Les intoxications par les champignons (mushroom poisoning) surviennent fréquemment en été et en automne, parfois graves surtout chez les enfants. L’espèce des amanites (phalloïde dans 80% des cas) est la plus dangereuses et provoque chaque année des intoxications mortelles.

Ces intoxications sont la conséquence, dans la majorité des cas, d’une confusion avec d’autres champignons comestibles mais, dans certains cas également, de la cueillette par des personnes qui ignorent les risques d’intoxication et en l’absence totale d’identification des champignons.

La cueillette et l’ingestion de champignons sauvages comportent des risques.

Comment pouvez-vous distinguer la différence entre un champignon sauvage comestible et un poison?

Sauf si vous êtes très expérimenté dans l'identification des champignons, vous ne pouvez pas ! Ne jamais ramasser et manger des champignons sauvages à moins qu'ils n'aient été identifiés par un expert.

La cueillette des champignons est réglementée dans plusieurs pays de l’Europe. En France, tout ramassage non autorisé de champignons en forêt publique ou privée est puni d'une amende (Code civil, art. 547). En Suisse, les cueillettes organisées sont interdites et on a crée même une fonction de «contrôleur de champignon», un expert en mycologie qui vérifie si le produit est comestible ou toxique.

INTOXICATION PAR L'AMANITE PHALLOÏDE (AMANITA PHALLOIDES) :

L’Amanite phalloïde est connue depuis l’antiquité pour avoir été utilisée comme poison mortel. Un seul champignon suffit à provoquer une intoxication grave. Elle a pour caractéristique importante d’être souvent collective.
Dose létale : 50 g de ce champignon peut provoquer une insuffisance hépatique potentiellement mortelle. Chez L’enfant, 5 à10 g suffisent. L’amatoxine est une toxine qui inhibe la synthèse des protéines par blocage de la RNA polymérase II ADN dépendante. Elle n’est pas détruite par la cuisson et passe dans le lait maternel.

L’interrogatoire est d’importance capitale pour le diagnostic.

L'intoxication évolue en trois phases.

1- Les signes digestifs apparaissent en général brutalement, suite à une phase de latence variable de 6 à 48 heures (en moyenne 12 heures) après l’ingestion des champignons.

  • diarrhée cholériforme profuse,
  • vomissements incoercibles et répétés,
  • douleur abdominale,

Le syndrome gastro-entéritique, lorsqu’il est intense, peut provoquer des pertes hydroélectrolytiques importantes, une déshydratation et un collapsus cardiovasculaire.

2 - Phase de rémission apparente : en 3 ou 4 jours les troubles gastro-intestinaux s’amendent, mais l'atteinte du foie s'installe avec augmentation des transaminases.

3 - Phase d'atteinte du foie et des reins : à partir du troisième ou cinquième jour apparaît une hépatite aiguë toxique. L’insuffisance hépato-cellulaire entraîne des troubles de la coagulation, un ictère, une élévation du taux d'ammoniaque dans le sang, un coma par encéphalopathie hépatique. Les reins peuvent également être atteints. L’évolution peut être fatale ou rémission après quelques semaines.
La confirmation biologique est par le dosage des amatoxines (α-amanitine, β-amanitine) et de la phalloidine dans les urines.

Traitement en milieu de réanimation :

  1. Réhydratation, compenser les pertes d'électrolytes.
  2. En cas de forte suspicion d'intoxication à l'amanitine : donner précocement le charbon végétal activé à doses répétées.
  3. Antidotes : Il n’y a pas d’antidote spécifique.
  4. Hépatoprotecteurs : 

- SILIBININE ou SILYMARINE (LEGALON® SIL), hépatoprotecteur extrait d’une plante nommée chardon-Marie, en perfusion 20 mg/kg /jour repartis en 4 doses pendant 3-5 jours.
- N-ACÉTYLCYSTÉINE (FLUIMUCIL®) (HIDONAC®) aussi tôt que possible avant le stade de l'insuffisance hépatique : 150 mg/kg IV dans 250 ml de G 5% en 1 heure (réactions anaphylactoïdes fréquentes si perfusion trop rapide). Puis 50 mg/kg dans 500 ml de G 5% en 4 heures. Puis 100 mg/kg dans 1000 ml de G 5% en 16 heures.
- D’autres médicaments étaient préconisés comme la benzylpénicilline (Pénicilline G) ou la cimétidine mais leur efficacité n’est pas prouvée.

4. Traitement et prophylaxie du coma hépatique.

5. Hémodialyse en cas d'insuffisance rénale.

AMANITE PANTHÈRE (AMANITA PANTHERINA) :

* Chapeau : jusqu'à 10 cm, brun chocolat parsemé de flocons blancs bien ordonnés, en forme de parapluie. Son revêtement, brillant, s'enlève facilement. * Pied : blanc, cylindrique, pelucheux, garni d'une volve à sa base et d'un anneau membraneux assez fugace. La volve se termine par quelques bourrelets. * Lames : blanches, serrées. * Chair : blanche, présentant une vague odeur de radis.

Cette Amanite, généralement solitaire, pousse dès la fin de l'été et en automne dans les sous-bois de feuillus. Commune dans presque toute l'Europe et en Afrique du Nord, cette espèce reste l'une des plus dangereuses par la quantité de toxines qu'elle renferme. L'Amanite panthère se reconnaît à son chapeau brun chocolat, parsemé de flocons blancs réguliers et bien délimités depuis la marge jusqu'au centre, à son anneau blanc membraneux, assez fugace, et à la volve qui enserre la base de son pied en bourrelets successifs. Quoique assez marqués, ces caractères peuvent s'estomper avec les conditions ambiantes, et des erreurs d'identification sont toujours possibles. Mieux vaut donc s'abstenir lorsqu'un doute subsiste. Une confusion peut s'établir avec l'Amanite épaisse (Amanita spissa), espèce comestible. Chez cette dernière, le chapeau est plus gris et orné de peluches écailleuses inégales et désordonnées de teinte grisâtre, le pied est plus court et plus robuste, et la volve dénuée de bourrelet.

INTOXICATION PAR LES AUTRES CHAMPIGNONS :

  • AGARICUS XANTHODERMA, AGARIC JAUNISSANT : Troubles digestifs isolés, sans réelle gravité Traitement symptomatique
  • AMANITE TUE-MOUCHES (AMANITA MUSCARIA) : Symptômes neuropsychiques, hallucinations, sommeil profond voire coma. Traitement symptomatique
  • AMANITE PANTHÈRE (AMANITA PANTHERINA) : Troubles du comportement, euphorie, agitation, désorientation, délire, hallucinations Puis sommeil profond voire un coma dans les cas graves. Traitement symptomatique
  • BOLET SATAN (BOLETUS SATANAS) : Gastro-entérite bénigne. Traitement symptomatique.
  • CLITOCYBES : Syndrome muscarien (l a muscarine est proche de l’acétylcholine) : écoulement du nez, larmoiement, hyper salivation, sueurs abondantes, hypersécrétion bronchique, bradycardie et hypotension. Vomissements et diarrhée. Traitement par l’atropine, guérison en moins de 24 heures.
  • COPRIN NOIR D'ENCRE (COPRINUS ATRAMENTARIUS) : Sans gravité sauf si associée à une consommation d’alcool : rougeur du visage et du cou, maux de tête, vertiges, chute de tension, vomissements et transpiration excessive. Traitement symptomatique. Les troubles disparaissent en quelques heures.
  • CORTINAIRES (certaines espèces sont toxiques) : Syndrome orellanien qui survient 8 à 10 jours après la consommation: soif intense, sécheresse de bouche, vomissements, douleurs abdominales, douleurs lombaires, oligo-anurie et insuffisance rénale, parfois irréversible, par néphrite tubulo-interstitielle. Traitement par hémodialyse.
  • ENTOLOME LIVIDE : L'intoxication débute par des nausées, des vomissements et une diarrhée importante pouvant entraîner une déshydratation. Élévation des enzymes hépatiques, atteinte modérée du foie. Évolue vers la guérison en 5 à 6 jours. Le diagnostic différentiel se pose avec l’Amanite phalloïde.
  • GALÈRE MARGINÉE OU PHOLIOTE MARGINÉE : Contient des amanitines et provoque une intoxication comparable à celle entraînée par l'Amanite phalloïde (hépatite toxique).
  • GYROMITRA ESCULENTA (ou COMESTIBLE) : La gyromitrine est transformée dans l'organisme en monomethylhydrazine qui inactive la vitamine B6. Elle donne une intoxication variable selon le terrain. Des troubles digestifs importants (nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdominales) surviennent 6 à 12 heures après le repas. Ils peuvent entraîner une déshydratation et s'accompagnent de violents maux de tête, de fièvre et d'une asthénie. Lorsque l'intoxication est sévère, une atteinte du foie et des troubles neurologiques (délire, somnolence, tremblements, convulsions) apparaissent 36 à 48heures après la consommation. Il peut y avoir une hémolyse et une atteinte du rein. Traitement symptomatique, vitamine B6 (pyridoxine) si convulsions. Évolution favorable le plus souvent.
  • INOCYBE (certaines espèces) : Syndrome muscarinique (identique aux CLITOCYBES). Traitement par l’atropine, guérison en moins de 24 heures.
  • LÉPIOTES (certaines espèces) :Contiennent des amanitines et peuvent entraîner une intoxication mortelle (identique à l’AMANITE PHALLOÏDE).
  • PAXILLE ENROULÉ (PAXILLUS INVOLUTUS) : Il provoque chez certaines personnes une réaction allergique extrêmement grave, caractérisée par une hémolyse et une atteinte rénale. Traitement est symptomatique, une hémodialyse et des transfusions peuvent être nécessaires.
  • PSILOCYBE SEMILANCEATA, PSILOCYBE CYANESCENS : Incubation courte, quelques minutes après la consommation. État de confusion, hallucinations visuelles, état de panique, agitation et d'anxiété. Signes atropiniques (mydriase, tachycardie). Traitement symptomatique. Les symptômes disparaissent en quelques heures.

L’Institut de veille sanitaire INVS met en garde les amateurs de cueillette des champignons et rappelle qu’il est primordial de prendre en compte les recommandations suivantes:

  • ne ramasser que les champignons que vous connaissez et reconnaissez parfaitement, certains champignons vénéneux hautement toxiques ressemblent beaucoup aux espèces comestibles.
  • au moindre doute sur l’état ou l’identification de l’un des champignons récoltés, ne pas consommer la récolte avant de l’avoir fait contrôler par un spécialiste en la matière. Les pharmaciens ou les associations et sociétés de mycologie de votre région peuvent être consultés.
  • cueillir uniquement les spécimens en bon état et prélever la totalité du champignon (pied et chapeau), afin de permettre l’identification ;
  • éviter les sites pollués (bords de routes, aires industrielles, décharges) car les champignons concentrent les polluants.au moindre doute, jeter le champignon ;
  • déposer les champignons séparément, dans une caisse ou un carton mais jamais dans un sac plastique qui accélère le pourrissement ;
  • séparer les champignons récoltés, par espèce. Un champignon vénéneux peut contaminer les autres ;
  • bien se laver les mains après la récolte ;
  • les conserver dans de bonnes conditions au réfrigérateur et les consommer dans les 2 jours au maximum après la cueillette ;
  • les consommer en quantité raisonnable après une cuisson suffisante, ne jamais les consommer crus. [Fin citation INVS]

Intoxications liées à la consommation de champignons : 

Point de situation : Données consolidées en 2015. INVS

  • En 2015 : 1039 cas d’intoxication par des champignons ont été enregistrés par les CAPTV entre juin et octobre 2015. Le réseau Oscour a enregistré 462 passages aux urgences pour intoxication par des champignons pendant la même période. Environ trois décès et plus d’une vingtaine de cas graves sont observés chaque année.
  • En 2014, 240 cas d'intoxication par des champignons ont été enregistrés. Un nombre d'intoxications hebdomadaires variant de 35 à 50 est observé depuis la semaine 29. Le réseau Oscour® a enregistré 116 passages aux urgences pour intoxication par des champignons pendant la même période. Ces cas ont été observés principalement en Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d'Azur mais toutes les régions géographiques sont concernées.
  • En 2013, pendant la même période, 95 cas d'intoxication et 34 passages aux urgences avaient été enregistrés par le réseau des CAPTV et Oscour®. Au total, 1233 cas d'intoxication par des champignons et 411 passages aux urgences pour intoxication par des champignons ont été enregistrés pendant la période de surveillance (du 01/07 au 29/12 - de la semaine 27 à 52). Deux pics d'intoxication avaient été constatés les semaines 40 (du 30/09 au 06/10/13) et 43 (du 21 au 27/10/13), avec respectivement 180 et 159 cas enregistrés.

POUR EN SAVOIR PLUS :

  1. Reconnaître les espèces toxiques par les images : Site Memento des champignons
  2. Ingestion de champignons : centre antipoison belge
  3. Site (photos et description): éducation à l'environnement
  4. Intoxications aux amanites phalloïdes (Amanita phalloides) et aux autres champignons à amatoxine (2020, PDF)Centre Suisse d‘Information Toxicologique
  5. Lionel Trueb, Pierre-Nicolas Carron, Philippe Saviuc : Intoxication par les champignons. Rev Med Suisse 2013; volume 9. 1465-1472
  6. Les signes d'une intoxication par les champignons. Centre antipoison de Lille 

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