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 PARTIE 1 : LE DIAGNOSTIC DE SCA 

Depuis 2007, la classification du syndrome coronarien aigu (SCA) tient compte de la physiopathologie, le diagnostic et le traitement. Des nouvelles recommandations sont proposées par l'ESC en 2023.

Le SCA est une entité clinique et biologique qui regroupe les ischémies myocardiques dans leur ensemble : angor instable, infarctus du myocarde sans onde Q et infarctus trans-mural.

Le syndrome coronarien aigu (SCA) comprend :

  • STEMI (SCA ST+) avec sus-décalage persistant du segment ST,
  • NSTEMI : SCA sans sus-décalage ST.

Les marqueurs biochimiques reflets de l’atteinte myocardique permettent de distinguer l’angor instable et l’infarctus sans onde Q.

Le diagnostic des SCA repose essentiellement sur l’interrogatoire (sémiologie de la douleur et antécédents), L’ECG et le dosage des marqueurs biologiques.

DIAGNOSTIC CLINIQUE :

Toute douleur thoracique récente doit bénéficier d’au moins un ECG en 12 dérivations et au besoin : dérivations basales [V7, V8, V9] et droites [V3R, V4R].

Une douleur thoracique est d’origine cardiaque jusqu’à preuve du contraire lorsque :

  • Douleur thoracique intense, de début brutal, généralement prolongée, constrictive, rétrosternale en barre avec parfois irradiations vers les mâchoires et/ou vers l'avant bras gauche..
  • La durée dépasse 20 min.
  • Présence de facteurs prédisposant : antécédents coronariens, hypertension artérielle, hypercholestérolémie, tabagisme ou diabète.
  • On doit préciser sa liaison ou non avec l’effort, l’heure de son apparition et si cette douleur diminue ou non avec le test de trinitrine.

Les formes atypiques de la douleur :

  • L’intensité peut être atypique chez les patients âgés ou diabétiques
  • Siège abdominale épigastrique
  • Parfois accompagnée de troubles digestifs (hoquet, vomissements), lipothymie, sueurs.

Douleurs non coronariennes si :

  • Liées à la respiration
  • Provoquée par la palpation
  • Durée très brève, de quelques secondes
  • En coup de poignard ou aiguille localisée

Infarctus du myocarde éliminé si :

  • ECG normal ou inchangé par rapport à un ECG ancien de référence. Il doit être surveillé pendant la douleur (scope et monitorage continue).
  • Les taux des Troponines ne varient pas en comparant le taux à 0-1 heure ou le taux à 0-2 heures (ou 0- 3 heures si les 2 précédentes sont non applicables) après le début de la douleur [ESC 2023].

DOULEUR THORACIQUE, DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

  • Causes cardio-vasculaires : SCA, Angor, Embolie pulmonaire, Dissection de l’aorte, Péricardite.
  • Causes pulmonaires : Pneumothorax, Pleurésie, Pneumopathies infectieuses, Médiastinites, tumeurs, …
  • Causes digestives : Affections œsophagiennes, Ulcère G.D, Pancréatite, Affections biliaires, etc…
  • Douleurs neuromusculaires et pariétales : Traumatismes, Arthralgies chondro-costales, Ostéoarthrite sterno-claviculaires, Fractures de côte, Zona, Métastase osseuse, ...
  • Douleurs thoraciques anorganiques (psychologiques) :en dernier lieu après avoir éliminer toutes les autres causes.

SIGNES ÉLECTRIQUES À L’ECG :

SCA: SIGNES ÉLECTRIQUES

SCA ST+

STEMI

ST elevation myocardial infarction

Un sus-décalage de ST dans au moins 2 dérivations contiguës ou adjacentes :

  • En V2-V3 ≥ 2 mm chez l’homme (≥ 2,5 mm avant 40 ans) et ≥ 1,5 mm chez la femme [1 mm = 0,1 mV].
  • Ou dans les autres dérivations ≥ 1 mm.
  • Chez les patients ayant un IDM dans le territoire inférieur, il est recommandé d’enregistrer les dérivations précordiales droites (V3R-V4R).
  • De même, un sous-décalage du segment ST dans les dérivations V1-V3 suggère une ischémie myocardique, notamment quand l’onde T est positive.
  • La présence d’un bloc de branche droite peut gêner le diagnostic d’IDM-STplus

SCA non ST+

NSTEMI

Non ST elevation myocardial infarction

  • Sus-décalage transitoire du segment ST,
  • Sous-décalage persistant ou transitoire du segment ST,
  • Inversion de l’onde T, onde T plate ou une pseudo-normalisation de l’onde T
  • Ou un ECG normal.
L’apparition d’un BBG non connu est un critère diagnostique de syndrome coronarien aigu.
Un ECG normal, en particulier s’il est réalisé en dehors des manifestations douloureuses, ne permet pas d’exclure l’existence d’un syndrome coronarien aigu.


Les Signes directs :
30 - 40 min Onde T positive, ample, pointue et symétrique
1ères heures

Surélévation de ST, convexe vers le haut, englobant l’onde T (+)

  • > ou = 1 mV dans les dérivations frontales
  • > ou = 2 mV dans les dérivations précordiales
  • Et dans au moins 2 dérivations précordiales contiguës
  • Onde de Pardee, englobant l’onde T (+)
2 - 9 Heures
  • Onde Q large > 0,04 sec, Supérieure au 1/3 de l’onde R
  • ST : retour progressif à la ligne isoélectrique.
  • T devient négative.
Les signes en miroir :
Sous décalage de ST, convexe ou rectiligne dans les dérivations opposées

SIGNES BIOLOGIQUES :


  • La Troponine (I ou T) : Son dosage est le seul recommandé actuellement.
  • La CPK – MB marqueur ancien, apparaît dans la circulation sanguine plus tardivement que la myoglobine. La surface sous la courbe (évolution du taux des CPK en fonction du temps) permet d’apprécier la masse myocardique nécrosée. Le dosage des CPK est quotidien jusqu'à normalisation.
  • La myoglobine n’est pas spécifique de l’infarctus du myocarde (élevée également en cas de traumatisme musculaire, d’insuffisance rénale), mais sa rapidité de dosage peut orienter le diagnostic lorsque le dosage du troponine n'est pas disponible.

La troponine est un complexe protéique formé de trois protéines : la troponine C qui fixe le calcium, la troponine T présente dans le muscle cardiaque et dans les muscles striés, et la troponine Ic qui empêche la contraction des fibres musculaires en l’absence de calcium. Elles sont mesurées par méthode immunoenzymatique spécifique.

Le marqueur de référence de la souffrance myocardique est la troponine ultrasensible (hs-cTn).

L'augmentation de la troponine est cependant retardée par rapport à la douleur : même dans le cas d'un infarctus, le dosage sanguin peut être normal ou peu élevé dans les premières heures après la douleur. Ce dernier diagnostic ne peut donc être éliminé que par deux dosages successifs négatifs espacés de quelques heures. Le taux de troponines augmente dans les heures qui suivent l'infarctus avec un pic à environ 24 heures, suivi d'un déclin progressif sur plusieurs jours (jusqu'à 2 semaines).

C’est surtout l’augmentation franche de 2 dosages répétés à quelques heures d’intervalle qui oriente vers le diagnostic d’infarctus du myocarde.

La Troponine hypersensible est beaucoup plus sensible et précise que les troponines conventionnelles. Il a l’avantage d’être refait après le premier dosage (0 - 1 heure ou 0 - 2 heures) d’où un gain de temps précieux (directives de la Société Européenne de Cardiologie ESC). Ce dosage doit être disponible dans tous les services d'urgence. 

Les troponines élevées d'emblée signent un SCA, l’augmentation du niveau des troponines entre deux mesures signent un SCA.

  • La valeur normale de troponine varie selon le laboratoire et la technique.
  • Elle est exprimée en nanogrammes par millilitre de sang (ng/mL) ou par litre (ng/L).
  • Troponine T cardiaque : < 0,1 ng/mL
  • Troponine I cardiaque : < 0,03 ng/mL
  • Troponine T de haute sensibilité :< 14 ng/L pour les femmes et < 22 ng/L pour les hommes.
  • Il existe des tests qualitatives rapides pour le cTnI permettant de diagnostiquer les infarctus aigus à la salle d'urgence, mais ne permet pas de les exclure.

Difficultés : les techniques de dosage peuvent varier d’un laboratoire à l’autre. La troponine peut être élevée dans différents pathologies.

Cet examen biologique ne doit être demandé que par les structures hospitalières. En ambulatoire, on appelle le SAMU dès qu’on suspecte un SCA sans se retarder sur les examens complémentaires.

PATHOLOGIES OÙ LA TROPONINE EST ÉLEVÉE :
  • Myocardite
  • Tachyarythmies, Insuffisance cardiaque
  • Urgences hypertensives
  • Maladie grave (ex. Choc, septicémie, brûlures),
  • Syndrome de Takotsubo,
  • Cardiopathie valvulaire (ex. Sténose aortique),
  • Dissection de l'aorte
    Embolie pulmonaire,
  • hypertension pulmonaire,
  • Insuffisance rénale,
  • Événement neurologique aigu (accident vasculaire cérébral ou hémorragie sous-arachnoïdienne)
  • Contusion cardiaque ou procédures cardiaques (pontage, ablation, stimulation, cardioversion ou biopsie endomyocardique)
  • Hypo- et hyperthyroïdie
  • Maladies infiltrantes (amylose, sarcoïdose hémochromatose, sclérodermie)
  • Toxicité ou intoxication médicamenteuse pour le myocarde (Doxorubicine, 5-fluorouracile, herceptine, venins de serpent)
  • Efforts d'endurance extrêmes (hyperthermie maligne d'effort),
  • Rhabdomyolyse

 

ANCIENNE CLASSIFICATION du SCA :
Clinique ECG : ST + CK-MB Troponine
Angor + 0 0 0
Angor instable + 0 0 +
Infarctus non Q + 0 + +
Infarctus avec Q + + + +

 À lire la suite : Conduite à tenir et traitement du SCA

 

 Mise à jour 2023 - ©efurgences

Le coup de chaleur (Heat stroke) est caractérisé par une élévation de la température centrale au-dessus de 40°C associée à des troubles neurologiques (délire, convulsions ou coma) et qui peut évoluer vers la défaillance multiviscérale et la mort. Le coup de chaleur survient lorsque la température centrale interne dépasse un niveau critique entraînant un dérèglement de la thermorégulation suivi d’une cascade de réponses cellulaires et systémiques. C’est une urgence médicale toujours d’actualité et plus fréquente qu'on ne le croit.

Selon le mécanisme, on distingue 2 catégories :

  1. le coup de chaleur classique résultant d'une exposition passive à des températures environnementales élevées, c’est la situation la plus fréquente.
  2. l’hyperthermie maligne d’effort ou d’exercice (Exertional heat stroke) résultant d'une hyperthermie élevée lors d'une activité sportive intense et prolongée.

Les musulmans jeûnent pendant le mois de Ramadan (ramadan fasting) durant 29 ou 30 jours. Ce mois varie d’une année à l’autre en fonction du calendrier lunaire. La durée d’abstention de manger et de boire s’étale de l’aube au coucher du soleil, elle est plus ou moins longue selon les saisons et selon les pays (en moyenne 12 à 17 heures/jour). Le début du Ramadan annonce un changement soudain des heures de repas et des habitudes de sommeil.

I. CONSÉQUENCES DU JEÛNE SUR LA SANTÉ :

Il faut distinguer le "jeûne religieux" (carême, ramadan) du jeûne dit "thérapeutique" préconisé par certains (l’américain Shelton, l'allemand Otto Buchinger et partisans) qui ne dure que quelques jours avec boissons autorisés. La grève de faim est une situation particulière de conséquences physiopathologiques complètement différentes.

Les complications du jeûne peuvent être une déshydratation, une hypoglycémie, une hyperglycémie, un amaigrissement (ou prise de poids selon les habitudes alimentaires), des troubles du sommeil, une inversion du rythme jour-nuit avec des conséquences possibles sur la vigilance et l’endurance.

Les facteurs climatiques et les habitudes alimentaires doivent être pris en considération dans la survenue de ces complications.

Les études contrôlées randomisées sur le jeûne durant ramadan sont rares. On connait peu l’influence du jeûne sur l’organisme, les complications et la décompensation des maladies chroniques. Nous trouvons peu d’études fiables à cause de 2 critères importants, souvent méconnus, qui sont la variable saison (chaude ou froide) et la durée du jeûne pendant la journée.
Des articles de presse non crédibles ont évoqué l’augmentation des motifs de consultation comme l’hypoglycémie, les troubles digestifs et la constipation, les coliques néphrétiques, les complications cardio-vasculaires et autres comme les rixes et les accidents de circulation.

Le jeûne dit "thérapeutique" n'a aucune comparaison avec Ramadan et non recommandé par les médecins bien qu'il fait l’objet d’une forte médiatisation. La majorité des données proviennent d’études chez l’animal ou incluant un nombre limité de cas. Il n'existe aucune preuve scientifique de l'intérêt de cette méthode pour le traitement de cancers, épilepsie ou autres maladies. (voir le rapport NACRe de 2017 "Jeûne, régimes restrictifs et cancer")

II. LES CONTRE-INDICATIONS DU JEÛNE SONT BIEN CONNUES :

Du point de vue religieux le jeûne est obligatoire pour tous les fidèles sauf pour les enfants non pubères et dans certaines circonstances particulières (maladie, voyage, âge avancé, incapacité psychique, pendant la période des menstruations chez la femme). L’abstention inclut toute prise orale même les médicaments.

Du point de vue médical, le jeûne est contre-indiqué dans les cas suivants :
Selon le terrain : enfant non pubère, sujet âgé grabataire, grossesse, post partum,
Selon les morbidités : déshydratation, cachexie,  infections sévères, diabète décompensé, anémie sévère, insuffisance rénale, intervention chirurgicale, insuffisance cardiaque sévère et toute situation de risque estimée par le médecin.

III. DIABÈTE ET JEÛNE :

Chez le sujet sain, le jeûne provoque une variation modérée de la glycémie au cours de la journée. Par contre cette variation est manifeste chez les diabétiques, un risque d’hypoglycémie avant la rupture du jeûne et une hyperglycémie pendant la nuit [1][2].

Afin que le diabétique puisse jeûner sans complications, des conseils nutritionnels et une adaptation thérapeutique doivent être débutés avant le début du mois de Ramadan. Pour ceux qui nécessitent un traitement, il est conseillé d’adapter les protocoles thérapeutiques en privilégiant les schémas à une ou deux prises des médicaments (avant le début du jeûne et après la rupture du jeûne le soir) à la place des schémas à trois prises par jour.

Les études du diabète et Ramadan sont nombreuses dans la littérature.

1) On cite la plus grande qui est l’étude EPIDIAR [3] en 2004 :
Étude rétrospective, enquête transversale menée dans 13 pays. Un total de 12.914 patients atteints de diabète ont été recrutés en utilisant une méthode d'échantillonnage stratifié, et 12.243 ont été considérés pour l'analyse.
Résultats : les enquêteurs recrutaient 1070 (8,7%) patients atteints de diabète de type 1 et 11,173 (91,3%) patients atteints de diabète de type 2. Moins de 50% de l'ensemble de la population a changé leur dose de traitement (environ un quart des patients traités avec des médicaments antidiabétiques oraux et un tiers des patients utilisant l'insuline).

- Les épisodes hypoglycémiques graves étaient significativement plus fréquentes pendant le Ramadan par rapport aux autres mois (diabète de type 1 : 0,14 vs. 0,03 épisode/mois, P = 0,0174; diabète de type 2 : 0,03 vs 0,004 épisode/mois, P <0,0001). L'hypoglycémie sévère était plus fréquente chez les sujets qui ont changé leur dose d'insuline ou antidiabétiques oraux ou modifié leur niveau d'activité physique.

- Les épisodes d’hyperglycémie sévère nécessitant une hospitalisation sont 5 fois plus fréquents chez les patients DT2 pendant le Ramadan qu’en dehors (5 événements/100 patients/mois versus 1/100 patients/mois). Chez les patients DT1, l’incidence des épisodes d’hyperglycémie sévère avec ou sans cétoacidose passe de 5 à 17 événements/100 patients/mois, soit une multiplication par un facteur supérieur à 3.

2) Les recommandations canadiennes en 2019 :
Une déclaration de position canadienne sur le sujet du jeûne du Ramadan et diabète, approuvée par «Diabetes Canada» [4], fournit des conseils sur la pharmacothérapie et la surveillance de la glycémie aux fournisseurs de soins de santé, de sorte qu'ils puissent aider les musulmans canadiens atteints de diabète à observer le jeûne pendant le Ramadan en toute sécurité.

Les contre-indications du jeûne pour les diabétiques sont :
• Signes cliniques d’hypoglycémie durant la période du jeûne (Glycémie ≤0,80 g/l ou 3,9 mmol/l).
• Signes de décompensation : Glycémie >3 g/l (>16,7 mmol/l) qui impliquent le dépistage d’acétone dans les urines.
• Maladie intercurrente.
L’avis médical est obligatoire pour ces types de patients pour évaluer les risques d’hypoglycémie. Le médecin traitant adapte la dose des thérapeutiques en conseillant la prise unique si possible ou 2 prises espacées pendant la nuit, la bonne hydratation et la prudence lors de l’activité physique. Le traitement par insuline est dangereux et n’est possible qu’avec adaptation des doses et surveillance continue.

IV. CONSULTATIONS AUX URGENCES ET RAMADAN :

a) Une étude rétrospective de cohorte [5], dans un hôpital universitaire tertiaire de Beyrouth, durant la période du Ramadan et le mois qui suit et ce, pendant une période de trois ans (2009-2011). Pendant cette période, 3536 patients musulmans faisant le Ramadan ont consulté les urgences. Le nombre de consultations était moins important durant la période du Ramadan que le mois qui précède par contre la durée de séjour est plus longue et la fréquence du retour aux urgences dans les 72 heures est plus importante. Il n’y avait aucune différence significative pour la maladie coronarienne, le diabète, l’hypertension artérielle, les coliques néphrétiques, les céphalées, l’épilepsie ou l’accident vasculaire cérébral. Néanmoins la mortalité est plus fréquente (13 vs 9, p = 0,011) sans autre précision.

b) L’étude faite en Tunisie [6] sur 3 ans (2012-2014) concernant l’influence du mois de Ramadan sur la prévalence du syndrome coronarien aigue. 172 cas de SCA ont été diagnostiqués. La prévalence de SCA, était de 17% avant Ramadan, de 22% pendant Ramadan et de 28% après Ramadan (p=0.007). Les auteurs concluent que l’hypertension artérielle et le vieillissement étaient les facteurs les plus à risque dans cette population.

c) Une autre étude rétrospective, durant 2010 et 2017, dans les services d’urgence français était plus pertinente (7). Étaient inclus 343.880 passages aux urgences dans l’étude, dont 23.5% (n = 80.940) pendant la période Ramadan. Il existait une augmentation des passages de minuit à six heures, associée à une diminution des passages de midi à minuit. Trois groupes de pathologies étaient significativement plus fréquents en période du carême : les troubles hydro-électrolytiques (p = 0,023), les coliques néphrétiques (p = 0,003) et les malaises (p = 0,04).
La principale limite de l’étude est l’absence de collecte de données relatives à la religion des patients inclus (interdite par la loi française). Les résultats semblent plutôt influencés par les facteurs météorologiques notamment la canicule.

V. MALADIES CARDIOVASCULAIRES ET RAMADAN :
L’instance nationale tunisienne de l’évaluation et de l’accréditation en santé (INEAS) en collaboration avec la société tunisienne de cardiologie et de chirurgie cardiovasculaire (STCCCV) a publié ses recommandations en 2022 [7]. Les auteurs ont passé en revue plusieurs publications internationales concernant les maladies cardiovasculaires (HTA, cardiopathies ischémiques, troubles du rythme), et aussi les dyslipidémies, le diabète, l’insuffisance rénale et autres. Les études sur le risque du jeûne pour ces maladies chroniques sont controversées, cependant la plupart des auteurs relèvent l’augmentation du risque de déshydratation, d’hypertension artérielle et de thrombose. Ils préconisent des précautions.

Les principales recommandations [7] :
- Tous les patients atteints de coronaropathie et désireux de jeûner doivent être évalués individuellement par leur médecin cardiologue traitant, et le risque cardio-vasculaire doit être discuté.
- Le jeûne peut être autorisé chez la plupart des patients présentant un syndrome coronarien chronique stable.
- Le jeûne n’est pas recommandé chez les patients ayant eu une angioplastie coronaire récente (dans les trois mois), en raison du risque de thrombose du stent associé à la déshydratation.
- Le jeûne est déconseillé chez les patients présentant un syndrome coronarien aigu récent (dans les trois mois).
- Le jeûne peut être autorisé sans danger après 3 mois chez ces patients s’ils sont stables sous traitement médical approprié.
-Le jeûne est déconseillé chez les patients atteints d'insuffisance rénale chronique associée à une maladie coronarienne en raison du risque accru de lésions rénales et de thrombose.
Les auteurs de l’INEAS préconisent des mesures hygiéno-diététiques et détaillent la gestion des médicaments pendant le mois de Ramadan chez le patient atteint de pathologies cardiovasculaires et autres maladies chroniques.

BIBLIOGRAPHIE :

  1. MOHAMED HASSANEIN et al. : Diabetes and Ramadan, Practical guidelines. Diabetes Research and Clinical Practice, April 2017, volume 126, Pages 303–316
  2. L. MONNIER et al. : Ramadan et diabète : est-ce un problème ? Considérations pratiques et apport de la mesure continue de la glycémie. Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2015 - Vol. 9 - N°6
  3. SALTI et Col. : A population-based study of diabetes and its characteristics during the fasting month of Ramadan in 13 countries: results of the epidemiology of diabetes and Ramadan 1422/2001 (EPIDIAR) study. Diabetes Care. 2004 Oct; 27(10):2306-11.
  4. HARPREET SINGH BAJAJ et al. : Diabetes Canada Position Statement for People With Types 1 and 2 Diabetes Who Fast During Ramadan. Canadian journal of diabetes, February 2019, Volume 43, Issue 1, Pages 3–12
  5. AL ASSAAD et al. : Impact of Ramadan on emergency department visits and on medical emergencies. European Journal of Emergency Medicine, July 2017, 25(6):1
  6. ASMA SRIHA BELGUITH et al. : Le risque du syndrome coronarien aigu au mois de Ramadan. La Tunisie Médicale - 2016 ;Vol 94 ( n°010 ) : 599-603
  7. MAËLISS BOURILLON : Impact du jeûne sur le flux des patients aux urgences ainsi que sur les pathologies diagnostiqués. Thèse faculté de médecine de Marseille, 2018
  8. INEAS - STCCCV Instance nationale de l’évaluation et de l’accréditation en Santé et Société tunisienne de cardiologie et de Chirurgie cardiovasculaire : Gestion du patient atteint de pathologies cardiovasculaires pendant le ramadan. Site INEAS

©2016, Mise à jour 2022 - Dr Mounir Gazzah - efurgences.net

Les dyslipidémies représentent un facteur de risque cardiovasculaire fréquent qu’il faut dépister.
Les dyslipidémies peuvent être primitives (génétiques) ou secondaires causées par le mode de vie et d'autres facteurs.

 

 

I. VALEURS NORMALES :

 BILAN LIPIDIQUE
 Cholestérol total  < 2 g/L (5,2 mmol/L).
 LDL Cholestérol   < 1,6 g/L (4,1 mmol/L) ou < 1,3 g/L (3,4 mmol/L) si facteurs de risque
 HDL Cholestérol 
 > 0,40 g/L (1 mmol/L)
 Triglycérides  < 1,6 g/L (1,7 mmol/L)

 • CHOLESTÉROL TOTAL : trois quarts du cholestérol présent dans l'organisme provient du foie, le quart restant de l'alimentation (produits d'origine animale tel que viandes, produits laitiers, crustacés, poissons, œufs...). L'excès de cholestérol est asymptomatique mais c’est un facteur de risque de maladies cardiovasculaires.

• LDL CHOLESTÉROL (mauvais cholestérol) : transportent le cholestérol du foie vers toutes les cellules et peuvent s'accumuler et contribuer à la formation des plaques d'athéromes.

• HDL CHOLESTÉROL (bon cholestérol) : ces protéines récupèrent le cholestérol en excès et le ramènent au foie où il est transformé avant d'être éliminé.

• TRIGLYCÉRIDES : sont composés d’acides gras et de glycérol et sont stockés dans les tissus adipeux. Ils sont produits dans les intestins à partir de l’alimentation et dans le foie. L'hypertriglycéridémie élevée peut se compliquer de stéatose hépatique, plaques d’athéromes et de pancréatite aiguë.

II. FACTEURS DE RISQUE CARDIOVASCULAIRE :
L'athérosclérose est une réponse inflammatoire chronique de la paroi artérielle à une lésion endothéliale, les facteurs de risque sont à rechercher systématiquement.

  • L’âge : plus de 50 ans pour un homme ou plus de 60 ans pour une femme,
  • Les antécédents familiaux de maladie cardiaque précoce (infarctus), le risque existe lorsque le père du patient a eu un accident cardiaque avant 55 ans (ou la mère avant 65 ans),
  • L’usage du tabac ou son arrêt depuis moins de trois ans.
  • Une hypertension artérielle, même traitée,
  • Un diabète de type 2 ou type 1,
  • L’insuffisance rénale chronique,
  • Obésité : IMC ≥ 30 kg/m2
  • Dyslipidémie : élévation du cholestérol plasmatique, des triglycérides (TG) ou un taux de cholestérol HDL bas.

- Les patients "à haut risque cardiovasculaire" sont ceux qui ont des antécédents personnels de maladie cardiovasculaire (infarctus, angor, artérite, accident vasculaire cérébral), et ceux qui souffrent de diabète de type 2 avec néphropathie ou 2 autres facteurs de risque cardiovasculaire.

III. LES STATINES :

Indications : hypercholestérolémie primaire ou dyslipidémie mixte, prévention cardiovasculaire chez les personnes à risque.

Contre-indications : grossesse et allaitement, alcoolisme, maladie hépatique évolutive, anomalies du bilan hépatique (élévation des transaminases), insuffisance rénale sévère, myopathie.

Effets indésirables : myalgies, myopathies et plus rarement une rhabdomyolyse (élévation de CPK) favorisée par doses élevée de statine, insuffisance rénale ou hépatique, hypothyroïdie ou âge avancé. Plusieurs médicaments en interaction dont l’association est contre-indiquées (tel que certains macrolides, antiviraux, antimycosiques). On peut observer une hyperglycémie ou une élévation des transaminases.

STATINES   
 Atorvastatine

 TAHOR® ATOR® CHOLESTYL® LAPTOR® STATINOR® TORVA® TAVASTOR®

Comp 10 – 20 – 40 et 80 mg

Hypercholestérolémie : 10 à 80 mg/j

Prévention CVx : 10 mg/j

 Rosuvastatine

 CRESTOR® ROSULIP® ROSUVASCOR® VISSEN® NEACREST®

Comp 5 – 10 et 20 mg

Hypercholestérolémie : 5 à 10 mg/j

Hypercholestérolémie familiale : 5 à 10 mg/j

Prévention CVx : 20 mg/j

 Simvastatine

 VASCOR® LIPICARD® REDULIP® ZOVATIN® SIMVAX®

Comp 10 - 20 - 40 mg

Hypercholestérolémie : 10 à 20 mg/j

Hypercholestérolémie familiale homozygote : 40 mg/j

Prévention CVx : 20 à 40 mg/j

 Pravastatine 
 PRAVAST® Comp 20 mg 

 Hypercholestérolémie : 10 à 40 mg/j

Prévention CVx : 40 mg/j

 Fluvastatine
 FLUVASTA® LESCOL®
Comp 40 et 80 mg 

Dyslipidémies : 20 à 80 mg/j

Prévention CVx : 80 mg/j

 IV. LES AUTRES HYPOLIPÉMIANTS :

Indications : hypertriglycéridémie sévère associée ou non à un faible taux de HDL-cholestérol, hyperlipidémie mixte lorsqu’une statine est contre-indiquée ou non tolérée.

Effets indésirables : myalgies et rhabdomyolyse (risque majoré en cas d'insuffisance rénale, hypothyroïdie ou âge avancé), troubles digestifs fréquents, céphalées, vertiges, fatigue, troubles visuels, insomnie, troubles érectiles, troubles du goût, éruptions cutanées, prurit, photosensibilisations, alopécies, thrombopénie, anémie, leucopénie, hypoglycémie, augmentations des transaminases, élévation de créatininémie, lithiases biliaires.

Contre-indications : insuffisance hépatique et rénale sévères.

 HYPOLIPÉDIMIANTS  
 Fénofibrate  

 LIPANTHYL® Comp 160 – 300 mg

HYPOLIP® Comp 160 – 200 mg

 160 à 300 mg/jour
 Cibrofibrate    LIPANOR® Gélule 100 mg  1 gélule/jour
 Ezétimibe    EZETROL® EZEMIB® 10 mg Comp  1 Comp/jour

 BIBLIOGRAPHIE :

1. Canadian Cardiovascular Society : guidelines for the management of dyslipidemia for the prevention of cardiovascular disease in the adult. Canadian Journal of Cardiology, mars 2021.
2. ESC : ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias. European Heart Journal (2020) Jan 1 ; 41(1): 111-188

 Annexe : RAPPORT DE L'ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE (FRANCE) - MAI 2018

L’excès de cholestérol transporté par les lipoprotéines de basse densité (LDL) est un facteur causal des maladies cardio-vasculaires. Les arguments en faveur de ce lien de causalité sont épidémiologiques, cliniques, physiopathologiques et thérapeutiques.

L’effet principal des statines est une baisse du LDL-c qui dépend de la statine et de la dose.

Ce rapport a pour but d’analyser de manière objective les preuves en faveur de l’efficacité, de l’efficience et des effets indésirables des traitements par statines, mais aussi d’étudier les raisons qui sous-tendent la polémique et les conséquences pour la population des arrêts intempestifs de traitement..

Il ressort clairement des données colligées que le bénéfice/risque de l’emploi de cette classe thérapeutique est particulièrement favorable pour la prévention des accidents cardio-vasculaires notamment chez les patients à très haut risque ou ayant une maladie cardio-vasculaire documentée.

Les statines sont indispensables quand le risque de faire un accident cardio-vasculaire est élevé ou très élevé. Non indiquées lorsque ce risque est faible du fait de leur cout élevé et des possibles éffets indésirables.

Les effets indésirables existent mais rares, ils sont surtout musculaires allant d'une simple myalgie à la rhabdomyolyse et l'insuffisance renale.

Les auteurs espèrent que la lecture de ce rapport éclairera les patients traités par statines sur le fait que :

  • Le bénéfice apporté par cette classe de médicament notamment en prévention cardiovasculaire secondaire est très important et sans commune mesure par rapport aux effets secondaires rapportés.
  • L’interruption intempestive de ce traitement peut avoir des effets désastreux sur leur santé.

Lien de ce document en PDF :  Académie nationale de médecine - Rapport statines 2018

 ©2022 - Dr M. Gazzah - efurgences.net

La ventilation artificielle (ou ventilation mécanique) a pour but de se substituer, partiellement ou totalement, à la fonction respiratoire défaillante pendant une durée qui varie de quelques minutes à plusieurs semaines. L'origine de la défaillance respiratoire conditionne beaucoup les modalités de l'assistance respiratoire.

L'assistance respiratoire est dite :
• invasive : avec prothèse endotrachéale (sonde d'intubation).
• ou non invasive (VNI) : avec un masque naso-buccal étanche, nécessitant un patient coopérant qui a une respiration spontanée. Cette méthode est indiquée dans le BPCO et l'OAP.

Depuis l’utilisation des "poumons d’acier" au début du XXème siècle, la technologie des respirateurs mécaniques a progressée durant des décennies en suivant l’évolution scientifique en médecine et en électronique. Actuellement, nous disposons d’appareils de plus en plus modernes, compacts et sophistiqués pour usage en réanimation, en pédiatrie et en anesthésie. Ils ont incorporé une multitude de modes de ventilation et des capacités de surveillance avancées.

L’utilisation de ces respirateurs est devenue courante en médecine d’urgence et implique la nécessité d’une bonne formation des médecins et du personnel soignant. La connaissance parfaite, de la physiologie respiratoire et des différents modes ventilatoires utilisables, est primordiale pour assurer la sécurité du patient.
Nous décrivons ici les notions de base de respiration artificielle et seulement dans le cadre de la pratique quotidienne en médecine d’urgence.

I. LE CYCLE RESPIRATOIRE PHYSIOLOGIQUE :
On distingue quatre phases dans un cycle respiratoire physiologique :

  1. L'inspiration, qui est active par l’intermédiaire des muscles thoraciques et l’abaissement du diaphragme qui provoquent une pression négative intra pleurale permettant à l'air de pénétrer dans les alvéoles.
  2. Le passage de l'inspiration à l'expiration,
  3. L'expiration, qui est passive par l'élasticité naturelle de la cage thoracique. La pression de fin d'expiration dans les alvéoles est normalement la même que la pression atmosphérique.
  4. Le passage de l'expiration à l'inspiration.

La fréquence respiratoire normale d’un adulte se situe entre 12 et 20 cycles/minute, elle est plus rapide chez le nourrisson.

II. DÉFINITIONS :

 DÉFINITIONS ET PARAMÈTRES​  
 VC (ou Vt)  Volume courant (Tidal volume) : volume d’air inspiré ou expiré à chaque cycle respiratoire   8 – 10 ml/kg (par rapport au poids idéal) (Adulte 0,5 à 1 litre), 6-8 ml/kg si SDRA. Un volume trop élevé provoque un risque d'hyperinflation, un volume trop bas provoque une atélectasie
 FR  Fréquence respiratoire (en cycle par minute) 

Variable selon l’âge (Adulte : 12 à 20 cycles/min ou plus)

En cas d’hypocapnie, on diminue la fréquence respiratoire, en cas d’hypercapnie on augmente la fréquence respiratoire. 

 V  Débit ventilatoire ou débit de pointe, en litre/minute   V = Vt x FR
 FiO2  Concentration fractionnelle d'oxygène dans l’air inspirée   Varie de 21 à 100% d’oxygène, initialement fixée à 1 (100%) puis entre 40 et 60% en fonction de la SpO2

 I/E

I:E

 C'est la valeur du temps inspiratoire (I) divisée par celle du temps expiratoire (E)   En général ½
1/3 dans l’asthme et BPCO
 PEP  Pression expiratoire positive, c'est une pression résiduelle maintenue dans les voies aériennes pendant l'expiration. Avantages : En maintenant ouvertes certaines alvéoles en fin d'expiration, elle permet : - une augmentation du recrutement alvéolaire - une limitation du risque d'atélectasies en maintenant les alvéoles ouvertes. - une augmentation de la capacité résiduelle fonctionnelle (C.R.F.). - une amélioration possible de la compliance thoraco-pulmonaire.  Variable de 0 à 20 cmH2O. À adapter progressivement entre 5 à 15 cmH2O. Inconvénients : - Retentissement hémodynamique (diminution du débit cardiaque et du retour veineux) - Augmentation du risque de barotraumatisme
 AI  Aide inspiratoire : consiste à assister chaque cycle spontané du patient par un niveau de pression prédéterminé   AI : 7 à 10 cmH2O
Pins Max Pression maximale d’insufflation à ne pas dépasser. L'alarme signe une sonde bouchée ou coudée, bronchospasme, pneumothorax, intubation sélective.  Environ 10 cmH2O au dessus de celle mesurée.
Pins Min Pression minimale dans les voies respiratoires. L'alarme signe une fuite ou un débranchement.  Environ 10 cmH2O en dessous de celle mesurée.

 III. INDICATIONS DE LA VENTILATION MÉCANIQUE :

L’objectif de la ventilation assistée est de réduire le travail ventilatoire et d’améliorer une hypoxémie ou une hypercapnie mettant en jeu le pronostic vital.
Les indications d’intubation et de ventilation mécanique invasive sont :

  • au cours de l’anesthésie générale,
  • survenue d’apnée ou d’arrêt cardiorespiratoire,
  • insuffisance respiratoire aigue ne répondant pas à l’oxygénation non invasive, hypoxémie sévère,
  • apparition de signes d’épuisement musculaire ventilatoire : tachypnée > 35 cycles/min ou bradypnée <10 cycles/min, signes de lutte (tirage, ventilation abdominale paradoxale),
  • coma avec un score de Glasgow < 9,
  • un état de choc grave ne réagissant pas rapidement au traitement symptomatique et étiologique du choc.

IV) DIFFÉRENTS TYPES D'APPAREILS :

1. Les ventilateurs pneumatiques dits de transport :

Permettent uniquement la réalisation d'une ventilation contrôlée (VC). L'avantage de ces respirateurs réside dans leur ergonomie et leur coût relativement faible (selon les options le prix varie de 3000 à 5000 €). Facilement utilisables dans les services d'urgence et pour le transport des malades mais ils ne sont pas recommandés dans certaines pathologies (SDRA, asthme aigu grave, etc.).

Les paramètres à régler sont : la fréquence respiratoire FR, la FIO2 (60% ou 100%) et le volume courant Vt. Ces appareils permettent aussi de régler la PEP, l'aide inspiratoire (AI) et les niveaux d'alarmes pour pressions maximales et minimales.
Les appareils modernes permettent la ventilation non invasives VNI, certains appareils anciens ne sont pas adaptés à ce mode de ventilation. En pédiatrie, il existe des appareils spécifiques.

Le poids de l’appareil varie en moyenne de 3 à 5 kg. La batterie, si elle existe, n’est pas nécessaire pour le fonctionnement mais pour l’affichage et pour l’alarme sonore.
N’utilisez pas l'appareil pendant un examen IRM (imagerie par résonance magnétique) sauf s'il porte la mention «compatible IRM».

2. Les ventilateurs de réanimation :
Sont plus performants, offrent plus de sécurité pour le malade mais encombrants, coûteux (plus de 10.000 €), nécessitent une source d'énergie 220V et un apport d'air et d'oxygène. L'écran affiche les paramètres de ventilation, les alarmes et courbes de ventilation. Ces respirateurs permettent plusieurs modes de ventilation assistée. Le médecin est appelé à régler les paramètres et d'adapter les niveaux d'alarme.

Les respirateurs d'anesthésie sont différents et destinés à l'utilisation en bloc opératoire.

V. PRINCIPALES TECHNIQUES DE VENTILATION :

1/ VENTILATION CONTRÔLÉE (VC) :

C'est le mode ventilatoire le plus simple et le plus utilisé en médecine d'urgence et en situations aigues. La totalité du support ventilatoire est fournit par le ventilateur. Le patient ventilé n'a aucune participation active «Il est l’esclave de la machine».

  • Indications : toutes les détresses respiratoires aiguës (d'origine périphérique ou centrale). C’est le mode initial généralement choisi au début de la réanimation.
  • Limites : en dehors de l’arrêt cardio-pulmonaire, le recours à une sédation profonde voire à une curarisation est nécessaire pour avoir une synchronisation entre la délivrance des cycles ventilatoires et les efforts inspiratoires du patient.
  • Réglage : c'est le médecin qui détermine les paramètres fondamentaux du cycle :

- Volume courant (VC) : 8 à 10 ml/kg (en fonction du poids idéal relatif à la taille),
- Débit inspiratoire (V) : 60 à 80 L/min
- Fréquence respiratoire (FR) : 12 à 20 cycles/min ou plus
- Concentration fractionnelle de l'oxygène (FiO2) 

- le niveau de pression expiratoire positive (PEP).
- Le réglage du rapport I/E est important dans certaines pathologies (comme l'asthme et le BPCO).

2/ VENTILATION ASSISTÉE :

Plusieurs modalités d'assistance ventilatoires existent.

  • Modes ventilatoires en volume : l’opérateur prescrit un volume donné Vt qui est administré à un débit donné V. Ces modes ont l’avantage d’une grande sécurité puisque le volume courant prescrit ne peut jamais être dépassé. Ils sont adaptés aux situations aiguës en réanimation ou en anesthésie. En revanche, ils sont peu adaptés au sevrage.
  • Modes ventilatoires en pression : l’opérateur règle un objectif de pression positive. Le gradient de pression entre la pression positive appliquée au niveau des voies aériennes et la pression régnant dans les alvéoles va générer un débit.

a) Modes ventilatoires en volume (VAC et VACI) :
Ils permettent au patient de déclencher, à son propre rythme, l'insufflation d'un volume courant, dont les caractéristiques sont préréglées, tout en assurant une fréquence minimale. Ils facilitent l'adaptation du patient au ventilateur et permettent d'optimiser les échanges gazeux.

Le volume courant est préréglé et administré selon deux modes :

1- Ventilation assistée contrôlée ou VAC :
C’est le mode les plus utilisé. À chaque demande du patient (inspiration) le ventilateur insuffle un volume courant fixe, le ventilateur assure une fréquence minimale en deçà de laquelle le respirateur passe automatiquement en mode contrôlé.

  • Réglage : volume courant insufflé, fréquence minimale de sécurité. La pression moyenne intra-alvéolaire doit être < 30 cmH20.
  • Indications : patients ne nécessitant pas de sédation profonde et qui conservent une part de ventilation spontanée.
  • Inconvénients : risque d'hyper ou d'hypoventilation.

2- Ventilation assistée contrôlée intermittente ou VACI :
Mode de ventilation associant obligatoirement une ventilation assistée contrôlée périodique (dont Vt et FR sont préréglés) et une ventilation spontanée du patient entre les cycles assistés. Le patient est insufflé de manière intermittente en alternance avec des cycles spontanés. Si le patient ne respire plus spontanément le ventilateur passe en mode contrôlé avec le même volume courant et à la fréquence affichée.

  • Réglage : le même que la VAC mais la fréquence minimale est plus basse. Il est recommandé de supprimer le plateau de fin d'insufflation pour ne pas gêner l'éventuel début d'un cycle spontané suivant.
  • Avantage : méthode douce et confortable de sevrage.
  • Indications : sevrage de ventilation mécanique, particulièrement dans les insuffisances respiratoires chroniques.

b) Modes ventilatoires en pression : VS avec aide inspiratoire (AI) :
L'aide inspiratoire est particulièrement utilisée pour le sevrage ventilatoire. Chaque cycle est déclenché par le patient qui est assisté par une pression délivrée en plateau jusqu' à la fin de l'inspiration ce qui réduit son effort et son travail respiratoire et améliore les échanges gazeux.

  • Réglages : Le niveau d'AI peut varier considérablement en fonction de la pathologie et de l'état d'avancement du sevrage de 5 à 30 cmH2O. Le seuil de déclenchement est légèrement en dessous des performances du patient. Il est indispensable de régler un certain nombre d'alarmes de sécurité (Vt bas et/ou FR élevée) qui permettent d'alerter quand le niveau de pression inspiratoire appliqué n'est plus adéquat. La mise à contribution visible des muscles respiratoires accessoires est un bon témoin d'un niveau AI insuffisant.
  • Limites : l'efficacité dépend de l'existence d'un certain niveau des centres respiratoires. Le volume courant n’est pas contrôlé et risque d'être variable.
  • Indications : ventilation non invasive VNI dans les insuffisances respiratoires chroniques peu décompensées et non hypercapniques.

c) Ventilation spontanée avec pression expiratoire positive (VS - PEP) :
Le patient respire spontanément avec un niveau constant de pression positive au cours de l'inspiration et de l'expiration.

  • Indications : traitement des patients hypoxémiques conservant une ventilation spontanée. Elle peut aussi être utilisée en ventilation non invasive VNI. Elle est contre indiquée en cas des maladies neuro-musculaires.
  • Réglage : seuil de déclenchement du trigger, PEP, FR, et Vt.

VI. SURVEILLANCE :
Un patient sous ventilation assistée doit être sous surveillance médicale stricte. Il est nécessaire de surveiller de façon régulière:

  • L'adaptation du patient à sa machine, la symétrie de la ventilation,
  • La conscience, l'oxymètre de pouls SpO2, les gaz du sang, l'état hémodynamique, le rythme cardiaque sous scope. Une radiographie thoracique doit être réalisée chaque fois que c'est nécessaire.
  • Les alarmes de volume et de pression qui peuvent précocement prévenir d'un débranchement, d’une fuite du respirateur, d’une coudure ou d’une obstruction (bouchon de sécrétions bronchiques).
  • Les alarmes sont utiles pour contrôler une éventuelle augmentation indésirable de pression ou de volume, une fuite d’air, un arrêt de courant, une baisse de la ventilation/min ou un défaut de cycle.
  • En cas d'utilisation d'un échangeur thermique (filtre d'humidification et filtre antibactérien à usage unique) il faut le remplacer s'il est bouché par les secrétions et toutes les 24 heures.
  • Le circuit patient doit être lavé et désinfecté entre chaque utilisation.

VII. INCIDENTS ET ACCIDENTS :

  • L'alcalose gazeuse est le plus souvent bénigne, ne nécessitant qu'une modification des paramètres ventilatoires.
  • Les complications mécaniques peuvent être redoutables et se traduisent par une désadaptation brutale, des sueurs, une cyanose. Il peut s'agir d’une fuite du respirateur ou du circuit, d'un débranchement accidentel, d’une obstruction qui se traduit par une augmentation brutale des pressions.
  • La PEP peut se compliquer d’une hypotension, de pneumothorax ou d’un pneumomédiastin.
  • Les risques d'embolie pulmonaire nécessitent un traitement anticoagulant préventif (HBPM).
  • Les complications infectieuses ont pour origine la sonde d'intubation, les sondes d'aspiration ou le respirateur en dépit de l'usage de filtres antibactériens.
  • Le collapsus de réventilation est le plus souvent transitoire et répond bien au remplissage voire aux sympathomimétiques. Cependant, en cas de doute, l'exploration hémodynamique s'impose pour éliminer une étiologie infectieuse, hypovolémique on cardiogénique.
  • Des troubles du rythme peuvent s'observer lors des déséquilibres acido basiques ou hydro éléctrolytiques.

VIII. SEVRAGE ET EXTUBATION :
Lorsque l'état hémodynamique et respiratoire s'améliore, le sevrage peut être envisagé.
Chez un malade préparé psychologiquement, aspiré régulièrement, assis ou demi assis chez qui les sédatifs ont été interrompus depuis suffisamment longtemps:

  • de façon progressive par période courte;
  • sous contrôle clinique, monitorage sous scope et surveillance de la SpO2.
  • les aspirations doivent être complètes et soigneuses.
  • la sonde d'aspiration est glissée dans la sonde d'intubation et toutes les deux sont retirées après avoir dégonflé le ballon, lors d'une aspiration forcée.

IX. CHOIX DU MODE D'ASSISTANCE RESPIRATOIRE :

  • Malade en apnée (arrêt cardio-respiratoire), insuffisance respiratoire aiguë : ventilation contrôlée VC
  • Asthme grave : ventilation mécanique seulement en cas d’échec du traitement médical bien conduit ou d’emblée lorsque la situation est grave (épuisement musculaire, bradypnée, collapsus ou troubles de la conscience). Réglage du respirateur : fréquence respiratoire >14 cycles/min, débit d’insufflation à 60-80 L/min, volume courant de 6 à 8 ml/kg, PEP doit être maintenue ≤ 5 cmH2O [6].
  • OAP cardiogénique : la ventilation non invasive (VNI) par masque facial en pression positive télé-expiratoire (VS-PEP ou CPAP de Boussignac) est très efficace et peut éviter l'intubation. Elle est de recours, en absence de contre indications, en cas de persistance de l'hypoxémie. Le niveau de PEP est habituellement entre 7,5 et 10 cmH2O.
  • Décompensations de BPCO : le mode VS-AI-PEP est recommandé avec acidose respiratoire et pH <7,35. La VS-PEP ne doit pas être utilisée. Intubation orotrachéale et ventilation mécanique en cas de signes de gravité (Réglage VT <10 ml/kg, fréquence basse 10 à 12 c/min et rapport I/E de 1/3 à 1/4) [5].

Lisez notre article en liaison : Dyspnée et oxygénothérapie aux urgences

BIBLIOGRAPHIE :

  1. A EGHIAIAN et al. : Socle de connaissances sur les respirateurs (réanimation et urgences) et les machines d’anesthésie. Formation Référent Matériel Anesthésie Réanimation, 2015, SFAR
  2. A. DEMOULE, J. DELEMAZURE : Aspects techniques et pratiques de la ventilation mécanique. EMC - Pneumologie, Volume 15 > n°3, juillet 2018
  3. T. DESMETTRE et al. : Quel mode ventilatoire pour quelle détresse respiratoire ? Conférence urgences 2013, SFMU
  4. TÀI PHAM et al. : Mechanical Ventilation: State of the Art. Mayo Clin Proc. September 2017;92(9):1382-1400
  5. SPLF : Prise en charge des exacerbations aiguës de la maladie pulmonaire obstructive chronique. Revue des Maladies Respiratoires. Volume 34, n° 4, avril 2017, pages 282-322,
  6. SFMU, SRLF : Prise en charge de l’exacerbation sévère d’asthme. Recommandations formalisées d’experts communes 2018.

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