Dr Lotfi zeglaoui

Service des Urgences CHU F. Hached, Sousse (Tunisie)

Le Varicella-Zoster Virus (VZV), herpesviridea strictement humain est à l’origine de deux entités cliniques différentes: la varicelle et le zona.
La varicelle représente la primo-infection par le VZV et résulte de l’exposition au virus d’une personne non immune. Il s’agit habituellement d’une affection bénigne de l’enfance. La varicelle de l’adulte immunocompétent est une pathologie plus rare mais potentiellement plus grave que chez l’enfant avec des formes très extensives et/ou hémorragiques, des localisations viscérales d’emblée, ou grevée de complications dont la plus sérieuse est la pneumopathie varicelleuse au pronostic hautement imprévisible. Nous rapportons un cas d’une pneumonie compliquant une varicelle chez un adulte antérieurement sain et dont l’évolution a été favorable sous traitement antiviral.

  • Observation:

Monsieur K., âgé de 44 ans, consulte au service des urgences pour une dyspnée fébrile avec une toux productive associée a une éruption cutanée disséminée sur tout le corps. Il est grand tabagique à 45 paquets-années, ne présente aucun antécédent pathologique notable, en particulier, on ne retrouve pas à l’interrogatoire, l’existence d’une cause possible d’immunodépression.
Le début de la maladie remonte à une semaine, marqué par de la fièvre rapidement suivie d’une éruption cutanée prurigineuse, s’étendant sur le corps. Quelques jours après, apparaît une dyspnée d’aggravation progressive, avec une toux ramenant des expectorations purulentes et hémoptoïques. Le jour de son hospitalisation, le malade présente une fièvre à 39,3°C; une pression artérielle à 150/80 mmHg, une fréquence cardiaque à 100 battements par minutes, une polypnée avec une fréquence respiratoire à 28 cycles par minutes et une saturation en oxygène mesurée par oxymétrie de pouls à 85% en air ambiant. Les lésions cutanées sont  très nombreuses, généralisées,  prédominantes au niveau de la face et des membres, faîtes de maculopapules, de vésicules, de croûtes et de pustules. On retrouve des adénopathies cervicales, axillaires et inguinales. A l’auscultation pulmonaire, on note des râles bronchiques bilatéraux prédominants aux deux bases avec des sibilants surtout à droite. Le reste de l’examen est sans particularité.
La radiographie thoracique montre des infiltrats nodulaires et interstitiels bilatéraux prédominants aux bases, notamment à la base droite (figure1).

Radiographie pneumonie à varicelle

 La gazométrie artérielle sous 2 litres d’oxygène révèle une hypoxémie à 58,5 mm Hg, une hypocapnie à 33,8 mm Hg, pH=7,49 et une SaO2=92%.
 La biologie : Hyperleucocytose à 17400 GB (prédominance lymphocytaire), cytolyse hépatique modérée : ALAT/ASAT = 42/56. Le  sérodiagnostic revient positif pour une primo-infection par le VZV.
Devant ce tableau, on porte le diagnostic de varicelle compliquée de pneumopathie associée à une surinfection bactérienne cutanée.

 Le malade est mis sous Zovirax : 750 mg iv/8h (10mg/kg/8H), associé au Claforan iv: 1g/8h, une oxygénothérapie nasale (4 litres / min) et des soins cutanés. Ce traitement est poursuivi pendant 10 jours.    
 L’évolution est rapidement favorable, avec une apyrexie obtenue au bout du 4ème jour, une nette diminution de la dyspnée et un nettoyage radiologique progressif. Le contrôle  à un mois confirme la bonne évolution clinique et radiologique (figure 2).

Radiographie des poumons
  • Discussion:

 Nous rapportons l’observation d’un adulte sain qui développe une varicelle compliquée d’une atteinte pulmonaire parenchymateuse. On retrouve chez notre patient plusieurs des facteurs de risque d’atteinte pulmonaire varicelleuse rapportés dans la littérature: le sexe masculin, l’âge, le nombre des lésions cutanées, et surtout un tabagisme important (40 paquets-années).
La pneumonie survient un à sept jours après le début de la varicelle, avec le plus souvent des symptômes débutant  dans les trois jours qui suivent l’installation de l’exanthème.
 Les signes fonctionnels respiratoires présents chez notre malade orientent vers l’atteinte pulmonaire. Cependant, l’expression de l’atteinte pulmonaire  par le virus peut n’être que radiologique, sans traduction clinique. Par ailleurs, l’aspect radiologique retrouvé chez notre patient est typique, montrant une pneumonie interstitielle diffuse. La pneumonie varicelleuse s’accompagne souvent de perturbations de la gazométrie artérielle sous la forme d’une hypoxémie-hypocapnie secondaires aux lésions de la membrane alvéolo-capillaire. Chez l’adulte immunocompétent, le traitement précoce par l’acyclovir IV s’accompagne habituellement d’une amélioration rapide de la pneumonie dans les 48heures comme chez notre patient. 

En conclusion, la varicelle de l’adulte sain est rare, mais souvent compliquée, notamment par une atteinte pulmonaire sous forme d’une pneumonie interstitielle qu’il faut rechercher systématiquement. Le traitement antiviral précoce par acyclovir est recommandé en cas de pneumonie varicelleuse avérée.

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