Les délais d’attente et la durée de séjour aux services d’urgences sont des indicateurs essentiels de la performance des systèmes de santé. Cet article propose une analyse comparative de la situation à partir de données institutionnelles récentes. Il met en évidence les principaux facteurs influençant les délais et présente des pistes d’amélioration pour réduire l’attente tout en garantissant la qualité et la sécurité des soins.

Pour comparer les durées, on utilise la valeur statistique 90e percentile.
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1. Introduction

Les services d’urgences constituent un pilier fondamental de l’accès aux soins. Ils assurent la prise en charge des situations aiguës et vitales, mais font face à une fréquentation croissante et à des contraintes structurelles importantes. Dans de nombreux pays, cette pression se traduit par un allongement des délais d’attente et de la durée de séjour, avec des conséquences sur l’expérience des patients, les conditions de travail des soignants et parfois les résultats cliniques.

2. Définitions et indicateurs

2.1 Délai d’attente

Le délai d’attente (waiting time) correspond au temps écoulé entre l’arrivée du patient aux urgences (enregistrement ou triage) et la première évaluation clinique par un professionnel de santé. Il s’agit d’un indicateur clé de l’accessibilité immédiate aux soins.

2.2 Durée de séjour

La durée de séjour aux urgences (Length of Stay) correspond au temps total passé dans le service, depuis l’arrivée jusqu’à la sortie (retour à domicile, hospitalisation ou transfert).

2.3 Boarding

Le terme boarding désigne la situation dans laquelle un patient nécessitant une hospitalisation reste aux urgences en attente d’un lit disponible dans un autre service. Ce phénomène est l’un des principaux facteurs d’allongement de la durée de séjour.

3. Données comparatives internationales

Pays Durée moyenne aux urgences Principales caractéristiques
France Plus de 3 heures (médiane) Augmentation continue depuis 2013, impact marqué chez les personnes âgées
Canada 2 à 5 heures selon les provinces Forte variabilité régionale, accès limité aux soins primaires
Royaume-Uni Environ 2 heures en moyenne Objectif des 4 heures fréquemment non atteint, hausse des attentes supérieures à 12 heures
États-Unis Environ 2 h 40 min Variabilité importante selon les États, problème croissant de boarding

4. Facteurs influençant les délais

Les délais d’attente aux urgences résultent de facteurs multiples et interconnectés. La disponibilité du personnel médical et infirmier, la capacité en lits d’hospitalisation, l’organisation interne des flux de patients et l’accès aux soins primaires jouent un rôle central. Le vieillissement de la population et la prise en charge de patients présentant des pathologies complexes contribuent également à l’allongement des durées de passage.

Statistiques consultation aux urgences, France

Des études montrent qu'environ 30 à 50 % des consultations aux urgences ne nécessitent pas de soins d'urgence et pourraient être prises en charge tout aussi efficacement en médecine générale ou dans des centres de soins d'urgence. Aux États-Unis, environ 30 à 50 % des consultations aux urgences sont non urgentes, ce qui représente un coût estimé à 32 milliards de dollars par an pour les dépenses de santé inutiles. [Doctorsa]

5. L’attente aux urgences : un facteur majeur de tensions et de violences

L’allongement des délais d’attente aux services d’urgences est aujourd’hui identifié comme un facteur important de tensions entre les patients, leurs accompagnants et les professionnels de santé. De nombreuses études et rapports institutionnels montrent que les temps d’attente prolongés augmentent le niveau de stress, d’anxiété et d’incompréhension, créant un terrain propice aux comportements agressifs.

Lorsque l’attente est perçue comme excessive ou insuffisamment expliquée, les patients et leurs proches peuvent développer un sentiment d’abandon, d’injustice ou de perte de contrôle. Ce ressenti est d’autant plus marqué dans un contexte de douleur, d’urgence perçue ou de vulnérabilité psychologique.

Les services d’urgences, souvent saturés, concentrent plusieurs facteurs de risque : afflux important de patients, bruit, promiscuité, fatigue des équipes, et manque de lisibilité sur les délais réels de prise en charge. Dans ce contexte, l’attente prolongée agit comme un catalyseur de violences verbales, de menaces, et parfois de violences physiques à l’encontre du personnel soignant.

Dans plusieurs pays, les signalements de violences aux urgences sont en augmentation, et les professionnels identifient fréquemment le temps d’attente comme l’un des principaux déclencheurs, au même titre que l’alcoolisation, les troubles psychiatriques ou la détresse sociale.

La réduction des délais d’attente, l’amélioration de l’information délivrée aux patients, la visibilité des priorités médicales et le renforcement des équipes sont aujourd’hui reconnus comme des leviers essentiels pour prévenir les violences et améliorer le climat au sein des services d’urgences.

6. Stratégies pour réduire les délais

  • Renforcer l’accès aux soins primaires (dispensaires de quartier, consultations sans rendez-vous, télémédecine) afin de limiter les passages non urgents +++
  • Optimiser le triage et les circuits rapides pour les patients à faible gravité
  • Réduire le boarding par une meilleure coordination avec les services d’hospitalisation
  • Limiter les examens complémentaires au strict nécessaire
  • Augmenter les ressources humaines et la capacité en lits
  • Utiliser des indicateurs de performance et des outils de prévision de l’affluence (IA et algorithmes)
  • Sensibiliser sur l’utilisation appropriée des urgences vs soins primaires.

7. Discussion

Malgré des modèles de santé différents, plusieurs pays font face à des difficultés similaires dans leurs services d’urgences. Les comparaisons internationales montrent que les solutions efficaces reposent sur une approche globale du parcours de soins, dépassant le seul périmètre des urgences.

8. Conclusion

Les délais d’attente aux urgences représentent un enjeu majeur de santé publique. La réduction durable de ces délais nécessite des actions coordonnées sur l’organisation hospitalière, l’accès aux soins primaires et la planification des ressources. Une meilleure mesure et une transparence accrue des indicateurs sont essentielles pour guider les politiques publiques et améliorer la qualité des soins.

Références :

  • DREES – Les passages aux urgences en France (2023). Rapport en PDF
  • Canadian Institute for Health Information – Emergency Department Wait Times
  • Steven Paling & al. : Waiting times in emergency departments: exploring the factors associated with longer patient waits for emergency care in England using routinely collected daily data. Emerg Med J. 2020 Sep 15;37(12):781–786. doi: 10.1136/emermed-2019-208849
  • Hevrekandy, Vaishnavi & al. : Emergency department boarding time and in- hospital mortality: A prospective observational study. Turkish Journal of Emergency Medicine 25(4): p 297-304, Oct–Dec 2025. | DOI: 10.4103/tjem.tjem_97_25
  • CDC : Centers for Disease Control and Prevention – NHAMCS

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