pas de respirateur mécanique (idéal pour les services non équipés), fournissant de l'oxygène avec une Pression Expiratoire Positive (PEP).
- indications : essentiellement pour le traitement de l’OAP, la noyade et l'hypoxémie grave.

- Inconvénients : nécessite un débit d'oxygène d'au moins 30 L/min pour produire 10 cmH2O de PEP.

7. VENTILATION NON-INVASIVE (VNI) OU BILEVEL POSITIVE AIRWAY PRESSURE (BIPAP) :

Un masque facial spécial sans fuite et un ventilateur mécanique sont nécessaires.

Régler la PEP entre 5-10 cmH2O et l’Aide Inspiratoire AI à 8 cmH2O au départ puis à augmenter en fonction du confort du patient.

- Indications : surtout la BPCO décompensée et l’OAP cardiogénique.

CONTRE INDICATIONS DE LA VNI  [SFAR, SPLF, SRLF CONSENSUS 2006]
• Environnement inadapté, expertise insuffisante de l'équipe
• Patient non coopérant, agité, opposant à la technique
• Intubation imminente (sauf VNI en pré-oxygénation)
• Coma (sauf coma hypercapnique de l’insuffisance respiratoire chronique IRC)
• Épuisement respiratoire
• État de choc, 

• Troubles graves du rythme ventriculaire 

• Sepsis sévère

• Immédiatement après un arrêt cardio-respiratoire
• Pneumothorax non drainé, plaie thoracique soufflante
• Obstruction des voies aériennes supérieures (sauf apnées du sommeil, laryngo-trachéomalacie)
• Vomissements incoercibles
• Hémorragie digestive haute
• Traumatisme crânio-facial grave
• Tétraplégie traumatique aiguë à la phase initiale

8. OPTIFLOW (CANULE À HAUT DÉBIT) :

Nouvelle technique utilisée depuis les années 2000, consiste à administrer de l’oxygène à haut débit (OHD) humidifié et réchauffé via des canules nasales et un matériel spécial. Permet le lavage de l’espace mort et la réduction du travail inspiratoire.
- Indications : Hypoxémie modérée à sévère, détresse respiratoire aiguë (p. ex., pneumonie, pneumopathie interstitielle, œdème pulmonaire, syndrome de détresse respiratoire aiguë, sevrage après extubation); également utile chez les patients gravement hypoxémiques qui ne doivent pas être intubés.
- En pratique : 50−60 L/min, FiO2 à 100 %. Nécessite un manomètre d'O2 de 60 L/min. Surveillance clinique et gazométrique rapprochée (FR, SpO2, détresse respiratoire, conscience, hémodynamique).

- Contre-indications : défaillance respiratoire ou hémodynamique nécessitant l'intubation trachéale, état de choc, troubles de la conscience (score de Glasgow < 12), agitation.

Pour plus de détails lisez les recommanadations "ERS clinical practice guidelines: high-flow nasal cannula in acute respiratory failure, 2022"

9. VENTILATION INVASIVE :

Recours à l’intubation d’emblée dans les cas graves, arrêt cardio-pulmonaire, épuisement du patient ou secondairement après échec des autres méthodes.

La ventilation invasive nécessite l’anesthésie, la sédation et la mise sous respirateur mécanique. (Voir notre article : l'intubation pas à pas)
- Indications de l’intubation : défaillance respiratoire persistante ou aggravée, états de choc, troubles de la conscience, agitation.

10. VENTILATION ASSISTÉE (OU MÉCANIQUE) :

Elle a pour but de se substituer partiellement ou totalement à la fonction respiratoire défaillante, pendant une durée qui varie de quelques minutes à plusieurs semaines. Après l’intubation, différents appareils sont utilisés :
- Les ventilateurs pneumatiques dits de transport : permettent uniquement la réalisation d'une ventilation contrôlée (VC). L'avantage de ces respirateurs réside dans leur faible coût et leur ergonomie. Facilement utilisables dans les services d'urgence et pour le transport des malades.
- Les ventilateurs de réanimation : sont plus performants, offrent plus de sécurité pour le malade mais encombrants, coûteux, nécessitent une source d'énergie 220V et un apport d'air comprimé et d'oxygène. Ces respirateurs permettent plusieurs modes de ventilation assistée. Le médecin est appelé à régler les paramètres et d'adapter les niveaux d'alarme. (Voir notre article : Ventilation assistée)

 DISPOSITIFS UTILISÉS DANS L'OXYGÉNOTHÉRAPIE     
 Débit L/min  FiO2*  Indications  Avantages Inconvénients 
 Sonde nasale  1-6  0,24-0,40  Détresse respiratoire non sévère, Faible besoin en oxygène  N'interfère pas avec la prise orale  A un débit limité, FiO2 non fiable, Sécheresse des muqueuses, Épistaxis
 Masque simple  5-10  0,35-0,60  Besoins modérés en oxygène, Nécessité de nébulisation  Faible coût, Fournit une FiO2 plus élevée que la sonde nasale  Inconfort du patient, Rétention de CO2
 Masque Venturi  2-15  0,24-0,5  Besoin élevé en oxygène  Fournit avec précision la concentration en oxygène délivrée  Inconfort du patient
 Masque à haute concentration  10-15  0,6-0,9  Besoin supplémentaire élevé en oxygène  FiO2 élevé, Peut être utilisé dans des situations d'urgence  Inconfort du patient, Nécessite une surveillance médicale
Canule nasale à haut débit 15-60 0,3-1 Insuffisance respiratoire hypoxémique Fournit des débits élevés, Fournit une PEP modeste, Assure l'élimination du CO2 dans l'espace mort Coût élevé, Inconfort du patient, Nécessite un personnel expérimenté
* FiO2 (fraction inspirée en Oxygène) : C’est la fraction ou le pourcentage d'oxygène présent dans le mélange gazeux que respire une personne.

 

V. EFFETS SECONDAIRES DE L'OXYGÉNOTHÉRAPIE :

L'oxygène, comme tout médicament, peut être potentiellement néfaste et doit répondre à une utilisation rigoureuse.
1. Aggravation de l’hypercapnie : notamment sur terrain d'insuffisance respiratoire chronique (IRC) et essentiellement par la levée du stimulus hypoxique au niveau des centres respiratoires.
2. Hyperoxie : le taux excessif d'oxygène dans le sang pourrait être responsable de l'aggravation des lésions pulmonaires chez les patients ventilés mécaniquement,
3. Risque de contamination microbienne du circuit et donc d'infections pulmonaires, notamment bactériennes.

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