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Dr Nairouz Ghannouchi Jaafoura, Pr Fethi Bahri

Service de médecine interne et maladies infectieuses - CHU Farhat Hached Sousse (Tunisie)

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INTRODUCTION - HISTORIQUE :

La découverte de l’héparine remonte à environ un siècle (1916). Elle est attribuée à Jay Mc Lean qui avait observé que des extraits de foie possédaient une activité anticoagulante. Le terme « héparine » est d’ailleurs issu du grec hêpar qui signifie foie. Ce n’est qu’en 1935 que fut extraite l’héparine purifiée et à la fin des années trente, les premiers essais en prévention de la maladie thromboembolique ont eu lieu en milieu orthopédique. C’est en 1976 que Anderson démontre l’influence de la masse moléculaire sur les propriétés anticoagulantes de l’héparine. Il démontra que l’activité anti-Xa était indépendante de la masse moléculaire alors que l’activité inhibitrice de la thrombine nécessitait une chaîne saccharidique plus longue. Dès lors, la recherche sur les héparines de bas poids moléculaires s’est intensifiée avec un rôle important de l’industrie pharmaceutique française qui développe deux produits couvrant 75 % des ventes mondiales : L’enoxaparine proposée par Aventis et la nadroparine proposée par Sanofi- Synthélabo

Après une vingtaine d'année d'utilisation, les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ont supplanté les héparines standard non fractionnées puisque, à efficacité équivalente, elles sont d'une plus grande maniabilité en terme de surveillance de la coagulation et contrairement à l’héparine qui nécessite un monitorage du TCA, aucun contrôle biologique n’est nécessaire avec les HBPM. Les recherches dans ce domaine continuent et la mise au point de nouveaux anticoagulants est en cours.

POURQUOI UNE HBPM ?

A efficacité égale, l’utilisation des HBPM offre certains avantages par rapport à l’héparine standard. En effet, leurs propriétés pharmacocinétiques et leurs biodisponibilité rendent leur utilisation facile, autorisant un rythme d’injection quotidien ou biquotidien par voie sous cutanée. Leur activité biologique, évaluée par l’activité anti-Xa, est prédictible par rapport au poids sauf dans les situations de poids très élevé ou très faible (< 40 kg). Ainsi, avec une dose adaptée au poids, plus de 75 % des patients sont dans la zone thérapeutique dès la première injection et le demeurent tout le long du traitement. Le traitement par HBPM est donc prescrit à une dose adaptée au poids sans contrôle biologique (niveau 1).* La mesure de l’activité anti-Xa n’est réservée que pour détecter une accumulation dans les situations fréquemment associées à ce risque : insuffisance rénale légère à modérée (clairance de la créatinine entre 30 et 60 ml/min), cachexie ou une hémorragie inexpliquée.

Dans tous les cas, la clairance de la créatinine sera estimée selon la formule de Cockroft, à partir d'un poids récent du patient et d'un dosage de la créatinine plasmatique récent, particulièrement au-delà de 75 ans et avant d'initier un traitement à dose curative.

L'utilisation des HBPM est contre-indiquée à dose curative dans l'insuffisance rénale sévère (Clairance de la créatinine de l'ordre de 30 ml/min). Elle est déconseillée à dose préventive dans l'insuffisance rénale sévère, et à dose curative dans l'insuffisance rénale légère à modérée (Cl créat de l'ordre de 30 à 60 ml/min).

* Le risque d’une thrombopénie induite par l’héparine (TIH), potentiellement grave et susceptible de se manifester ou de se compliquer par la survenue de thromboses, existe avec les HBPM et donc la surveillance de l’hémogramme est impérative. Une numération plaquettaire doit être réalisée : - Avant le traitement ou au plus tard dans les premières 24 heures

* 2 fois par semaine pendant la durée du traitement

* 1 fois par semaine au-delà d'un mois de traitement.

Toute baisse significative (30 à 50 % de la valeur initiale) ou nombre inférieur à 100 000 plaquettes/mm3 doit donner l'alerte.* Aucune association médicamenteuse n’est contre-indiquée de façon absolue, toutefois certaines associations augmentant le risque hémorragique sont "déconseillées" (aspirine aux doses antalgiques, antipyrétiques et anti-inflammatoires, A.I.N.S. par voie générale, Dextran 40), et d’autres nécessitent des "précautions d'emploi " particulières (AVK, anti-agrégants plaquettaires). Ces risques d'interaction sont d'autant plus à craindre qu'il s'agit d'un traitement curatif (quel que soit l'âge du patient), et/ou d'un sujet âgé (quelle que soit la dose d'HBPM utilisée). En toutes circonstances, ces associations médicamenteuses, si elles sont réalisées, nécessitent un suivi clinique (et biologique si nécessaire) particulièrement rigoureux.

QUAND ET COMMENT PRESCRIRE LES HBPM ?

Les indications des HBPM sont d’une part préventives, d’autre part curatives.

A- LES INDICATIONS PREVENTIVES :

Les indications préventives des HBPM concernent la maladie veineuse thromboembolique (MVTE). Cette prévention comprend cependant d'autres mesures non médicamenteuses :

  • lutte contre l'alitement prolongé
  • contention mécanique
  • en chirurgie, utilisation de l'anesthésie rachidienne et mobilisation précoce
  • surveillance clinique des membres inférieurs dans les différentes situations à risque

1- En Milieu Chirurgical :

Le risque de survenue d’un accident thromboembolique en post opératoire est très élevé et le bénéfice d’une prévention fondée sur le recours aux HBPM est établi. Ceci a été démontré dans de nombreuses disciplines : Chirurgie générale et chirurgie orthopédique surtout mais également en neurochirurgie, en chirurgie vasculaire…Ainsi et à titre d’exemple, l’incidence des thromboses veineuses profondes (TVP) après remplacement prothétique de hanche et en l’absence de toute mesure prophylactique, se situe entre 50 et 60 %. De même, les patients opérés d’une chirurgie intracrânienne ont une incidence de TVP élevée, de l’ordre de 20 à 35% dans la période postopératoire en l’absence de prophylaxie.

Il est à noter cependant que toutes les interventions n’ont pas le même risque, et d’autre part, outre le risque lié à la chirurgie, il existe un risque lié au patient (âge supérieur à 40 ans, obésité, maladie variqueuse, antécédents thrombotiques, thrombophilie…). C’est ainsi qu’on a définit des « niveaux de risque de thromboses veineuses » qui sont classés comme :

* Faible pour la chirurgie des varices, la chirurgie abdominale non majeure (Chirurgie pariétale, appendice, vésicule non inflammatoire), arthroscopie ou ligamentoplastie du genou, …

* Modéré pour la chirurgie de varices en cas de dissection étendue et/ou hémorragique, de durée opératoire anormalement prolongée ou en cas d’urgence.

* Elevé pour la chirurgie abdominale majeure (foie, pancréas, côlon, maladies inflammatoires ou cancéreuses du tractus digestif) même en l’absence de cancer, la chirurgie bariatrique, la prothèse totale de la hanche ou du genou, la chirurgie ouverte du bas appareil urinaire, néphrectomie, transplantation rénale… Dans les situations à risque élevé en chirurgie digestive, les HBPM réduisent de 72% l’incidence des événements phlébographiques et cliniques par rapport à un placebo (niveau 1). L’incidence des hémorragies est doublée mais reste faible dans le groupe HBPM (2,8% environ). Comparés à l’HNF, les résultats concernant la réduction du risque de TVP paracliniques et cliniques et du risque hémorragique sont tous en faveur des HBPM (niveau 1), elles sont de ce fait recommandées en première intention et en l’absence d’insuffisance rénale (grade A). La durée de la prophylaxie est variable selon la chirurgie : 7-10 jours en chirurgie digestive et jusqu’à 42 jours pour les prothèses totales de la hanche.

Dans les situations à risque faible, Il n’y a pas lieu d’envisager de prophylaxie médicamenteuse (risque patient exclu) (grade B).

2- En Gynéco Obstétrique:

* Le risque thromboembolique postopératoire sans traitement prophylactique en chirurgie gynécologique est mal évalué. Des niveaux de risque d’événements thromboemboliques sont également identifiés selon le type de l’intervention et sa durée, aux quels s’associe des facteurs de risque propres à la patiente. Compte tenu des facilités d’emploi, les HBPM sont considérées comme le traitement prophylactique de référence en chirurgie gynécologique (grade A). La durée habituelle est de 7 à 14 jours en cas de chirurgie à risque modéré (grade D) et de 4 semaines en cas de risque élevé (grade A).

* La grossesse représente en elle-même un facteur de risque de MTEV et le risque en obstétrique est cinq fois plus important que dans la population générale. La césarienne multiplie de même le risque de survenue de MTEV par un facteur de 2 à 5.

Chez les patientes à haut risque thrombotique, la mise en route d’un traitement anticoagulant prophylactique est donc justifiée au cours de la grossesse et du post partum. Les HBPM constituent une alternative efficace et sûre à l’HNF. Certains auteurs ont proposé 40 mg d’énoxaparine tout au long de la grossesse et au cours des 6 premières semaines du post partum. Les parturientes, définies par ces auteurs comme à haut risque de thrombose au cours de la grossesse étaient celles qui avaient fait plus d’une thrombose dans le passé, celles qui avaient un déficit en protéine C, en protéine S, en antithrombine III ou une résistance à la protéine C activée, celles qui avaient des anticorps antiphospholipides (associés à des pertes fœtales ou des thromboses), celles qui avait une histoire familiale de thrombose et celles ayant un antécédent de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire au cours d’une grossesse évolutive. Le traitement anticoagulant chez ces patientes n’a pas modifié les modalités de l’accouchement ni la réalisation d’une éventuelle anesthésié locorégionale ou générale.

3- En Pathologie Médicale :

En situation médicale aiguë, nécessitant une hospitalisation, l’étude Medenox publiée en 1999, a pour la première fois permis de codifier les pratiques quotidiennes en terme de prévention de la MTEV. Cette étude a inclus des malades âgés de plus de 40 ans, hospitalisés en médecine pendant au moins 6 jours avec une immobilisation minimale de 3 jours. Le motif d’hospitalisation était une insuffisance cardiaque stade III ou IV, une insuffisance respiratoire aigue, une affection infectieuse ou rhumatologique aigue ou une poussée aigue d’une colite inflammatoire. Ces patients avaient en plus au moins un facteur de risque supplémentaire de TVP : âge > 75 ans, néoplasie, antécédents de d’accident thromboembolique (ATE), obésité, varices, traitement hormonal et insuffisance cardiaque ou respiratoire chronique. Dans le groupe traité par 40 mg d’énoxaparine, pendant 6 à 14 jours, la survenue d’un ATE était significativement plus faible comparativement aux 2 autres groupes traités par placebo ou par 20 mg d’énoxaparine. Il n’y avait pas de différence entre les patients traités par 20 mg d’énoxaparine et ceux traités par placébo.

4- Prophylaxies primaires de la MVT chez le patient cancéreux

Aucune étude clinique n’a à l’heure actuelle démontrée le bénéfice de la prophylaxie primaire à grande échelle de la MVT chez les patients cancéreux. Aussi, il n’y a pas actuellement d’indication à une anticoagulation en prophylaxie primaire de la MVT du patient cancéreux en routine. Cependant, cette anticoagulation prophylactique est recommandée chez les patients à haut risque (chirurgie ou gestes invasifs, alitement prolongé…). En effet, les patients cancéreux soumis à une chirurgie présentent un risque accru de thrombose postopératoire comparativement aux patients non cancéreux. En raison de la commodité des HBPM par rapport aux AVK et HNF, le traitement par HBPM (en une injection quotidienne) est devenu la référence en prophylaxie de la MVT du patient opéré pour cancer.

B- LES INDICATIONS CURATIVES :

En traitement curatif, les indications des HBPM sont représentées par la MVTE et les syndromes coronariens aigus.

1- MVTE :

Plusieurs études ont montré l’efficacité équivalente des HBPM par rapport à l’héparine non fractionnée (HNF) en perfusion intraveineuse continue dans le traitement des thromboses veineuses profondes avec une moindre incidence d’accidents hémorragique et de thrombopénie induite par l’héparine.

En matière d’embolies pulmonaires non graves, seules la tinzaparine et plus récemment l’énoxaparine ont obtenu l’AMM dans cette indication.

L’utilisation des HBPM dans les thrombophlébites superficielles est encore controversée et dépend de l’étiologie sous jacente.

2- Les Syndromes coronariens aigus :

Les syndromes coronariens aigus, angor instable ou infarctus du myocarde sans onde Q, sont également une indication classique des HBPM qui, encore une fois, ont supplanté l’HNF. Avec moins d’accidents hémorragiques, Les HBPM ont montré une supériorité par rapport à l’HNF quant à la réduction du risque de décès, du réinfarcissement et de la survenue d’accident vasculaire cérébral.

QUELLE HBPM PRESCRIRE ?

Les indications sont déterminées en fonction du dossier d'AMM et ne peuvent être extrapolées d'une HBPM à l'autre en raison de leur composition, de leurs propriétés pharmacologiques et pharmacocinétiques. La posologie varie en fonction de l'indication :

- En prévention de la thrombose veineuse profonde : selon le niveau de risque thromboembolique individuel, lié au patient et au type d'intervention.

- En traitement curatif, selon le poids du patient.

BIBLIOGRAPHIE:

  • a. Hervé Lévesque. L’histoire des traitements anticoagulants. La revue de médecine interne 25 (2004) : 315-317
  • b. Büller HR et col. Antithrombotic therapy for venous thromboembolic disease. The seventh ACCP conference on antithrombotic and thrombolytic therapy.
  • c. Samama MM et col. A Comparaison of enoxaparin with placebo for the prevention of veinous thromboembolism in acutely ill medical patients. N Engl J Med 1999; 341: 793 - 800.
  • d. John W et col. Unfractionnated and Low-Molecular-Weight Heparin as adjuncts to thrombolysis in aspirin-treated patients with ST-Elevation acute myocardial infarction : A meta-analysis of the randomized trials. Circulation 2005; 112:3855-3867.
  • e. Pavic M et col. Maladie veineuse thromboembolique et cancer. La revue de Médecine Interne 27(2006) : 313 - 322.
  • f. J.-F. Payen et col. Thromboprophylaxie en neurochirurgie et en neurotraumatologie intracrânienne. Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 24 (2005) 921–927
  • g. V. Piriou et col. Prévention de la maladie thromboembolique veineuse périopératoire en chirurgie cardiaque, vasculaire et thoracique. Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 24 (2005) 938–946
  • h. Jodi B. Segal et col. Management of Venous Thromboembolism: A Systematic Review for a Practice Guideline. Annals of internal medicine, 146 (2007) 211-222.

©Auteurs + efurgences.net

Pr. Mounir GRIRA - Neurologie – Sousse (TUNISIE)

INTRODUCTION

L’accident vasculaire cérébral (AVC) est devenu un problème majeur de Santé Publique puisqu’il cumule la 1ère cause de handicap acquis chez l’adulte, la 2ème cause de démence, la 3ème cause de mortalité, et constitue une des causes majeures d’admission dans les services d’urgences et une des maladies chroniques les plus coûteuses.

Parallèlement aux progrès dans la connaissance de la physiopathologie de l’AVC ischémique et de l’Imagerie en Résonance Magnétique de diffusion et de perfusion, des progrès sont apparus pour la prise en charge des AVC, devenue un enjeu sur le plan de l’organisation des soins hospitaliers et inter-hospitaliers, centrée sur une unité thérapeutique efficace, située au sein d’une filière hospitalière : l’Unité Neuro-Vasculaire.

Une Unité Thérapeutique spécialisée : l’Unité Neuro-Vasculaire

Le regroupement des malades dans une Unité géographiquement bien déterminée, encadrée par un personnel infirmier et médical compétent, a permis de faire baisser la mortalité et le handicap de 20 %. Ce progrès remarquable repose essentiellement sur une surveillance continue, la correction instantanée de toute chute de tension, de tout trouble du rythme, de toute hyperglycémie, de toute baisse de l’oxymétrie. Les méta-analyses récentes ont confirmé la robustesse statistique de l’efficacité des Unités Neuro-Vasculaires.

Une molécule : le rt-PA

La désobstruction artérielle par fibrinolyse au rt-PA (recombinant tissue plasminogen activator) effectuée dans une fourchette thérapeutique très brève, de moins de 3 heures, a largement démontré son efficacité en diminuant de 20 % les séquelles déficitaires mais sans modifier la mortalité, du fait des risques hémorragiques cérébraux engendrés par cette thérapeutique.

La dangerosité potentielle de ce médicament nécessite qu’il soit appliqué selon des critères drastiques reposant sur l’âge inférieur à 80 ans, un score de déficit selon le Score National Institute of Health compris entre 5 et 22, l’absence d’image ischémique précoce dépassant le tiers du territoire de la sylvienne et bien entendu l’absence d’hémorragie cérébrale. Son utilisation par un neurologue dans une unité spécialisée est garante d’un rapport bénéfice/risque favorable.

Une organisation de soins : la filière et le réseau inter-hospitalier gradué

La filière intra-hospitalière pluridisciplinaire organisée autour de la Neurologie et de l’Imagerie réalise un enjeu organisationnel important qui sous-tend la mise en place d’Unités Neuro-Vasculaires. La constitution de la filière nécessite que l’ensemble des acteurs de la prise en charge des AVC, comprenant le médecin généraliste qui occupe une place capitale dans la prévention et le diagnostic précoce, les SAMU, les Services d’Accueil des Urgences, les Services d’Imagerie, de Neurologie, de Cardiologie, de Réanimation Médicale et de Rééducation soient associés en un réseau mutualisant les plateaux techniques et les compétences. Le préalable à la fibrinolyse repose sur des lits dédiés et disponibles nécessitant une filière intra-hospitalière sans faille, réduisant la perte de temps.

CONCLUSION

La prise en charge des AVC réalise un des progrès majeurs en Médecine grâce à une approche rationnelle, globale et cohérente dont le modèle abouti est l’Unité Neuro-Vasculaire, authentique unités de soins intensifs permettant de surveiller de façon continue des paramètres dont la correction immédiate améliore la durée de la survie et surtout sa qualité.

Au sein de ces filières intra-hospitalières et des réseaux régionaux, le neurologue doit occuper une place centrale, afin de coordonner l’ensemble des compétences médicales, dont l’imagerie, et paramédicales, intervenant de la phase initiale de l’AVC jusqu’à la phase de retour à domicile en passant par les services de rééducation.

© M. Grira - e Formation en médecine d'urgence

Les urgences en proctologie sont pour l’essentiel soit douloureuses (douleur anale) soit hémorragiques (rectorragies ou anorragies).

Les malades qualifient souvent d'hémorroïdes la plupart des symptômes anaux ou rectaux. On fera préciser duquel il s’agit parmi les suivants :
* Douleurs anales
* Rectorragies
* Prurit anal
* Suintements tachant le slip
* Perception d’une tuméfaction anale
* Le Prolapsus rectal étranglé, l’impossibilité d’exonérer ou le corps étranger enclavé motivent quelquefois cette consultation en urgence.

I - ANATOMIE DU CANAL ANAL (FIGURE N°1)
Le canal anal est le segment périnéal et terminal du rectum. La muqueuse qui le tapisse est divisée en deux étages par la ligne pectinée située à sa partie moyenne.


La ligne pectinée est formée par les valvules anales, replis transversaux semi-lunaires.
Les valvules forment avec la paroi du canal anal les cryptes de Morgagni au fond desquelles s'ouvrent les glandes anales. A ce niveau, il existe dans la sous muqueuse des dilatations veineuses (plexus hémorroïdaire interne).
Au-dessous de la ligne pectinée se trouve la zone cutanée lisse qui se termine avec la marge anale. Elle a une couleur grise bleuté et formée par un épithélium malpighien non kératinisée sans poils ni glandes. La marge anale se distingue de la peau environnante par sa finesse, son plissement et sa pigmentation brune. A ce niveau, il existe le plexus hémorroïdaire externe, sous cutané.
Le sphincter interne est un muscle lisse faisant suite à la musculeuse rectale dont il est un épaississement. Son tonus permanent assure la fermeture du canal anal.
Le sphincter externe est constitué de fibres striées entourant le sphincter interne et il entre dans la constitution du complexe sphinctérien avec le muscle releveur de l’anus.

II – EXAMEN PROCTOLOGIQUE :
Comme tout examen clinique, l’examen proctologique comporte :
* l’inspection de la marge anale (avec un bon éclairage) tout en écartant les plis radiés pour exposer la zone cutanée lisse de l’anus
* La palpation à la recherche de tuméfaction ou de douleur
* Le Toucher Rectal ++++
L’examen peut être fait en position génu-pectorale ou en décubitus latéral gauche. Cette dernière position est plus confortable pour le malade, physiquement et psychologiquement, mais la rectoscopie au tube rigide est moins aisée

III – LES EXPLORATIONS ANO-RECTALES :
* L’anuscopie et la rectoscopie au tube rigide sont deux techniques qui peuvent être pratiquées par tout médecin.
* L’anuscopie permet l'examen de la muqueuse du canal anal et d'apercevoir le bas rectum
* Cet examen est indolore et ne nécessite aucune préparation.
* La rectoscopie au tube rigide se fait avec un appareil long de 15 à 25 cm. Cet examen explore la muqueuse de tout le rectum jusqu’à la charnière recto-sigmoïdienne située vers 12-13 cm de la marge anale. Il est pratiqué soit sans préparation, soit après évacuation rectale par un micro-lavement.
Des explorations plus poussées telles que la sigmoidoscopie ou la coloscopie totale seront pratiquées par le spécialiste.

IV- LES URGENCES EN PROCTOLOGIE :
Il s’agit de patient qui vous consulte pour :

A- Douleur anale :
1- La maladie Hémorroïdaire

Il faut distinguer sur le plan sémantique, les structures anatomiques (réseau hémorroïdaire) des symptômes qui peuvent leur être associés.

La maladie hémorroïdaire : Il s’agit d’une affection anale résultant de complications liées aux dilatations veineuses normales sous muqueuses (hémorroïdes internes) ou sous cutanées (hémorroïdes externes).
Les Manifestations cliniques liées au plexus hémorroïdaires internes associent à divers degrés une procidence anale, des douleurs et/ou des saignements. La procidence peut être permanente ou ne survenir qu’au moment de la défécation.
Les douleurs sont plutôt à type de tension ou de brûlures, la gêne est intermittente et peut se reproduire par période de quelques jours (on parle de crise hémorroïdaire). Certains auteurs attribuent d’autres symptômes comme le prurit à la maladie hémorroïdaire.
Les plexus hémorroïdaires externes (et à un moindre degrés les plexus internes) peuvent être le siège d’une thrombose intravasculaire et pour corollaire des symptômes douloureux aigus : on parle de thrombose.

2- La thrombose hémorroïdaire
* La thrombose hémorroïdaire externe résulte de la formation d'un caillot. Elle s’accompagne d’un oedème de volume variable, non proportionnel à la taille du thrombus.
La thrombose est favorisée par l’hypertonie anale et par la grossesse. La douleur anale a un début brutal, elle est intense et continue.
La douleur n’est pas augmentée par la défécation. Il s’agit d’une tuméfaction marginale externe d’apparition brutale, bleutée, plus ou moins oedémateuse.
En l’absence de traitement, la douleur se calme spontanément en 2 à 7 jours, la tuméfaction régresse et peut faire place à une marisque séquellaire.
Le traitement consiste en l’extraction du caillot sous anesthésie locale quand la thrombose est apparue depuis moins de 72 heures et lorsque la réaction oedémateuse n’est pas trop prononcée. En cas de thrombose oedémateuse, vue tardivement, ou peu douloureuse, on a recours au traitement médical associant paracétamol, AINS et application d'une pommade contenant des corticoïdes.
* La Thrombose hémorroïdaire interne
est rare, se manifeste par une douleur vive. Elle est perceptible au toucher rectal sous forme d’une induration localisée très sensible. Le thrombus peut être excisé, mais le traitement est le plus souvent médicamenteux par une pommade aux corticoïdes et des AINS per os. Le prolapsus hémorroïdaire interne étranglé doit être traité d’urgence (réintégration, AINS, repos, hémorroïdectomie éventuelle).

3- La fissure anale
La douleur fissuraire est de type brûlure anale, déclenchée ou accentuée par l’exonération, et qui persiste pendant plusieurs heures après la défécation. Cette douleur est due est due à une contracture du sphincter anal interne. Elle s’accompagne parfois de rectorragies minimes, et d’une constipation souvent responsable du traumatisme initial et qui s’accentue du fait de la douleur à l’exonération. Le déplissement des plis radiés de l’anus permet de voir la fissure en forme de raquette à bords nets, à fond rouge, souvent commissurale postérieure. Le toucher rectal, est très douloureux en raison de la contracture sphinctérienne réflexe. Parfois, il est si douloureux qu’on ne peut pas le réaliser Il ne faut pas insister. La fissure peut être infectée et se prolonger par un petit abcès inter-sphinctérien. La fissure siège en général à – heures en position gynécologique. Au stade de fissure chronique, le bord s’épaissit en arrière pour former un capuchon mariscal
Il faut être alerté par quelques particularités n’appartenant pas à une fissure banale :
Toute fissure d’aspect inhabituel, indolore, de localisation latérale, remontant dans le canal anal au-dessus de la ligne pectinée, ou associée à une adénopathie inguinale, est suspecte. Elle doit faire pratiquer des prélèvements ou des explorations complémentaires visant à identifier une localisation anale de la maladie de Crohn, une affection vénérienne ou néoplasique, enfin une tuberculose.
Le traitement de la fissure anale est médical de première intention : ramollissement des selles, antalgiques, topiques locaux. Les taux de succès varient entre 40 et 70 %. Le traitement chirurgical (sphinctérotomie latérale interne) est réservé aux fissures anales chroniques, aux formes hyperalgiques ou résistantes au traitement médical.

4- L’Abcès périanal
La douleur est de survenue rapidement progressive sur quelques jours, pour devenir permanente, intense, pulsatile, insomniante. La fièvre est inconstante. Cet abcès pelvien peut induire, à la phase aiguë une constipation d’évacuation et une dysurie. L’abcès se présente sous forme d’une tuméfaction rouge, lisse, tendue.
Habituellement ces abcès sont dus à l’infection d’une glande sous-pectinéale.
L’examen retrouve souvent une tuméfaction marginale ou para-anale, rouge, inflammatoire et tendue. Quelque soit la nature, tout abcès anal symptomatique est « mûr » et le traitement est uniquement chirurgical. Une antibiothérapie ne guérira pas le patient, et les anti-inflammatoires non stéroïdiens quelquefois efficaces sur la douleur peuvent favoriser la diffusion à bas bruit de l’infection. Devant un abcès anal sous tension, le patient peut être immédiatement soulagé par une simple incision, après anesthésie locale superficielle.
Exceptionnelle, la gangrène gazeuse du périnée est une urgence qui engage le pronostic vital, en particulier en cas de diagnostic tardif. Elle doit être suspectée devant l’apparition de douleurs inhabituelles, de modifications inflammatoires du revêtement cutané péri anal et de signes infectieux généraux. Le classique « crépitation neigeuse » du tissu sous cutanée n’est présent que dans un tiers des cas. Favorisée par l’immunodépression, le diabète ou la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, cette cellulite ou fascéite nécrosante périnéale peut compliquer une suppuration anale banale. La prise en charge doit être réalisée dans un centre spécialisée de réanimation médicochirurgicale (antibiothérapie anti-anaérobies, une oxygénothérapie hyperbare, une colostomie de décharge initiale et un débridement chirurgical répété. En raison de cette complication rare mais dramatique, une antibioprophylaxie systématique par métronidazole est préconisée lors de tout geste proctologique invasif.
Parfois l’abcès n’est pas visible au niveau de la marge anale. Il s’agit d’un abcès endo-anal à l’origine d’une douleur et parfois de fièvre. Il peut être perçu sous la forme d’un bombement endo-anal au TR.

5- La fistule anale
Elle se traduit par un écoulement péri-anal intermittent de pu par un orifice souvent induré et en relief. La fistule est souvent indolore dans l’intervalle des rétentions abcédées ; elle peut cependant être la cause d’une gêne locale, d’un suintement ou d’un prurit. Fistules anales et abcès sont deux formes cliniques ou deux périodes évolutives de l’histoire naturelle d’une seule maladie ayant pour origine une infection des glandes anales. Le traitement de la fistule anale constitue exceptionnellement une urgence.

6- Autres causes de douleur anale
* Proctalgie fugace : la douleur rectale est très intense, à type de crampe, constrictive, souvent nocturne et réveillant le patient. Elle dure en général moins de 10 minutes. On n’en connaît pas la cause.
* Algies anopérinéales : ce sont des douleurs complexes, posturales, en cours de démembrement. Certaines, d'origine neurologique ont été identifiées (douleurs chroniques en position assise prolongée, unilatérales, associées à une hyper esthésie cutanée), d’autres d’origine myofasciale sont en cours de démembrement. Enfin certains troubles de la statique pelvienne (prolapsus) peuvent être responsables de douleurs pelviennes profondes. En présence de ces douleurs l’objectif principal doit être la recherche d’une lésion néoplasique et donc la pratique d’au moins une recto-sigmoidoscopie.
* Fécalome : Il se produit chez les sujets âgés, au cours d’affections neurologiques, chez les sujets en décubitus prolongé ou sous médicaments neurotropes.
* Le toucher rectal, geste simple et peu coûteux, ne doit donc pas être oublié… Le traitement repose sur le ramollissement du fécalome par des lavements huileux, aidés éventuellement d’une fragmentation digitale. L’évacuation manuelle sous anesthésie générale, quelquefois nécessaire, doit être prudente (risque de ruptures sphinctériennes secondaires aux dilatations anales).
* Les lésions traumatiques anales d’origine sexuelle sont délicates à prendre en charge. Il s’agit d’ulcérations anales multiples, souvent associées à des thromboses radiaires. L’échographie permet de rechercher de ruptures sphinctériennes occultes. En cas de viol, il faut rechercher les maladies sexuellement transmissibles et ne pas négliger la prise en charge psychologique.
* Les lésions plus rares par traumatismes accidentels, comme les accidents de la voie publique, les empalements, les plaies par armes à feu ou air comprimé, imposent une hospitalisation en milieu chirurgical pour bilan lésionnel.
* Le corps étranger rectal enclavé : Des objets très divers ont pu être rapportés comme enclavés dans le rectum, en général utilisés à visée auto-érotique. La nature et la situation exacte de l’objet doivent être appréciées par l’examen clinique, la radiographie de ASP qui recherche en outre un éventuel pneumopéritoine, et la recto-sigmoïdoscopie.
L’interrogatoire du patient embarrassé n’est pas toujours très contributif. Divers procédés d’extraction sont possibles après anesthésie sphinctérienne, voire locorégionale ou générale. Ils peuvent nécessiter des manoeuvres bi-manuelles, endoscopique.
Un corps étranger dégluti peut se bloqué au niveau du rectum.

B- Les rectorragies :
Les causes les plus fréquentes des rectorragies sont :
* La maladie hémorroïdaire : bien qu’étant la cause de loin la plus fréquente, ne doit être retenue qu’après avoir éliminé une tumeur rectocolique . Une coloscopie gauche ou une iléocoloscopie sont toujours à envisager.
* Les tumeurs : polypes adénomateux, tumeur villeuse, adénocarcinome, polypes juvéniles.
* Les autres causes proctologiques (rares) : fissure anale, excoriations cutanées par grattage, ulcération thermométrique (hémorragies abondantes), diverticulose colique (hémorragies abondantes),
* Rectites : inflammatoires, infectieuses ou iatrogènes (suppositoires d’AINS, radiothérapie externe), carcinome épidermoïde de l’anus
* L’extériorisation de sang rouge par l’anus peut provenir de lésions d’autant plus hautes (coliques, gréliques ou gastro-duodénales) quand le débit du saignement est plus élevé. Toute rectorragie abondante doit donc être explorée par endoscopie haute.
Une anémie ferriprive est exceptionnellement d’origine hémorroïdaire ; elle peut se produire chez des patients ayant négligé leurs rectorragies. L’indication d’examen endoscopique dans le cadre du diagnostic étiologique doit être relativement facile

C- Le prurit anal :
Le prurit anal est une plainte fréquente, gênant le malade et affectant sa vie sociale. Le besoin de grattage se produit à n’importe quelle heure de la journée, souvent au coucher. Le prurit anal est responsable de lésions de grattage qui l'entretiennent. Ces lésions sont à l’origine de taches de sang ou suintements tachant le linge ou le papier-toilette.
Dans la majorité des cas aucune cause locale ni générale n’est trouvée. Il est de règle d’évoquer une oxyurose et de rechercher les oeufs par la méthode du scotch-test. Il arrive aussi que l'anuscopie ou la rectoscopie visualise les vers.
On trouve à l’examen souvent des excoriations, parfois une lichénification sous la forme d’un épaississement cutané blanchâtre de la marge anale.
L’examen proctologique trouve rarement des lésions que le prurit anal peut révéler : fissure ou fistule anales, hémorroïdes procidentes, dermatoses péri-anales (Paget, Bowen, psoriasis) et même un carcinome anal. Le diabète serait un terrain favorisant. Les causes iatrogènes doivent être recherchées par l’anamnèse : topiques locaux, antibiothérapie per os (bétalactamines), antimitotiques.
Le traitement comporte toujours des règles hygiéno-diététiques (utilisation d’un savon sans colorant, port de sous-vêtements en coton, papier-toilette doux utilisé par tamponnements plutôt que frottement, régularisation du transit intestinal). Le traitement des lésions comporte, après la toilette et l’essorage, l’application d’une solution aqueuse de fluorescéine à 1 p 1000 et des dermocorticoïdes simples ou associés à un composant antibiotique ou antimycosique selon l’aspect des lésions. Ce traitement doit être poursuivi au moins 15 jours en cas de lésions suintantes et un sédatif per os peut être un appoint utile.

LES POINTS FORTS

* Les plaintes proctologiques sont entourées par un contexte socioculturel très particulier dont il faut tenir compte.
* Il s’agit souvent d’un sujet TABOU.
* Quand il consulte, le patient présente un état d’anxiété et de panique souvent très avancé. Il vient pour être rassuré, pour lui il ne doit pas s’agir de quelque chose de grave.
* Le médecin ne doit pas faire le jeu du malade, il doit rester scientifique
* Il est inconcevable qu’un patient consultant pour une symptomatologie anale quitte le bureau de consultation sans avoir eu un TR
* L’anuscope et même le rectoscope doivent faire partie de l’équipement du cabinet du MG, du bureau de consultation aux urgences.

1- Connaître les structures anatomiques de l’anus et du canal anal.
2- L’interrogatoire permet dans la grande majorité des cas de faire le diagnostic de la maladie proctologique mais il ne dispense jamais de la pratique d’un examen proctologique complet.
3- Il faut respecter les étapes de l’examen proctologique, surtout le TR et prescrire largement des examens endoscopiques.
4- La maladie hémorroïdaire est la cause de loin la plus fréquente des rectorragies. Ce diagnostic ne doit être retenue qu’après avoir éliminé, par une endoscopie, les autres causes graves (cancer,…)
5- Fistules anales et abcès sont deux formes cliniques ou deux périodes évolutives de l’histoire naturelle d’une seule maladie ayant pour origine une infection des glandes anales.

© Pr Fehmi Hamila – Pr Rached Letaief, Chirurgie, Sousse (Tunisie)

La reconnaissance d’une hypovolémie est d’une importance décisive dans la prise en charge de tout état d’insuffisance circulatoire.
Elle permet de débuter précocement un traitement dans l’attente d’un traitement étiologique souvent long à définir : un temps précieux est ainsi gagné vis-à-vis de la reperfusion des tissus et organes et les effets délétères d’un traitement inapproprié par drogues inotropes et/ou vaso-actives sont ainsi évités.

Il faut reconnaître qu’en pratique, l’évaluation de la volémie est d’une singulière difficulté, elle ne peut être en effet que relative à deux composantes du dispositif circulatoire : l’état de la performance cardiaque et celui de la vasomotricité et de la perméabilité artérielle.

Or ces deux composantes sont variables d’un patient à l’autre et chez un même patient peuvent évoluer dans le temps. De ce fait, la valeur absolue de la volémie est sans intérêt et seul le monitorage des ses variations permet une adaptation à l’évolution des performances cardiaques et à celle de la vasomotricité artérielle.

De nombreuses procédures, instrumentales par la plupart, ont été proposées pour répondre à cette problématique depuis la classique mesure de la PVC, en passant par les courbes de pression artérielles et leur dérivés, jusqu’aux techniques plus récentes utilisant l’échocardiographie ou l’échodoppler. 

Toutes ces procédures demandent des moyens plus ou moins lourds consomment du temps particulièrement précieux en cas d’insuffisance circulatoire et pour les plus récentes, exigent un certain niveau d’expertise. Mais surtout, aucune d’entre elles en matière de performance n’a apporté de réponse pleinement satisfaisante. La voie reste donc ouverte à la recherche de nouvelles procédures vis-à-vis de ce problème à la fois quotidien et décisif en milieu d’urgence et de soins intensifs. 

Dans ce contexte, il est singulier d’observer que les données cliniques n’ont jamais été clairement sollicitées dans cette évaluation. Nous proposons une procédure susceptible d’y répondre en précisant ses avantages et inconvénients. 

Deux étapes doivent être envisagées dans la démarche de l’évaluation clinique de la volémie :

  •  un temps d’inventaire exhaustif du bilan liquidien chez le patient concerné.
  •  un second temps de tests thérapeutiques (remplissage vs drogues inotropes et/ou vasoactives) destiné à vérifier les présomptions résultant de l’inventaire liquidien.

- Le premier temps, le plus important, consiste à rechercher à l’interrogatoire et à l’examen physique les éléments d’un déficit liquidien, pertes hydriques ou sanguines principalement (les défauts d’apports sont rarement en cause de façon isolée)
Ces pertes sont souvent évidentes à l’interrogatoire et s’accompagnent quand elles sont de nature hydrique de signes de déshydratation extracellulaire évidents (pli cutané). Il s’agit de pertes digestives (diarrhées, vomissements), rénales (polyurie d’étiologies diverses) ou cutanées (atteintes diffuses, telles que brûlures, Lyell…).

- Il peut s’agir également de pertes sanguines, qui, quand elles sont extériorisées ne pose pas de problèmes diagnostiques, sauf qu’elles s’accompagnent de pâleur et non de signes de déshydratation. Il importe de préciser que ces pertes sanguines extériorisées ne peuvent induire l’hypovolémie que si elles sont importantes (supérieures à 1 litre) et rapides (quelques heures au maximum). Les pertes liquidiennes, sanguines ou hydriques sont cependant de reconnaissance plus difficile quand elle ne sont pas extériorisées; elles nécessitent un examen physique minutieux et quelques examens complémentaires rapides et ciblés. Il peut s’agir d’un saignement digestif, péritonéal, pelvien, ou osseux que permet de suspecter le contexte (traumatismes, antécédents digestifs, anticoagulants…) et que vérifieront l’examen physique (sonde gastrique, GR, palpation abdomino-pelvienne, …) et quelques examens complémentaires (baisse significative du taux d’hémoglobine, imagerie abdomino-pelvienne, membres…).

- Les pertes liquidiennes non extériorisées de nature hydrique quand à elles, sont le fait d’une séquestration dans différents sites. Les sites les plus fréquemment en cause sont le tube digestif (occlusion) et le péritoine (ascite). A ces endroits, la séquestration doit être suffisamment importante pour entrainer une hypovolémie; leur diagnostic est de ce fait aisé à l’examen physique.

- Un troisième site de séquestration est beaucoup plus difficile à rattacher à une éventuelle hypovolémie. Il s’agit des oedèmes interstitiels sous cutanés (pulmonaires parfois) en rapport avec une hyperperméabilité capillaire et qui sont les seuls états d’hypovolémie à s’accompagner d’un état apparent d’hyperinflation hydrique.
Ils s’observent en particulier dans les unités de soins intensifs  le plus souvent après un séjour prolongé chez des sujets âgés, souvent diabétiques et porteurs de pathologies génératrices d’hyperperméabilité capillaire comme les états inflammatoires ou septiques prolongés, les affections à composante immunologique ou neurologique etc… 

Les tests thérapeutiques doivent constituer le prolongement logique de l’évaluation clinique. Celle-ci oriente en effet le choix initial entre remplissage ou drogues, quand les données cliniques sont suggestives mais non évidentes.
Les modalités de ces tests thérapeutiques doivent cependant éviter tout effet délétère sur l’état du patient.

Ainsi le remplissage sera effectué par une gélatine fluide, avec un volume de 200 mL à administrer en 1H, sous stricte surveillance clinique (pouls, PA, SatO2, diurèse).
Une attention particulière sera accordée à l’état ventilatoire des patients  quand ils sont en ventilation spontanée. Le test sera considéré comme positif en cas d’élévation significative de la PA en fin avec une augmentation ultérieure du débit de diurèse.

Pour ce qui concerne des drogues, notre choix s’est porté sur l’Adrénaline en raison de ses effets inotrope et vasoconstricteur combinés.
Son administration doit être cependant titrée : début à 0,1 mg/H et augmentation par palier de 0,1 mg sous monitoring stricte de la PA, de la fréquence et du rythme cardiaque.
Une élévation significative de la PA sans troubles du rythme ou tachycardie majeure (supérieure à 130/min) est considérée comme le témoin d’un mécanisme cardiogénique de l’insuffisance circulatoire. Le teste sera par contre stoppé si après 2 ou 3 paliers la PA baisse ou ne s’élève pas ou si surviennent des troubles du rythme ou une tachycardie importante (supérieure à 130).

En somme, nous pensons que cette procédure clinique ainsi décrite, mérite d’être testée en attendant la validation de ses performances. Elle offre déjà l’avantage d’être rapide, accessible à tout moment et à tout praticien, et sans contrainte de moyens ou d’expertise technique.  

© Auteur : Pr S. Bouchoucha   - efurgences.net

Lisez notre article en rapport : Les solutés de perfusion et de remplissage

 

Pr  C. BELAJOUZA - Pr. R. NOUIRA

Service de Dermatologie - Sousse (Tunisie)

I. INTRODUCTION

Les dermatoses bactériennes constituent un motif fréquent de consultation.
Les aspects cliniques et les germes en cause sont très variés. Cependant il existe une prédominance des infections staphylococciques et streptococciques

A- Bactériologie de la peau

La peau est normalement colonisée par une flore bactérienne résidente non pathogène, composée de microcoques, de staphylocoques blancs, coagulase (-) et de corynébactéries ou diphtéroïdes.
Cette flore occupe les couches épithéliales superficielles ainsi que les invaginations infundibulo-pilaires.
Le staphylocoque doré, coagulase (+), potentiellement pathogène, peut être retrouvé au niveau des narines, du périnée et des régions avoisinantes chez des sujets sains (porteurs sains).

B- Les moyens de défense naturels

Les principaux moyens de défense de la peau sont :

  • * La flore cutanée normale
  • * Les propriétés locales physio-chimiques de l'épiderme :
  • - Le degré de sécheresse : la macération, l'occlusion facilitent la croissance microbienne.
  • - La présence de substances antibactériennes dans les sécrétions sébacées: rôle fongistatique et anti streptococcique des acides gras insaturés à longue chaîne.
  • - Résistance et continuité de l'épithélium kératinisant.
  • * Des facteurs généraux d'ordre immunologique :
  • - Immunité humorale : immunoglobulines dans les sécrétions sudorales
  • - Immunité cellulaire : cellules de Langerhans

C- Facteurs favorisant l'infection cutanée

Facteurs locaux :

  • Promiscuité et la mauvaise hygiène
  • Macération
  • Altération de la peau
  • Corticothérapie locale

Facteurs généraux :

  • Déficits immunitaires congénitaux ou acquis
  • Diabète déséquilibré
  • Corticothérapie générale
  • Immunosuppresseurs

Les infections cutanées sont précédées donc d'un déséquilibre écologique local multifactoriel où interviennent en proportions variables; la perte de l'intégrité du revêtement cutané, favorisé par une dermatose préexistante; la massivité de l'inoculum et le pouvoir pathogène intrinsèque du contaminant et enfin, l'affaiblissement des défenses de l'hôte.

II. LES INFECTIONS STREPTOCOCCIQUES

A- Impétigo :

L'impétigo est une infection superficielle de la peau contagieuse, qui peut être due au streptocoque, au staphylocoque ou à l'association des deux. Affection fréquente chez l'enfant d'âge scolaire, il débute par une ou quelques petites taches érythémateuses sur lesquelles surviennent des bulles fragiles à liquide clair ou légèrement trouble, entourées d'un liseré érythémateux, rapidement le contenu des bulles devient purulent, leur toit se rompt, laissant place à des croûtes jaunâtres mélicériques (couleur du miel) et à des érosions arrondies groupées en élément annulaire.

Chez l'enfant : l'impétigo est fréquent et en règle primitif, il est peu ou pas prurigineux, il siège le plus souvent sur le visage, près du nez et de la bouche, plus rarement ailleurs. L'état général est conservé, il n'y a pas de fièvre. En l'absence de traitement, l'infection a tendance à s'étendre.Chez l'adulte : l'impétigo primitif est rare, il s'agit en règle de l'impétiginisation d'une dermatose préexistante, habituellement prurigineuse (eczéma, gale...).

Les complications de l'impétigo non traité sont l'ecthyma, lymphangite, glomérulonéphrite aiguë, septicémie (rare), généralisation par auto inoculation.

Les formes cliniques :

  • impétigo bulleux touche surtout le nourrisson : il est généralement staphylococcique
  • impétigo miliaire : fait de vésicules confluentes en nappes
  • impétigo sec et circiné : réalise des petites plaques à bordure polycyclique faite de vésicules confluentes.

Le traitement comporte obligatoirement une antibiothérapie générale par macrolides, synergistine, acide fusidique, pénicilline A ou G. Cette thérapeutique a une action très rapide Visant :

  • la suppression de la contagiosité
  • arrêt et cicatrisation des lésions en 2 à 5 jours

Le traitement local par les antiseptiques doit tendre à éviter la dissémination des germes.

Les topiques antibiotiques (fucidine® crème ou pommade, La mupirocine (Bactroban®) vont ramollir les croûtes pour procéder à leur ablation.

B- Echtyma :

C'est un impétigo creusant habituellement localisé aux membres inférieurs.
Il débute par une pustule plate ou par une bulle sur une base érythémateuse et infiltrée à laquelle fait suite par un processus nécrotique, une ulcération qui se couvre d'une croûte grise ou brunâtre. La tendance à la guérison spontanée est rare, si celle-ci survient c'est toujours au prix de cicatrices à bords hyperpigmentés. Les facteurs prédisposants sont :

  • hygiène insuffisante des plaies banales
  • diminution générale du pouvoir de résistance due à la dénutrition
  • l'éthylisme, le diabète, terrain artéritique.

Le traitement est le même qu'en cas d'impétigo mais de durée plus prolongée.

C- Lymphangite:

Cordon érythémateux, douloureux infiltré, menant l'infection depuis sa porte d'entrée (blessure, intertrigo, plaie au niveau d'une extrémité...) jusqu'au ganglion satellite en général inflammatoire, le patient est fébrile. Traitement : antibiothérapie anti streptococcique et anti staphylococcique traitement de la porte d'entrée.

D- Erysipèle :

L'érysipèle est défini comme une dermo-épidermite aiguë ou subaiguë.

Il s'agit d'une dermite œdémateuse avec participation lymphatique due au streptocoque bêta hémolytique du groupe A, il est caractérisé par un placard érythémateux douloureux, infiltré, chaud avec bordure périphérique saillante à extension centrifuge, accompagné d'une adénopathie régionale sensible. La douleur et la fièvre avec frisson peuvent précéder les lésions cutanées.

Il survient volontiers chez des sujets fragiles, diabétiques, éthyliques ou porteurs d'une hypersensibilité au streptocoque avec foyers streptococciques récidivants. Il peut également être favorisé par une immunodépression ou être iatrogène (AINS). On distingue deux formes topographiques.

D1 - Erysipèle du visage :

Le début est brutal, des signes généraux bruyants précèdent les signes cutanés : fièvre à 40°C, frissons, céphalées et atteinte de l'état général.
Localement, on remarque un placard érythémateux, douloureux, chaud d'extension centrifuge cerné par un bourrelet palpable. Ce placard se couvre de vésicules pouvant confluer en phlyctène. L'œdème est important.
Il s'agit en règle d'un placard unilatéral, il respecte en général le menton et le pourtour buccal, mais il peut se bilatéraliser.
A la palpation, on retrouve des adénopathies régionales, sous maxillaires et prétragiennes.
Le diagnostic positif est en général clinique.

Le diagnostic différentiel se pose avec :

  • Eczéma aigu : caractérisé par une rougeur diffuse, des petites vésicules disséminées parfois confluentes. Pas de fièvre, pas d'altération de l'état général. Le signe fondamental au cours de l'eczéma est le prurit, l'interrogatoire recherchera la notion de contact avec un produit allergisant.
  • Zona ophtalmique : le zona touche le trajet du nerf ophtalmique qui est une branche de la Vème paire crânienne. Il touche l'hémi-front, pourtour de l'œil, région temporale et la région palpébrale inférieure. Il s'agit d'un placard érythémateux avec des vésicules ombiliquées au centre s'accompagnant de sensation de cuisson, de piqûres et surtout douleurs atroces, pas de fièvre, pas d'altération générale.
  • Urticaire aiguë : œdème de Quincke, blanc non fébrile;

Plus rarement, on discutera l'érythème en aile de papillon du lupus systémique, un coup de soleil, une réaction érythémateuse autour d'une otite ou d'une sinusite.

D2- Erysipèle des membres inférieurs :

En Tunisie, c'est la localisation la plus fréquente. Il apparaît souvent sur des troubles trophiques : œdème ou eczéma de stase, insuffisance veineuse ou artérielle. Il est souvent secondaire à un intertrigo infectieux ou à une effraction cutanée.
L'aspect est celui d'une grosse jambe rouge douloureuse, fébrile avec adénopathie inguinale.
Le diagnostic différentiel au niveau des membres : phlegmon et cellulite, lymphangite, le rouget du porc, phlébite des membres inférieurs (perte du ballottement du mollet, signe de Homans positif).

Complications :

Locorégionales : suppuration, fasciite nécrosante, adénites suppurées, thromboses veineuses profondes des membres inférieurs.
Générales : septicémie avec localisations viscérales, en particulier pulmonaires et endocardiques, glomérulonéphrite aiguë post streptococcique, décompensation d'un état pathologique associé (diabète, cirrhose, ...)
et les récidives : surtout au niveau des membres inférieurs avec apparition d'un éléphantiasis.

E- Fasciites nécrosantes :

S'observent surtout aux membres inférieurs après effraction cutanée minimes.
Chez les sujets prédisposés (diabétiques, éthyliques...), elles semblent favorisées par l'usage d'anti-inflammatoire non stéroïdien. Elles commencent brutalement par une cellulite aiguë fébrile avec profonde altération de l'état général suivie 3 à 4 jours plus tard de l'apparition d'une zone violacée et purpurique, recouverte de bulles à évolution escarotique.
C'est une streptococcie cutanée qui atteint tous les tissus sous-cutanés jusqu'à l'aponévrose musculaire avec thromboses vasculaires.
La nature streptococcique peut être affirmé par la culture du liquide des bulles ou les hémocultures.

Le diagnostic différentiel se pose avec

  • Gangrène gazeuse à Clostridium perfringens caractérisée par le crépitement et l'odeur particulière.
  • Gangrènes à gram négatif : E. coli, Proteus, Klebsielle, Entérobacter, Serratia) et Anaérobies (Bactéroïdes) observées chez les sujets débilités après traumatisme ou chirurgie.

Le traitement est urgent: équilibration hydroélectrolytique, antibiotiques antistreptococciques, débridement chirurgical des tissus nécrosés.

F- Traitement des dermohypodermites bactériennes :

Dans l'érysipèle non compliqué, la pénicilline G reste le traitement de référence (bon rapport coût / efficacité 16 millions en IV pendant 10 jours à 15 jours ou la Bipénicilline: 2 millions par jour en IM dans les formes modérées), mais un traitement ambulatoire par antibiothérapie per os est également possible (Macrolide ou Amoxicilline ou Pristinamycine).
Compte tenu de la fréquence des cellulites dues à des germes autres que Streptococcus pyogenes, on conseille, au moindre doute, une antibiothérapie active contre Staphylococcus aureus (pénicilline M, aminosides, vancomycine) et éventuellement les germes anaérobies (métronidazole).
Chez le petit enfant, une antibiothérapie active contre Haemophilus influenzae est également recommandée (céphalosporine de 3ème génération).
En dehors, de la staphylococcie maligne de la face et des patients ayant un antécédent de phlébite, le bénéfice de l'héparinothérapie est très controversé dans les dermohypodermites bactériennes. Au moindre doute, il est préférable de réaliser un écho-doppler couleur en urgence qui permettra d'affirmer ou d'infirmer la thrombose veineuse profonde et d'adapter le traitement en conséquence.
Les héparines de faible poids moléculaires, utilisées à doses prophylactiques peuvent être indiquées en présence de facteurs favorisants les thromboses veineuses.
L'exérèse chirurgicale en milieu spécialisé des tissus nécrosés est le complément indispensable de l'antibiothérapie dans les gangrènes streptococciques et les fasciites microbiennes. Cet acte parfois très délabrant constitue une urgence chirurgicale qu'il ne faut pas manquer. Le pronostic vital et la fonction du membre atteint sont souvent en jeu.

Traitement prophylactique :

L'Extencilline (benzathine pénicilline) pendant 3 à 6 mois pour éviter les récidives. Traitement de la porte d'entrée.

III. LES INFECTIONS STAPHYLOCOCCIQUES

A- Les folliculites superficielles :

Définition :

Les folliculites superficielles sont dues à une infection limitée à l'ostium folliculaire, elles sont caractérisées par une éruption de petites pustules, centrées par un poil et bordées d'un halo inflammatoire érythémateux. Elles se voient surtout sur le visage, en particulier au niveau de la barbe mais aussi sur les cuisses et la face postérieure des bras. En été, les folliculites du dos sont favorisées par la transpiration et les frottements.
Le diagnostic est en général facile mais il faut savoir éliminer : une folliculite trichophytique souvent rencontrée sur les jambes, avec à la périphérie des lésions, une bordure circinée caractéristique, folliculite à éosinophiles caractéristique de l'infection à VIH qui siège sur le décolleté.
Le prélèvement bactériologique n'est pas nécessaire dans la majorité des cas. Il faut toujours rechercher des facteurs favorisants :
Locaux : rasage, poils incarnés, infections locorégionales, application inopportune de corticoïdes topiques.
Généraux : diabète, dépression immunitaire.

Conduite à tenir :

  • Folliculite du visage chez l'homme :
    • Hygiène soigneuse avant le rasage
    • Un rasage bien conduit
    • Application d'antiseptiques ou de crème antibiotique le soir après la toilette et le matin après le rasage.
  • Folliculite des cuisses et des bras : port des vêtements larges en coton (éviter le port de Jean très serrés).
  • Folliculite du dos : Toilette soigneuse

Les vêtements seront bien lavés, bien rincés sèches et repassés à fer chaud. Porter du coton au contact direct de la peau.

B- Les folliculites profondes :

1- LE FURONCLE :

c'est une infection aiguë du follicule pilo-sébacée, due au staphylocoque doré et ayant une évolution spontanée nécrosante. L'infection touche la partie moyenne du follicule pilo-sébacée qui s'élimine avec les zones voisines dermiques nécrosées sous forme de "bourbillon".
Facteurs favorisants : on recherchera toujours un terrain fragilisé : diabète, alcoolisme, immunodépression primitive ou secondaire à un traitement.
Diagnostic : Le furoncle est de diagnostic assez facile.

Le début est une simple folliculite, puis rapidement apparaît une zone indurée, rouge, chaude, douloureuse, avec au centre une pustule jaunâtre.
La douleur peut être intense et s'accompagner d'une adénopathie et d'une fièvre.
En quelques jours, le bourbillon s'élimine laissant place à une cicatrice en creux.
Le furoncle peut siéger n'importe où, mais il est favorisé par le frottement sur le dos, les fesses, le périnée. Sur le visage, il est surtout dangereux s'il est localisé à la région médiane du visage.

La furonculose : est caractérisée par des furoncles nombreux et répétés. La chronicité est la règle et le traitement est difficile.

2- LA STAPHYLOCOCCIE MALIGNE DE LA FACE :

C'est une urgence médicale : tableau dramatique d'érythème violacé de la face sans bourrelet périphérique avec un réseau veineux apparent. Altération de l'état général, troubles de la conscience allant au coma Fièvre à 40°C et délire. La porte d'entrée est généralement un furoncle de l'aile du nez.
Elle se voit surtout après manipulation intempestive du furoncle et se traduit par un syndrome infectieux majeur avec frissons, fièvre à 40°C, œdème du visage. Les hémocultures sont positives et l'évolution spontanée est mortelle, par thrombophlébite des sinus veineux caverneux et atteinte méningée.

3- L'ANTHRAX :

II résulte de la confluence et de la prolifération de plusieurs furoncles : il est surtout vu dans les zones de transpiration importante.
Il se traduit par: Une tuméfaction érythémateuse, douloureuse, chaude, dont on sent la profondeur au palper et qui est centrée par une ulcération nécrotique d'où sourd un pus franc. Ce pus est riche en staphylocoque doré.
L'anthrax s'accompagne de fièvre et d'une adénopathie locale. L'anthrax doit être différencié du kyste sébacé infecté, qui siège souvent dans les mêmes endroits ou d'un abcès fistulisé.

4- LE SYCOSIS STAPHYLOCOCCIQUE :

C'est une folliculite profonde de la barbe et/ou de la moustache. L'évolution est en général subaiguë mais des formes chroniques sont possibles. Il se présente sous la forme de placards inflammatoires pustuleux, entretenus par le rasage et une mauvaise hygiène. On retrouve fréquemment une sinusite chronique associée.

5- LE SYNDROME STAPHYLOCOCCIQUE DES ENFANTS ÉBOUILLANTÉS OU STAPHYLOCOCCAL SCALDED SKIN SYNDROM (SSSS) OU SYNDROME DE RITTER-LYELL

ENCORE MIEUX APPELÉ : "SYNDROME D'ÉPIDERMOLYSE STAPHYLOCOCCIQUE AIGU"

Il atteint les nouveau-né (réalisant la dermatite exfoliatrice de Ritter Von Rittershain), les nourrissons, le jeune enfant et exceptionnellement l'adulte immunodéprimé ou insuffisant rénal.
La maladie survient trois jours en moyenne après le début d'une infection focale muqueuse (rhinopharyngite, otite, conjonctivite) ou cutanée (omphalite). Elle apparaît dans les grands plis, les régions périorificielles, respectant les muqueuses vraies et s'étend rapidement sur tout le revêtement cutané.
En quelques heures, la nécrolyse épidermique apparaît sous forme de décollement spontané avec quelques bulles à toit fripé mais surtout déchirements par frottement provoqué (signe de Nikolski). Il en résulte de vastes surfaces rouges et suintantes recouvertes de lambeaux épidermiques.
Sous traitement antibiotique antistaphylococcique, la guérison est obtenue rapidement sans séquelles malgré l'importance de la surface cutanée atteinte. Ceci est en rapport avec le caractère superficiel du clivage qui intéresse la couche granuleuse.

Diagnostic différentiel : se pose avec (aspect ébouillanté)

  • psoriasis pustuleux exanthématique
  • pustulose amicrobienne exanthématique
  • syndrome de Lyell (toxic epidermal necrolysis), forme majeure de toxidermie où le clivage se produit à la jonction dermo-épidermique avec nécrose kératinocytaire de toute l'épidémie.

6- TRAITEMENT :

  • Devant un simple furoncle :
    • désinfection locale par des lotions antiseptiques
    • élimination du bourbillon au bistouri
    • pansements avec crèmes antibiotiques (fucidine, ....)
    • En cas de terrain débilité, une antibiothérapie générale sera instaurée.
  • La stapbyiococcie maligne de la face : est une urgence à traiter en milieu hospitalier par : antibiothérapie antistaphylococcique intraveineuse pendant plusieurs semaines héparinothérapie
  • La furonculose : iI faut chercher systématiquement des foyers infectieux, prélèvements bactériologiques au niveau du nez, de la gorge, de l'anus, radios de sinus, panoramique dentaire. On recherchera également de manière systématique un déficit immunitaire.

D- Anite streptococcique de l'enfant :

placard inflammatoire, rouge douloureux non fébrile.

E- Les surinfections cutanées :

Le staphylocoque doré et le streptocoque colonisent certaines dermatoses et provoquent une suppuration:

  • dermatoses érosives et huileuses
  • gale, pédiculose
  • dermatite atopique
  • ulcère de jambe

V. CONCLUSION

Les infections cutanées bactériennes constituent un motif fréquent de consultation en médecine générale ou en Dermatologie.

 Les aspects cliniques sont très variés.

Le traitement est le plus souvent local

L'antibiothérapie générale est justifiée dans les formes profuses ou sévères ou s'il existe un facteur de gravité.


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