Cet article décrit ce que doit savoir un débutant et les principales précautions à prendre, ceci ne dispense pas de l’entraînement pratique.
En dehors de l'arrêt cardio-pulmonaire, la technique utilisée aux urgences est l'intubation en séquence rapide ISR (voir notre article (voir notre article Technique d'intubation en séquence rapide)
La position de la tête est primordiale pour une bonne visualisation de la glotte
Faire pénétrer la lame du laryngoscope dans la cavité buccale à la droite de la langue, en la refoulant vers la gauche, tout en faisant progresser l'extrémité de la lame vers le sillon glosso-épiglottique. Cette progression est facilitée en relevant peu à peu la manche, et en effectuant un mouvement de déflexion du laryngoscope.
Lorsque l'extrémité distale de la lame est au niveau du sillon glosso-épiglottique, exercer une traction en haut et en avant, dans l'axe du manche (ne pas faire levier sur les incisives supérieures, attention aux dents). L'orifice glottique est visible, on doit voir l'épiglotte, les cordes vocales et le début des anneaux trachéaux.
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Introduire la sonde d'intubation avec la main droite qui la tient telle une porte plume. Faites passer le ballonnet derrière les cordes vocales.
Retirer le laryngoscope. Gonflez immédiatement le ballonnet de la sonde avec l’air pour éviter les inhalations. Introduire la canule de Guedel.
Vérifier la bonne place de la sonde en auscultant les murmures vésiculaires des 2 poumons. Si vous n’ausculter rien au poumon gauche, retirer la sonde de 1 ou 2 cm (dégonfler d’abord le ballonnet) et revérifier. Vérifier aussi le gonflement satisfaisant du ballonnet et l'absence de fuite aérienne, lors de la ventilation assistée, au niveau de la bouche ou du nez.
Avec la canule de Guedel, mettre le patient sous ventilation assistée.
Cette méthode n'est pas le bon choix pour une intubation en urgence, c'est une alternative lorsque la première technique est impossible. La difficulté consiste à passer un tube de calibre suffisant, sans être traumatique pour la fosse nasale (épistaxis) ni risquer de déchirer le ballonnet de la sonde.
La tête du patient doit être droite et un peu fléchie.
Remplir la narine choisie de gel anesthésique.
Introduire la sonde perpendiculairement à la face du patient et la faire progresser par un léger mouvement de vrille. Ne pas insister en cas de résistance à la progression de la sonde.
Gonflez immédiatement le ballonnet pour éviter les inhalations. Vérifier la bonne place de la sonde en auscultant les poumons. Fixer la sonde.
La mauvaise technique expose aux:
Complications tardives:
Il y a deux façons de confirmer que le tube est bel et bien en place dans la trachée (5):
L’auscultation pulmonaire peut être source d’erreur. L’oxymètre de pouls n’est pas plus fiable: l’oxygène introduit dans les poumons pendant la préoxygénation sert de réserve et peut maintenir, pendant de longues minutes, des lectures faussement rassurantes alors que le tube est dans l’oesophage.
Auteur : Pr S. Bouchoucha (réanimation)
L’insuffisance respiratoire aiguë (IRA) est parmi les détresses vitales les plus fréquentes en pratique quotidienne. Elle peut survenir à tout endroit et tout instant et nécessite une prise en charge immédiate par tout médecin qui y est confronté.
A/ COMPÉTENCES A ACQUÉRIR
1. Reconnaître précocement une insuffisance respiratoire et en évaluer la gravité dans chacun des contextes suivants :
Connaissances indispensables :
2. Choisir le moyen d’assistance respiratoire appropriée à chaque type et gravité d’insuffisance respiratoire aiguë :
Connaissances indispensables :
3. Identifier l’étiologie de l’insuffisance respiratoire aiguë :
Connaissances indispensables :
4. Orienter le patient en IRA vers la structure appropriée en fonction de la gravité et de l’étiologie de l’IRA
B/ REMARQUES PRÉLIMINAIRES :
L’insuffisance respiratoire aiguë est parmi les détresses vitales les plus fréquentes en pratique quotidienne. Elle peut survenir à tout endroit et tout instant et nécessite une prise en charge immédiate par tout médecin qui y est confronté.
C’est cette prise en charge «généraliste» que nous allons envisager, mais au préalable des remarques importantes s’imposent :
1- Les étiologies des insuffisance respiratoire aiguë :
Sont innombrables si l’on prend en compte la définition physiopathologique de l’IRA (défaut d’oxygénation des tissus périphériques).
En pratique l’IRA peut se présenter selon 3 tableaux cliniques distincts qui posent différents problèmes diagnostiques et thérapeutiques :
Les IRA en rapport avec un trouble de la distribution, du transport ou de la captation de l’oxygène, s’associent le plus souvent à des désordres circulatoires ou neurologiques sévères où les signes d’IRA passent au second plan.
2- Les traitements symptomatiques de l’insuffisance respiratoire aiguë : :
Oxygénothérapie et assistance ventilatoire sont d’une efficacité établie.
Utilisés précocement et de manière judicieuse, ils permettent de sauver beaucoup de vies, et d’envisager plus sereinement la recherche et le traitement étiologique de la détresse respiratoire.
Le médecin généraliste doit maîtriser les éléments basiques de ces techniques (oxygénothérapie, ventilation artificielle orale et manuelle) qu’il aura à mettre en œuvre, souvent dès le premier abord des patients.
C/ INSUFFISANCE RESPIRATOIRE AIGUE, SÉMIOLOGIE GÉNÉRALE :
1/ Les modifications ventilatoires :
a- La dyspnée :
Elle caractérise exclusivement les insuffisance respiratoire aiguë en rapport avec une étiologie thoracopulmonaire. La dyspnée correspond sur le plan physiologique à une sensation de «malaise» (centres limbiques stimulés par des récepteurs thoracopulmonaires) que le patient exprime par un sentiment d’étouffement, de soif d’air etc…
Parfois cette sensation ne peut être formulée par le patient (troubles de la conscience) et la dyspnée est alors identifiée par ses signes indirects (efforts musculaires ventilatoires d’intensité variable avec apparition de tirage intercostal, tirage sous ou sus-sternal, respiration abdominale.)
La dyspnée quand elle est reconnue à travers ses signes directs ou indirects, a une valeur sémiologique fondamentale :
elle signe le siège thoracopulmonaire de l’étiologie de l’insuffisance respiratoire aiguë :
Cette dyspnée est enfin à distinguer des respirations périodiques, type KUSSMAUL ou CHEYNES-STOKES abusivement appelées dyspnée.
b- Les autres modifications ventilatoires, associées à la dyspnée :
La polypnée (accélération de la fréquence ventilatoire) et l’hyperpnée (augmentation de l’amplitude ventilatoire) accompagnent constamment la dyspnée au début d’une IRA d’origne thoracopulmonaire. Quand l’IRA se prolonge, l’épuisement musculaire respiratoire abouti à une baisse progressive de la fréquence et de l’amplitude ventilatoire (hypopnée, bradypnée). Cette évolution caractérise l’aggravation de l’IRA et indique la mise en œuvre urgente des moyens d’assistance respiratoire.
2/ Les signes cliniques d’hypoxemie :
a- La cyanose constitue le signe clinique princeps de l’hypoxémie artérielle sanguine.
Elle apparaît quand le taux d’hémoglobine réduite dépasse 5g/100ml et constitue donc à la fois un signe tardif par rapport aux modifications ventilatoires et un signe de gravité chez les sujets à poumons sains.
Elle peut cependant être en défaut en cas d’anémie (apparition tardive) ou de polyglobulie (apparition facilitée, même en l’absence d’IRA chez les BPCO)
b- Les signes neurologiques traduisent la souffrance encéphalique induite par l’hypoxémie.
Chez les sujets aux poumons sains ils constituent un signe de gravité extrême et indiquent une assistance ventilatoire d’urgence. Ils se manifestent initialement par un état d’anxiété et d’agitation puis des troubles de la vigilance (coma de gravité variable) qui peuvent s’accompagner dans les insuffisance respiratoire aiguë brutales et sévères de convulsions.
Chez les IRC, le tableau neurologique est totalement différent. Chez ces patients, les signes neurologiques sont ceux de l’encéphalopathie respiratoire, au cours de laquelle apparaissent successivement des troubles neuropsychiques (désorientation, agitation, agressivité) souvent précédé de troubles du tonus musculaires (astérixis ou flapping) qui signent l’entrée en encéphalopathie.
L’encéphalopathie respiratoire peut enfin évoluer sur plusieurs jours et ne constitue donc pas, sauf si trouble de la conscience, un signe de gravité imminente.
c- Les signes cardiovasculaires sont également différents selon le terrain.
En l’absence d’insuffisance respiratoire chronique (poumons sains), il s’agit d’un collapsus ou d’un état de choc qui très rapidement peut aboutir à l’arrêt circulatoire. Ils constituent donc un signe de gravité extrême au même titre que les signes neurologiques.
Chez l’IRC, le tableau cardiocirculatoire est plutôt celui d’une insuffisance ventriculaire droite IVD d’installation progressive où les OMI peuvent être absents (installation rapide de l’IRA). Quand surviennent des troubles tensionnels, ils signent autant que les troubles de conscience une gravité extrême et imposent l’assistance ventilatoire urgente.
3/ L’apport des gaz du sang artériel :
Trois informations essentielles sont fournies par l’analyse des gaz du sang artériel :
L’interprétation des gaz du sang artériel doit tenir compte :
En tout état de cause, les gaz du sang artériels qui ne fournissent qu’un cliché ponctuel sur l’état ventilatoire au cours de l’évolution d’une IRA, nécessitent un délai minimum de réponse et ne sont pas partout disponibles; ils ne sauraient dans ces conditions être utilisés comme critère diagnostic de l’IRA;
La sémiologie clinique, plus riche et à tout instant accessible, est le moyen le plus sûr pour diagnostiquer et monitorer une IRA.
D/ LA SÉMIOLOGIE CLINIQUE DE L’INSUFFISANCE RESPIRATOIRE AIGUË, TROIS TABLEAUX CLINIQUES DISTINCTS :
a- les IRA d’origine thoraco-pulmonaire:
Le tableau est inauguré par l’association d’une dyspnée (avec hyperpnée).
Les signes de gravité apparaissent secondairement avec dans l’ordre :
b- les décompensations des Insuffisances respiratoires chroniques :
Elles sont représentées par une IVD (hépatalgie, RHJ, OMI, …) et une encéphalopathie respiratoire d’installation progressive.
c- les Insuffisances respiratoires aiguës d’origine neuro-musculaire :
Dans ce cadre, les modifications ventilatoires (dyspnée - polypnée) sont habituellement absentes ou discrètes (hypopnée, bradypnée) et difficile à objectiver, sauf en cas de complications thoraco pulmonaires surajoutées (atélectasie, embolie pulmonaire,…)
Le diagnostic de ce type d’IRA repose donc sur les gaz du sang artérielmontrant une hypoventilation alvéolaire (hypercapnie, hypoxie) de degré variable. Sa recherche systématique s’impose devant toute atteinte neuromusculaire.
E/ INSUFFISANCE RESPIRATOIRE AIGUË, ÉCHELLES DE GRAVITE
F/ MODALITÉS D’ASSISTANCE VENTILATOIRE ET LEURS INDICATIONS :
1/ les moyens :
a- assistance ventilatoire :
1- Indications :
Arrêt ventilatoire ou insuffisance ventilatoire grave
2- Modalités :
a) orale (absence d’autres moyens de ventilation)
b) manuelle (au moyen d’un ballon auto remplisseur muni de valve anti-retour. BAVU ou Ambu).
Nécessite une pièce intermédiaire qui peut être :
c) Mécanique (au moyen d’un ventilateur automatique, activité par énergie électrique ou pneumatique et délivrant une insufflation périodique dont la fréquence, le volume etc… sont définis par l’opérateur).
Cette ventilation mécanique (VM) peut se faire par l’intermédiaire d’une intubation trachéale (VM invasive) ou d’un masque facial étanche (Ventilation non invasive ou VNI). Ces deux modalités ont des indications complémentaires.
* L’intubation trachéale est réservée :
* La VNI permet d’éviter l’intubation dans des IRA modérées dont l’étiologie peut être contrôlée rapidement : OP cardiogénique, noyades, décompensations IRC, IRA, post opératoire, …
b) l’oxygenotherapie :
1- adjonction d’oxygene à l’air inspire ou insuffle
- En Ventilation spontanée (VS):
- En Ventilation assistée :
2- oxygénothérapie en pression supra-atmosphérique
3- moyens complementaires d’assistance respiratoire
Drainage des voies aeriennes +++
2) les options :
©2013 efurgences - Pr S. Bouchoucha
Dr Nairouz Ghannouchi Jaafoura, Pr Fethi Bahri
Service de médecine interne et maladies infectieuses - CHU Farhat Hached Sousse (Tunisie)
La découverte de l’héparine remonte à environ un siècle (1916). Elle est attribuée à Jay Mc Lean qui avait observé que des extraits de foie possédaient une activité anticoagulante. Le terme « héparine » est d’ailleurs issu du grec hêpar qui signifie foie. Ce n’est qu’en 1935 que fut extraite l’héparine purifiée et à la fin des années trente, les premiers essais en prévention de la maladie thromboembolique ont eu lieu en milieu orthopédique. C’est en 1976 que Anderson démontre l’influence de la masse moléculaire sur les propriétés anticoagulantes de l’héparine. Il démontra que l’activité anti-Xa était indépendante de la masse moléculaire alors que l’activité inhibitrice de la thrombine nécessitait une chaîne saccharidique plus longue. Dès lors, la recherche sur les héparines de bas poids moléculaires s’est intensifiée avec un rôle important de l’industrie pharmaceutique française qui développe deux produits couvrant 75 % des ventes mondiales : L’enoxaparine proposée par Aventis et la nadroparine proposée par Sanofi- Synthélabo
Après une vingtaine d'année d'utilisation, les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ont supplanté les héparines standard non fractionnées puisque, à efficacité équivalente, elles sont d'une plus grande maniabilité en terme de surveillance de la coagulation et contrairement à l’héparine qui nécessite un monitorage du TCA, aucun contrôle biologique n’est nécessaire avec les HBPM. Les recherches dans ce domaine continuent et la mise au point de nouveaux anticoagulants est en cours.
A efficacité égale, l’utilisation des HBPM offre certains avantages par rapport à l’héparine standard. En effet, leurs propriétés pharmacocinétiques et leurs biodisponibilité rendent leur utilisation facile, autorisant un rythme d’injection quotidien ou biquotidien par voie sous cutanée. Leur activité biologique, évaluée par l’activité anti-Xa, est prédictible par rapport au poids sauf dans les situations de poids très élevé ou très faible (< 40 kg). Ainsi, avec une dose adaptée au poids, plus de 75 % des patients sont dans la zone thérapeutique dès la première injection et le demeurent tout le long du traitement. Le traitement par HBPM est donc prescrit à une dose adaptée au poids sans contrôle biologique (niveau 1).* La mesure de l’activité anti-Xa n’est réservée que pour détecter une accumulation dans les situations fréquemment associées à ce risque : insuffisance rénale légère à modérée (clairance de la créatinine entre 30 et 60 ml/min), cachexie ou une hémorragie inexpliquée.
Dans tous les cas, la clairance de la créatinine sera estimée selon la formule de Cockroft, à partir d'un poids récent du patient et d'un dosage de la créatinine plasmatique récent, particulièrement au-delà de 75 ans et avant d'initier un traitement à dose curative.
L'utilisation des HBPM est contre-indiquée à dose curative dans l'insuffisance rénale sévère (Clairance de la créatinine de l'ordre de 30 ml/min). Elle est déconseillée à dose préventive dans l'insuffisance rénale sévère, et à dose curative dans l'insuffisance rénale légère à modérée (Cl créat de l'ordre de 30 à 60 ml/min).
* Le risque d’une thrombopénie induite par l’héparine (TIH), potentiellement grave et susceptible de se manifester ou de se compliquer par la survenue de thromboses, existe avec les HBPM et donc la surveillance de l’hémogramme est impérative. Une numération plaquettaire doit être réalisée : - Avant le traitement ou au plus tard dans les premières 24 heures
* 2 fois par semaine pendant la durée du traitement
* 1 fois par semaine au-delà d'un mois de traitement.
Toute baisse significative (30 à 50 % de la valeur initiale) ou nombre inférieur à 100 000 plaquettes/mm3 doit donner l'alerte.* Aucune association médicamenteuse n’est contre-indiquée de façon absolue, toutefois certaines associations augmentant le risque hémorragique sont "déconseillées" (aspirine aux doses antalgiques, antipyrétiques et anti-inflammatoires, A.I.N.S. par voie générale, Dextran 40), et d’autres nécessitent des "précautions d'emploi " particulières (AVK, anti-agrégants plaquettaires). Ces risques d'interaction sont d'autant plus à craindre qu'il s'agit d'un traitement curatif (quel que soit l'âge du patient), et/ou d'un sujet âgé (quelle que soit la dose d'HBPM utilisée). En toutes circonstances, ces associations médicamenteuses, si elles sont réalisées, nécessitent un suivi clinique (et biologique si nécessaire) particulièrement rigoureux.
Les indications des HBPM sont d’une part préventives, d’autre part curatives.
Les indications préventives des HBPM concernent la maladie veineuse thromboembolique (MVTE). Cette prévention comprend cependant d'autres mesures non médicamenteuses :
1- En Milieu Chirurgical :
Le risque de survenue d’un accident thromboembolique en post opératoire est très élevé et le bénéfice d’une prévention fondée sur le recours aux HBPM est établi. Ceci a été démontré dans de nombreuses disciplines : Chirurgie générale et chirurgie orthopédique surtout mais également en neurochirurgie, en chirurgie vasculaire…Ainsi et à titre d’exemple, l’incidence des thromboses veineuses profondes (TVP) après remplacement prothétique de hanche et en l’absence de toute mesure prophylactique, se situe entre 50 et 60 %. De même, les patients opérés d’une chirurgie intracrânienne ont une incidence de TVP élevée, de l’ordre de 20 à 35% dans la période postopératoire en l’absence de prophylaxie.
Il est à noter cependant que toutes les interventions n’ont pas le même risque, et d’autre part, outre le risque lié à la chirurgie, il existe un risque lié au patient (âge supérieur à 40 ans, obésité, maladie variqueuse, antécédents thrombotiques, thrombophilie…). C’est ainsi qu’on a définit des « niveaux de risque de thromboses veineuses » qui sont classés comme :
* Faible pour la chirurgie des varices, la chirurgie abdominale non majeure (Chirurgie pariétale, appendice, vésicule non inflammatoire), arthroscopie ou ligamentoplastie du genou, …
* Modéré pour la chirurgie de varices en cas de dissection étendue et/ou hémorragique, de durée opératoire anormalement prolongée ou en cas d’urgence.
* Elevé pour la chirurgie abdominale majeure (foie, pancréas, côlon, maladies inflammatoires ou cancéreuses du tractus digestif) même en l’absence de cancer, la chirurgie bariatrique, la prothèse totale de la hanche ou du genou, la chirurgie ouverte du bas appareil urinaire, néphrectomie, transplantation rénale… Dans les situations à risque élevé en chirurgie digestive, les HBPM réduisent de 72% l’incidence des événements phlébographiques et cliniques par rapport à un placebo (niveau 1). L’incidence des hémorragies est doublée mais reste faible dans le groupe HBPM (2,8% environ). Comparés à l’HNF, les résultats concernant la réduction du risque de TVP paracliniques et cliniques et du risque hémorragique sont tous en faveur des HBPM (niveau 1), elles sont de ce fait recommandées en première intention et en l’absence d’insuffisance rénale (grade A). La durée de la prophylaxie est variable selon la chirurgie : 7-10 jours en chirurgie digestive et jusqu’à 42 jours pour les prothèses totales de la hanche.
Dans les situations à risque faible, Il n’y a pas lieu d’envisager de prophylaxie médicamenteuse (risque patient exclu) (grade B).
2- En Gynéco Obstétrique:
* Le risque thromboembolique postopératoire sans traitement prophylactique en chirurgie gynécologique est mal évalué. Des niveaux de risque d’événements thromboemboliques sont également identifiés selon le type de l’intervention et sa durée, aux quels s’associe des facteurs de risque propres à la patiente. Compte tenu des facilités d’emploi, les HBPM sont considérées comme le traitement prophylactique de référence en chirurgie gynécologique (grade A). La durée habituelle est de 7 à 14 jours en cas de chirurgie à risque modéré (grade D) et de 4 semaines en cas de risque élevé (grade A).
* La grossesse représente en elle-même un facteur de risque de MTEV et le risque en obstétrique est cinq fois plus important que dans la population générale. La césarienne multiplie de même le risque de survenue de MTEV par un facteur de 2 à 5.
Chez les patientes à haut risque thrombotique, la mise en route d’un traitement anticoagulant prophylactique est donc justifiée au cours de la grossesse et du post partum. Les HBPM constituent une alternative efficace et sûre à l’HNF. Certains auteurs ont proposé 40 mg d’énoxaparine tout au long de la grossesse et au cours des 6 premières semaines du post partum. Les parturientes, définies par ces auteurs comme à haut risque de thrombose au cours de la grossesse étaient celles qui avaient fait plus d’une thrombose dans le passé, celles qui avaient un déficit en protéine C, en protéine S, en antithrombine III ou une résistance à la protéine C activée, celles qui avaient des anticorps antiphospholipides (associés à des pertes fœtales ou des thromboses), celles qui avait une histoire familiale de thrombose et celles ayant un antécédent de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire au cours d’une grossesse évolutive. Le traitement anticoagulant chez ces patientes n’a pas modifié les modalités de l’accouchement ni la réalisation d’une éventuelle anesthésié locorégionale ou générale.
3- En Pathologie Médicale :
En situation médicale aiguë, nécessitant une hospitalisation, l’étude Medenox publiée en 1999, a pour la première fois permis de codifier les pratiques quotidiennes en terme de prévention de la MTEV. Cette étude a inclus des malades âgés de plus de 40 ans, hospitalisés en médecine pendant au moins 6 jours avec une immobilisation minimale de 3 jours. Le motif d’hospitalisation était une insuffisance cardiaque stade III ou IV, une insuffisance respiratoire aigue, une affection infectieuse ou rhumatologique aigue ou une poussée aigue d’une colite inflammatoire. Ces patients avaient en plus au moins un facteur de risque supplémentaire de TVP : âge > 75 ans, néoplasie, antécédents de d’accident thromboembolique (ATE), obésité, varices, traitement hormonal et insuffisance cardiaque ou respiratoire chronique. Dans le groupe traité par 40 mg d’énoxaparine, pendant 6 à 14 jours, la survenue d’un ATE était significativement plus faible comparativement aux 2 autres groupes traités par placebo ou par 20 mg d’énoxaparine. Il n’y avait pas de différence entre les patients traités par 20 mg d’énoxaparine et ceux traités par placébo.
4- Prophylaxies primaires de la MVT chez le patient cancéreux
Aucune étude clinique n’a à l’heure actuelle démontrée le bénéfice de la prophylaxie primaire à grande échelle de la MVT chez les patients cancéreux. Aussi, il n’y a pas actuellement d’indication à une anticoagulation en prophylaxie primaire de la MVT du patient cancéreux en routine. Cependant, cette anticoagulation prophylactique est recommandée chez les patients à haut risque (chirurgie ou gestes invasifs, alitement prolongé…). En effet, les patients cancéreux soumis à une chirurgie présentent un risque accru de thrombose postopératoire comparativement aux patients non cancéreux. En raison de la commodité des HBPM par rapport aux AVK et HNF, le traitement par HBPM (en une injection quotidienne) est devenu la référence en prophylaxie de la MVT du patient opéré pour cancer.
En traitement curatif, les indications des HBPM sont représentées par la MVTE et les syndromes coronariens aigus.
1- MVTE :
Plusieurs études ont montré l’efficacité équivalente des HBPM par rapport à l’héparine non fractionnée (HNF) en perfusion intraveineuse continue dans le traitement des thromboses veineuses profondes avec une moindre incidence d’accidents hémorragique et de thrombopénie induite par l’héparine.
En matière d’embolies pulmonaires non graves, seules la tinzaparine et plus récemment l’énoxaparine ont obtenu l’AMM dans cette indication.
L’utilisation des HBPM dans les thrombophlébites superficielles est encore controversée et dépend de l’étiologie sous jacente.
2- Les Syndromes coronariens aigus :
Les syndromes coronariens aigus, angor instable ou infarctus du myocarde sans onde Q, sont également une indication classique des HBPM qui, encore une fois, ont supplanté l’HNF. Avec moins d’accidents hémorragiques, Les HBPM ont montré une supériorité par rapport à l’HNF quant à la réduction du risque de décès, du réinfarcissement et de la survenue d’accident vasculaire cérébral.
Les indications sont déterminées en fonction du dossier d'AMM et ne peuvent être extrapolées d'une HBPM à l'autre en raison de leur composition, de leurs propriétés pharmacologiques et pharmacocinétiques. La posologie varie en fonction de l'indication :
- En prévention de la thrombose veineuse profonde : selon le niveau de risque thromboembolique individuel, lié au patient et au type d'intervention.
- En traitement curatif, selon le poids du patient.
©Auteurs + efurgences.net
Pr. Mounir GRIRA - Neurologie – Sousse (TUNISIE)
L’accident vasculaire cérébral (AVC) est devenu un problème majeur de Santé Publique puisqu’il cumule la 1ère cause de handicap acquis chez l’adulte, la 2ème cause de démence, la 3ème cause de mortalité, et constitue une des causes majeures d’admission dans les services d’urgences et une des maladies chroniques les plus coûteuses.
Parallèlement aux progrès dans la connaissance de la physiopathologie de l’AVC ischémique et de l’Imagerie en Résonance Magnétique de diffusion et de perfusion, des progrès sont apparus pour la prise en charge des AVC, devenue un enjeu sur le plan de l’organisation des soins hospitaliers et inter-hospitaliers, centrée sur une unité thérapeutique efficace, située au sein d’une filière hospitalière : l’Unité Neuro-Vasculaire.
Le regroupement des malades dans une Unité géographiquement bien déterminée, encadrée par un personnel infirmier et médical compétent, a permis de faire baisser la mortalité et le handicap de 20 %. Ce progrès remarquable repose essentiellement sur une surveillance continue, la correction instantanée de toute chute de tension, de tout trouble du rythme, de toute hyperglycémie, de toute baisse de l’oxymétrie. Les méta-analyses récentes ont confirmé la robustesse statistique de l’efficacité des Unités Neuro-Vasculaires.
La désobstruction artérielle par fibrinolyse au rt-PA (recombinant tissue plasminogen activator) effectuée dans une fourchette thérapeutique très brève, de moins de 3 heures, a largement démontré son efficacité en diminuant de 20 % les séquelles déficitaires mais sans modifier la mortalité, du fait des risques hémorragiques cérébraux engendrés par cette thérapeutique.
La dangerosité potentielle de ce médicament nécessite qu’il soit appliqué selon des critères drastiques reposant sur l’âge inférieur à 80 ans, un score de déficit selon le Score National Institute of Health compris entre 5 et 22, l’absence d’image ischémique précoce dépassant le tiers du territoire de la sylvienne et bien entendu l’absence d’hémorragie cérébrale. Son utilisation par un neurologue dans une unité spécialisée est garante d’un rapport bénéfice/risque favorable.
La filière intra-hospitalière pluridisciplinaire organisée autour de la Neurologie et de l’Imagerie réalise un enjeu organisationnel important qui sous-tend la mise en place d’Unités Neuro-Vasculaires. La constitution de la filière nécessite que l’ensemble des acteurs de la prise en charge des AVC, comprenant le médecin généraliste qui occupe une place capitale dans la prévention et le diagnostic précoce, les SAMU, les Services d’Accueil des Urgences, les Services d’Imagerie, de Neurologie, de Cardiologie, de Réanimation Médicale et de Rééducation soient associés en un réseau mutualisant les plateaux techniques et les compétences. Le préalable à la fibrinolyse repose sur des lits dédiés et disponibles nécessitant une filière intra-hospitalière sans faille, réduisant la perte de temps.
La prise en charge des AVC réalise un des progrès majeurs en Médecine grâce à une approche rationnelle, globale et cohérente dont le modèle abouti est l’Unité Neuro-Vasculaire, authentique unités de soins intensifs permettant de surveiller de façon continue des paramètres dont la correction immédiate améliore la durée de la survie et surtout sa qualité.
Au sein de ces filières intra-hospitalières et des réseaux régionaux, le neurologue doit occuper une place centrale, afin de coordonner l’ensemble des compétences médicales, dont l’imagerie, et paramédicales, intervenant de la phase initiale de l’AVC jusqu’à la phase de retour à domicile en passant par les services de rééducation.
© M. Grira - e Formation en médecine d'urgence
Les urgences en proctologie sont pour l’essentiel soit douloureuses (douleur anale) soit hémorragiques (rectorragies ou anorragies).
Les malades qualifient souvent d'hémorroïdes la plupart des symptômes anaux ou rectaux. On fera préciser duquel il s’agit parmi les suivants :
* Douleurs anales
* Rectorragies
* Prurit anal
* Suintements tachant le slip
* Perception d’une tuméfaction anale
* Le Prolapsus rectal étranglé, l’impossibilité d’exonérer ou le corps étranger enclavé motivent quelquefois cette consultation en urgence.
I - ANATOMIE DU CANAL ANAL (FIGURE N°1)
Le canal anal est le segment périnéal et terminal du rectum. La muqueuse qui le tapisse est divisée en deux étages par la ligne pectinée située à sa partie moyenne.
La ligne pectinée est formée par les valvules anales, replis transversaux semi-lunaires.
Les valvules forment avec la paroi du canal anal les cryptes de Morgagni au fond desquelles s'ouvrent les glandes anales. A ce niveau, il existe dans la sous muqueuse des dilatations veineuses (plexus hémorroïdaire interne).
Au-dessous de la ligne pectinée se trouve la zone cutanée lisse qui se termine avec la marge anale. Elle a une couleur grise bleuté et formée par un épithélium malpighien non kératinisée sans poils ni glandes. La marge anale se distingue de la peau environnante par sa finesse, son plissement et sa pigmentation brune. A ce niveau, il existe le plexus hémorroïdaire externe, sous cutané.
Le sphincter interne est un muscle lisse faisant suite à la musculeuse rectale dont il est un épaississement. Son tonus permanent assure la fermeture du canal anal.
Le sphincter externe est constitué de fibres striées entourant le sphincter interne et il entre dans la constitution du complexe sphinctérien avec le muscle releveur de l’anus.
II – EXAMEN PROCTOLOGIQUE :
Comme tout examen clinique, l’examen proctologique comporte :
* l’inspection de la marge anale (avec un bon éclairage) tout en écartant les plis radiés pour exposer la zone cutanée lisse de l’anus
* La palpation à la recherche de tuméfaction ou de douleur
* Le Toucher Rectal ++++
L’examen peut être fait en position génu-pectorale ou en décubitus latéral gauche. Cette dernière position est plus confortable pour le malade, physiquement et psychologiquement, mais la rectoscopie au tube rigide est moins aisée
III – LES EXPLORATIONS ANO-RECTALES :
* L’anuscopie et la rectoscopie au tube rigide sont deux techniques qui peuvent être pratiquées par tout médecin.
* L’anuscopie permet l'examen de la muqueuse du canal anal et d'apercevoir le bas rectum
* Cet examen est indolore et ne nécessite aucune préparation.
* La rectoscopie au tube rigide se fait avec un appareil long de 15 à 25 cm. Cet examen explore la muqueuse de tout le rectum jusqu’à la charnière recto-sigmoïdienne située vers 12-13 cm de la marge anale. Il est pratiqué soit sans préparation, soit après évacuation rectale par un micro-lavement.
Des explorations plus poussées telles que la sigmoidoscopie ou la coloscopie totale seront pratiquées par le spécialiste.
IV- LES URGENCES EN PROCTOLOGIE :
Il s’agit de patient qui vous consulte pour :
A- Douleur anale :
1- La maladie Hémorroïdaire
Il faut distinguer sur le plan sémantique, les structures anatomiques (réseau hémorroïdaire) des symptômes qui peuvent leur être associés.
La maladie hémorroïdaire : Il s’agit d’une affection anale résultant de complications liées aux dilatations veineuses normales sous muqueuses (hémorroïdes internes) ou sous cutanées (hémorroïdes externes).
Les Manifestations cliniques liées au plexus hémorroïdaires internes associent à divers degrés une procidence anale, des douleurs et/ou des saignements. La procidence peut être permanente ou ne survenir qu’au moment de la défécation.
Les douleurs sont plutôt à type de tension ou de brûlures, la gêne est intermittente et peut se reproduire par période de quelques jours (on parle de crise hémorroïdaire). Certains auteurs attribuent d’autres symptômes comme le prurit à la maladie hémorroïdaire.
Les plexus hémorroïdaires externes (et à un moindre degrés les plexus internes) peuvent être le siège d’une thrombose intravasculaire et pour corollaire des symptômes douloureux aigus : on parle de thrombose.
2- La thrombose hémorroïdaire
* La thrombose hémorroïdaire externe résulte de la formation d'un caillot. Elle s’accompagne d’un oedème de volume variable, non proportionnel à la taille du thrombus.
La thrombose est favorisée par l’hypertonie anale et par la grossesse. La douleur anale a un début brutal, elle est intense et continue.
La douleur n’est pas augmentée par la défécation. Il s’agit d’une tuméfaction marginale externe d’apparition brutale, bleutée, plus ou moins oedémateuse.
En l’absence de traitement, la douleur se calme spontanément en 2 à 7 jours, la tuméfaction régresse et peut faire place à une marisque séquellaire.
Le traitement consiste en l’extraction du caillot sous anesthésie locale quand la thrombose est apparue depuis moins de 72 heures et lorsque la réaction oedémateuse n’est pas trop prononcée. En cas de thrombose oedémateuse, vue tardivement, ou peu douloureuse, on a recours au traitement médical associant paracétamol, AINS et application d'une pommade contenant des corticoïdes.
* La Thrombose hémorroïdaire interne
est rare, se manifeste par une douleur vive. Elle est perceptible au toucher rectal sous forme d’une induration localisée très sensible. Le thrombus peut être excisé, mais le traitement est le plus souvent médicamenteux par une pommade aux corticoïdes et des AINS per os. Le prolapsus hémorroïdaire interne étranglé doit être traité d’urgence (réintégration, AINS, repos, hémorroïdectomie éventuelle).
3- La fissure anale
La douleur fissuraire est de type brûlure anale, déclenchée ou accentuée par l’exonération, et qui persiste pendant plusieurs heures après la défécation. Cette douleur est due est due à une contracture du sphincter anal interne. Elle s’accompagne parfois de rectorragies minimes, et d’une constipation souvent responsable du traumatisme initial et qui s’accentue du fait de la douleur à l’exonération. Le déplissement des plis radiés de l’anus permet de voir la fissure en forme de raquette à bords nets, à fond rouge, souvent commissurale postérieure. Le toucher rectal, est très douloureux en raison de la contracture sphinctérienne réflexe. Parfois, il est si douloureux qu’on ne peut pas le réaliser Il ne faut pas insister. La fissure peut être infectée et se prolonger par un petit abcès inter-sphinctérien. La fissure siège en général à – heures en position gynécologique. Au stade de fissure chronique, le bord s’épaissit en arrière pour former un capuchon mariscal
Il faut être alerté par quelques particularités n’appartenant pas à une fissure banale :
Toute fissure d’aspect inhabituel, indolore, de localisation latérale, remontant dans le canal anal au-dessus de la ligne pectinée, ou associée à une adénopathie inguinale, est suspecte. Elle doit faire pratiquer des prélèvements ou des explorations complémentaires visant à identifier une localisation anale de la maladie de Crohn, une affection vénérienne ou néoplasique, enfin une tuberculose.
Le traitement de la fissure anale est médical de première intention : ramollissement des selles, antalgiques, topiques locaux. Les taux de succès varient entre 40 et 70 %. Le traitement chirurgical (sphinctérotomie latérale interne) est réservé aux fissures anales chroniques, aux formes hyperalgiques ou résistantes au traitement médical.
4- L’Abcès périanal
La douleur est de survenue rapidement progressive sur quelques jours, pour devenir permanente, intense, pulsatile, insomniante. La fièvre est inconstante. Cet abcès pelvien peut induire, à la phase aiguë une constipation d’évacuation et une dysurie. L’abcès se présente sous forme d’une tuméfaction rouge, lisse, tendue.
Habituellement ces abcès sont dus à l’infection d’une glande sous-pectinéale.
L’examen retrouve souvent une tuméfaction marginale ou para-anale, rouge, inflammatoire et tendue. Quelque soit la nature, tout abcès anal symptomatique est « mûr » et le traitement est uniquement chirurgical. Une antibiothérapie ne guérira pas le patient, et les anti-inflammatoires non stéroïdiens quelquefois efficaces sur la douleur peuvent favoriser la diffusion à bas bruit de l’infection. Devant un abcès anal sous tension, le patient peut être immédiatement soulagé par une simple incision, après anesthésie locale superficielle.
Exceptionnelle, la gangrène gazeuse du périnée est une urgence qui engage le pronostic vital, en particulier en cas de diagnostic tardif. Elle doit être suspectée devant l’apparition de douleurs inhabituelles, de modifications inflammatoires du revêtement cutané péri anal et de signes infectieux généraux. Le classique « crépitation neigeuse » du tissu sous cutanée n’est présent que dans un tiers des cas. Favorisée par l’immunodépression, le diabète ou la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, cette cellulite ou fascéite nécrosante périnéale peut compliquer une suppuration anale banale. La prise en charge doit être réalisée dans un centre spécialisée de réanimation médicochirurgicale (antibiothérapie anti-anaérobies, une oxygénothérapie hyperbare, une colostomie de décharge initiale et un débridement chirurgical répété. En raison de cette complication rare mais dramatique, une antibioprophylaxie systématique par métronidazole est préconisée lors de tout geste proctologique invasif.
Parfois l’abcès n’est pas visible au niveau de la marge anale. Il s’agit d’un abcès endo-anal à l’origine d’une douleur et parfois de fièvre. Il peut être perçu sous la forme d’un bombement endo-anal au TR.
5- La fistule anale
Elle se traduit par un écoulement péri-anal intermittent de pu par un orifice souvent induré et en relief. La fistule est souvent indolore dans l’intervalle des rétentions abcédées ; elle peut cependant être la cause d’une gêne locale, d’un suintement ou d’un prurit. Fistules anales et abcès sont deux formes cliniques ou deux périodes évolutives de l’histoire naturelle d’une seule maladie ayant pour origine une infection des glandes anales. Le traitement de la fistule anale constitue exceptionnellement une urgence.
6- Autres causes de douleur anale
* Proctalgie fugace : la douleur rectale est très intense, à type de crampe, constrictive, souvent nocturne et réveillant le patient. Elle dure en général moins de 10 minutes. On n’en connaît pas la cause.
* Algies anopérinéales : ce sont des douleurs complexes, posturales, en cours de démembrement. Certaines, d'origine neurologique ont été identifiées (douleurs chroniques en position assise prolongée, unilatérales, associées à une hyper esthésie cutanée), d’autres d’origine myofasciale sont en cours de démembrement. Enfin certains troubles de la statique pelvienne (prolapsus) peuvent être responsables de douleurs pelviennes profondes. En présence de ces douleurs l’objectif principal doit être la recherche d’une lésion néoplasique et donc la pratique d’au moins une recto-sigmoidoscopie.
* Fécalome : Il se produit chez les sujets âgés, au cours d’affections neurologiques, chez les sujets en décubitus prolongé ou sous médicaments neurotropes.
* Le toucher rectal, geste simple et peu coûteux, ne doit donc pas être oublié… Le traitement repose sur le ramollissement du fécalome par des lavements huileux, aidés éventuellement d’une fragmentation digitale. L’évacuation manuelle sous anesthésie générale, quelquefois nécessaire, doit être prudente (risque de ruptures sphinctériennes secondaires aux dilatations anales).
* Les lésions traumatiques anales d’origine sexuelle sont délicates à prendre en charge. Il s’agit d’ulcérations anales multiples, souvent associées à des thromboses radiaires. L’échographie permet de rechercher de ruptures sphinctériennes occultes. En cas de viol, il faut rechercher les maladies sexuellement transmissibles et ne pas négliger la prise en charge psychologique.
* Les lésions plus rares par traumatismes accidentels, comme les accidents de la voie publique, les empalements, les plaies par armes à feu ou air comprimé, imposent une hospitalisation en milieu chirurgical pour bilan lésionnel.
* Le corps étranger rectal enclavé : Des objets très divers ont pu être rapportés comme enclavés dans le rectum, en général utilisés à visée auto-érotique. La nature et la situation exacte de l’objet doivent être appréciées par l’examen clinique, la radiographie de ASP qui recherche en outre un éventuel pneumopéritoine, et la recto-sigmoïdoscopie.
L’interrogatoire du patient embarrassé n’est pas toujours très contributif. Divers procédés d’extraction sont possibles après anesthésie sphinctérienne, voire locorégionale ou générale. Ils peuvent nécessiter des manoeuvres bi-manuelles, endoscopique.
Un corps étranger dégluti peut se bloqué au niveau du rectum.
B- Les rectorragies :
Les causes les plus fréquentes des rectorragies sont :
* La maladie hémorroïdaire : bien qu’étant la cause de loin la plus fréquente, ne doit être retenue qu’après avoir éliminé une tumeur rectocolique . Une coloscopie gauche ou une iléocoloscopie sont toujours à envisager.
* Les tumeurs : polypes adénomateux, tumeur villeuse, adénocarcinome, polypes juvéniles.
* Les autres causes proctologiques (rares) : fissure anale, excoriations cutanées par grattage, ulcération thermométrique (hémorragies abondantes), diverticulose colique (hémorragies abondantes),
* Rectites : inflammatoires, infectieuses ou iatrogènes (suppositoires d’AINS, radiothérapie externe), carcinome épidermoïde de l’anus
* L’extériorisation de sang rouge par l’anus peut provenir de lésions d’autant plus hautes (coliques, gréliques ou gastro-duodénales) quand le débit du saignement est plus élevé. Toute rectorragie abondante doit donc être explorée par endoscopie haute.
Une anémie ferriprive est exceptionnellement d’origine hémorroïdaire ; elle peut se produire chez des patients ayant négligé leurs rectorragies. L’indication d’examen endoscopique dans le cadre du diagnostic étiologique doit être relativement facile
C- Le prurit anal :
Le prurit anal est une plainte fréquente, gênant le malade et affectant sa vie sociale. Le besoin de grattage se produit à n’importe quelle heure de la journée, souvent au coucher. Le prurit anal est responsable de lésions de grattage qui l'entretiennent. Ces lésions sont à l’origine de taches de sang ou suintements tachant le linge ou le papier-toilette.
Dans la majorité des cas aucune cause locale ni générale n’est trouvée. Il est de règle d’évoquer une oxyurose et de rechercher les oeufs par la méthode du scotch-test. Il arrive aussi que l'anuscopie ou la rectoscopie visualise les vers.
On trouve à l’examen souvent des excoriations, parfois une lichénification sous la forme d’un épaississement cutané blanchâtre de la marge anale.
L’examen proctologique trouve rarement des lésions que le prurit anal peut révéler : fissure ou fistule anales, hémorroïdes procidentes, dermatoses péri-anales (Paget, Bowen, psoriasis) et même un carcinome anal. Le diabète serait un terrain favorisant. Les causes iatrogènes doivent être recherchées par l’anamnèse : topiques locaux, antibiothérapie per os (bétalactamines), antimitotiques.
Le traitement comporte toujours des règles hygiéno-diététiques (utilisation d’un savon sans colorant, port de sous-vêtements en coton, papier-toilette doux utilisé par tamponnements plutôt que frottement, régularisation du transit intestinal). Le traitement des lésions comporte, après la toilette et l’essorage, l’application d’une solution aqueuse de fluorescéine à 1 p 1000 et des dermocorticoïdes simples ou associés à un composant antibiotique ou antimycosique selon l’aspect des lésions. Ce traitement doit être poursuivi au moins 15 jours en cas de lésions suintantes et un sédatif per os peut être un appoint utile.
LES POINTS FORTS
* Les plaintes proctologiques sont entourées par un contexte socioculturel très particulier dont il faut tenir compte.
* Il s’agit souvent d’un sujet TABOU.
* Quand il consulte, le patient présente un état d’anxiété et de panique souvent très avancé. Il vient pour être rassuré, pour lui il ne doit pas s’agir de quelque chose de grave.
* Le médecin ne doit pas faire le jeu du malade, il doit rester scientifique
* Il est inconcevable qu’un patient consultant pour une symptomatologie anale quitte le bureau de consultation sans avoir eu un TR
* L’anuscope et même le rectoscope doivent faire partie de l’équipement du cabinet du MG, du bureau de consultation aux urgences.
1- Connaître les structures anatomiques de l’anus et du canal anal.
2- L’interrogatoire permet dans la grande majorité des cas de faire le diagnostic de la maladie proctologique mais il ne dispense jamais de la pratique d’un examen proctologique complet.
3- Il faut respecter les étapes de l’examen proctologique, surtout le TR et prescrire largement des examens endoscopiques.
4- La maladie hémorroïdaire est la cause de loin la plus fréquente des rectorragies. Ce diagnostic ne doit être retenue qu’après avoir éliminé, par une endoscopie, les autres causes graves (cancer,…)
5- Fistules anales et abcès sont deux formes cliniques ou deux périodes évolutives de l’histoire naturelle d’une seule maladie ayant pour origine une infection des glandes anales.
© Pr Fehmi Hamila – Pr Rached Letaief, Chirurgie, Sousse (Tunisie)