Aujourd'hui, le choc électrique externe n’est plus un mythe, n’importe qui peut être témoin d’un arrêt cardiaque.

Tout le monde doit savoir utiliser un défibrillateur électrique.

I. DÉFINITIONS :

Le choc électrique externe (CEE) est un geste thérapeutique qui permet de faire une défibrillation du myocarde afin de traiter un arrêt cardiaque par fibrillation ventriculaire. Ce choc est délivré, par un appareil nommé défibrillateur, grâce à deux électrodes de grandes tailles collées sur la paroi thoracique.
L’énergie électrique produite par le défibrillateur, exprimée en joule, est comprise entre 150 à 360 joules. Sa durée est très brève, entre 3 à 12 millisecondes en moyenne. Elle entraîne une dépolarisation simultanée de toutes les cellules myocardiques afin de reproduire un rythme normal.

L’onde de choc peut être biphasique ou monophasique :

  • Pour les ondes monophasiques, le courant électrique circule dans un seul sens à travers le thorax, de l’électrode positive vers l’électrode négative. Ce mode était utilisé par les anciens appareils.
  • Pour les ondes biphasiques, le courant circule successivement dans les 2 sens, d'une électrode à l'autre. Les défibrillateurs modernes utilisent tous ce mode biphasique.

Le choc électrique biphasique est plus efficace et moins agressif pour le myocarde, il permet d’utiliser une énergie plus faible.

II. HISTORIQUE :

William Bennet KOUWENHOVEN, nommé le père de la réanimation cardio-pulmonaire, est un ingénieur américain qui a débuté ses recherches sur la ressuscitation cardiaque dans le début du XXe siècle. Les expériences se faisaient sur les animaux et les cadavres humains.
En 1956, Paul ZOLL réalisa la première défibrillation transthoracique humaine avec un courant alternatif sur quatre patients dont un seul survivra.
En 1957, le 1er cas d’utilisation du défibrillateur portable sur un humain est recensé (KOUWENHOVEN et Dr FRIESENGER).
L’appareil est devenu transportable, il pesait 45 kg, ce qui a permis son utilisation en extrahospitalière depuis 1966.
La cardioversion électrique, pour réduire une fibrillation atriale, a été utilisée la première fois par LOWN en 1967.

C’est à partir des années 1980 que les premiers défibrillateurs semi automatiques (DEA) puis automatiques (DAE) ont commencé à voir le jour. Grace à la technologie moderne, les appareils se sont considérablement améliorés depuis le début des années 90 en termes de poids, d’encombrement et de facilité d’utilisation.

N’importe qui peut aujourd’hui s’en servir en urgence pour sauver une vie. La législation impose désormais la présence de défibrillateurs dans les lieux publics et encourage leur utilisation. Les appareils sont installés dans les aéroports, les avions, les stades, les centres commerciaux, les lieux de travail, les établissements scolaires, etc.

III. LES INDICATIONS DU CHOC CEE :

  • Arrêt cardio-respiratoire (ACR) par fibrillation ventriculaire (FV) : le choc doit être délivré le plus tôt possible. C’est la seule situation permise en dehors d’un milieu de réanimation. En effet, pour chaque minute passée sans défibrillation, les chances de survie de la victime diminuent de 7 à 10 %.
  • Les tachycardies graves nécessitent la cardioversion électriques (ou réduction) dans les cas suivants : perte de la conscience, état de choc, douleur thoracique aigue, dyspnée aigue ou insuffisance cardiaque aigue. Le choc est délivré après anesthésie brève.
  • La fibrillation atriale (FA) peut être traitée par CEE lorsqu’elle est mal tolérée ou lorsque le traitement pharmacologique est inefficace. Dans la plupart des cas cette défibrillation est programmée avec des précautions particulières préalables (écho cœur pour éliminer une thrombose de l’oreillette, anticoagulants, anesthésie, arrêt de digoxine, traiter l'hypokaliémie).

- L’arrêt cardiaque par asystolie (absence d’activité électrique) ne nécessite pas le CEE.
- Les tachycardies bien tolérées nécessitent la réduction pharmacologique par un médicament antiarythmique.

IV. LES DIFFÉRENTS DÉFIBRILLATEURS :

1) Les défibrillateurs manuels (hospitaliers) :
La défibrillation manuelle est pratiquée exclusivement par les professionnels de santé. L’analyse du tracé ECG est soumise à l’interprétation par le médecin qui décide de l’indication du choc. Cet appareil doit être muni de moniteur afin de suivre le rythme et les paramètres vitaux du patient (défibrillateur avec scope intégré).

2) Les défibrillateurs automatisés externes (symbole DAE ou en anglais AED) :

Sont les seuls autorisés à l’usage par le grand public. Ces défibrillateurs sont entièrement automatiques et fonctionnent de manière indépendante. Une fois les électrodes posées et l’appareil allumé, il procède lui-même au choc électrique après l’émission d’un signal sonore pour prévenir les personnes autour de la victime de s’écarter.

3) Les défibrillateurs semi-automatiques (DSA) :
Ne peuvent être utilisés que par les secouristes entrainés, les pompiers et les médecins. Comme pour le défibrillateur automatique, cet appareil analyse seul le tracé cardiaque de la victime et détermine le moment idéal pour déclencher la défibrillation. Seule différence, il faut que le secouriste appuie sur un bouton pour déclencher le choc électrique. Cela permet de s’assurer que personne ne touche la victime à ce moment-là.

4) Les défibrillateurs internes ou défibrillateurs automatiques implantables (DAI) :
Complètement différents des autres défibrillateurs externes, cet appareil est posé sous la peau lors d’une opération chirurgicale. Il est programmé pour délivrer un choc électrique lorsqu’il détecte des troubles du rythme cardiaque (par exemple arythmie paroxystique ou syndrome de Brugada).

V. COMMENT UTILISER UN DÉFIBRILLATEUR ?

1. Amenez l'appareil, ouvrir le couvercle pour mettre en marche automatiquement (ou appuyer sur un bouton pour d'autres appareils).
2. Mettez à nu le thorax de la victime. Nettoyez et séchez la peau, si besoin.
3. Décollez la pellicule adhésive et sortez les électrodes de la cartouche.
4. Décollez chaque électrode de son revêtement.
5. Bien coller les électrodes sur la peau : une sous la clavicule droite, l’autre sous le mamelon gauche.
6. Analyse ECG en cours. Ne touchez pas la victime !
7. Pour délivrer un choc : appuyer sur le bouton. Sauf si DAE : le choc est déclenché automatiquement.

Chez l’enfant 1 - 8 ans : utilisez de préférence des électrodes pediatriques. Les électrodes plates peuvent être collées l’une à la face antérieure du thorax (sternum), l’autre au dos, au même niveau.

Chez le nourrisson < 1 an : s'assurer que l'appareil est à usage pédiatrique. 

VI. ÉFFETS INDÉSIRABLES :
1. Migration des caillots sanguins :
En dehors de la cardioversion pratiquée dans les situations d'urgence (arrêt cardiaque et tachycardies mal tolérées) il faut éliminer la présence de thrombus dans les cavités cardiaques par échographie. Le CEE favorise la migration des caillots et peut provoquer un AVC ou embolie pulmonaire. Dans les chocs programmés, un traitement par anticoagulants precède le CEE durant quelques jours.

2. Brulures cutanées :
Le courant électrique peut provoquer la brulure de la peau à la zone de contact avec les électrodes. C'est une faute professionnelle. Ceci est à prévenir en s'assurant de bien appliquer les électrodes sur la paroi thoracique sans laisser d'espace vide. Les électrodes collantes sont à moindre risque, sinon il faut lubrifier au prélable les électrodes par un gel conducteur.

3. Rythme cardiaque anormal :
Une arythmie peut apparaitre après le choc. Le plus souvent transitoire et disparait en quelques minutes, sinon elle nécessitera un choc supplémentaire ou un traitement pharmacologique. Une surveillance clinique et du rythme cardiaque après le choc est nécessaire au moins 3 heures.

4. Électrocution de l'opérateur :
Le CEE peut être mortel pour un individu sain. L'opérateur doit prendre des précautions en manipulant le défibrillateur : éviter tout contact avec le patient et prévenir l'entourage avant le choc.
5. Risque d'étincelles et d'incendie :
Attention à l'ambuance enrichie en oxygène, éloigner toute source d'oxygène avant de procéder à la cardioversion. Ne pas laisser du gel lubrifiant sur la paroi thoracique entre les 2 électrodes.

LES RECOMMANDATIONS (SFMU en 2015)

  • utilisez un défibrillateur externe biphasique,
  • un positionnement antéropostérieur des électrodes, de préférence au positionnement antérolatéral,
  • une énergie initiale (courant biphasique) de 200 Joules pour une FA (entre 120 et 200 Joules pour un flutter). En cas d’échec d’un premier choc, une énergie supérieure est recommandée,
  • un choc synchrone avec les complexes QRS, afin de prévenir l’apparition d’une arythmie ventriculaire,
  • un positionnement des électrodes à distance d’un éventuel dispositif implanté (pacemaker, défibrillateur) et un contrôle du dispositif après cardioversion,
  • une sédation brève dans les conditions techniques de sédation avant d’effectuer un CEE chez un patient conscient. Le propofol est le médicament de choix pour cette sédation (administration IV lente et titrée de 0,5 à 0,8 mg/kg),
  • une induction en séquence rapide avec intubation orotrachéale doit être envisagée dans les situations à haut risque d’inhalation (obésité, grossesse, hernie hiatale, diabète et prise récente d’aliments solides) ou en cas de défaillance cardiaque gauche aiguë lorsqu’une sédation prolongée est prévisible,
  • une surveillance post sédation avec monitorage du rythme est recommandée pendant trois heures.

Références :
- SCHILLER France : Guide complet du DAE, mise à jour Octobre 2021 (à télecharger en PDF)
- ANSM : Gestion des défibrillateurs automatisés externes, juin 2014, (www.ansm.sante.fr).

- Lisez notre article : Réanimation de l'arrêt cardiopulmonaire

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