Cas cliniques

Cas cliniques - Questions d'examen

Une jeune fille de 25 ans est amenée aux urgences par sa mère suite à une céphalée aiguë en casque d’apparition brutale, survenue il y a quelques heures, suivie de nausée et d’agitation.

A l’anamnèse :

Absence d’antécédents pathologiques notables
Absence de contexte traumatique ou toxique
Notion de conflit familial récent.

L’examen clinique constate :

Un état confusionnel avec agitation et mutisme.
L’absence de signes méningés
L’examen cardio-pulmonaire est normal.
L’absence de fièvre
Une TA à 120/70 mm Hg

Quel est votre diagnostic ? Crise d'hystérie ?


Un TDM cérébral a été demandé:

Le scanner chez cette patiente révélait l’existence de «foyer œdèmato-hémorragique temporo-pariétal gauche de 6x3x4,5 cm; exerçant un effet de masse sur le ventricule latéral gauche avec déviation non significative de la ligne médiane». Il s’agissait d’un anévrisme rompu.

Commentaire:

Devant toute céphalée aiguë il faut commencer par une analyse sémiologique et un examen clinique minutieux :

  • Préciser les antécédents, les caractéristiques de la douleur, le mode d’installation, l’intensité, la localisation, les signes accompagnateurs.
  • Rechercher: une fièvre, un traumatisme crânien ou cervical, une ponction lombaire ou une rachianesthésie récente, une intoxication aiguë ou chronique (monoxyde de carbone CO, cannabis, cocaïne, héroïne, médicaments). Rechercher aussi une sinusite, une artérite de Horton, un glaucome, ou une phlébite.
  • A distinguer 2 types :

> Les céphalées primaires  qui sont fréquentes et souvent chroniques : les migraines, les céphalées de tension, les algies vasculaires de la face et les céphalées chroniques quotidiennes.

> Les céphalées secondaires  qui sont  le plus souvent d'installation récente, décrites par le patient comme inhabituelles. Une céphalée récente brutale et violente nécessite la recherche étiologique en urgence.

  • Le scanner cérébral sans injection est indiqué en urgence devant toute céphalée intense, récente, d’installation brutale ou progressive, inhabituelle et persistante.
  • La ponction lombaire avec l’épreuve de 3 verres et la recherche de pigments biliaires (produits de dégradation de l'hémoglobine) sera pratiquée quand le scanner est normal.

L’hémorragie méningée :

L’hémorragie méningée est un épanchement sanguin dans les espaces sous arachnoïdiens, la rupture d’un anévrisme artériel intracrânien est la cause la plus fréquente. La céphalée représente parfois le seul signe clinique. Les signes méningés peuvent n'apparaître qu'après quelques heures. Les troubles de la conscience sont corrélés à l'importance de l'hémorragie.

Au début : 
Une fois sur deux, la rupture d'anévrisme est précédée dans les jours ou dans les semaines précédentes d'une céphalée en «coup de tonnerre».
- Dans la forme typique : Céphalée brutale, intense, accompagnée ou non de nausée, vomissements, vertiges ou acouphènes. L’examen clinique à ce stade peut être négatif.
- Dans les formes atypiques : confusion mentale pouvant simuler un trouble psychiatrique. On peut observer parfois des convulsions.
- Dans les formes graves : coma profond d’emblée.

24 – 48 h après :

- Troubles de la conscience : agitation ou somnolence,
- Syndrome méningésigne de Babinski positifsignes de localisation (paralysie du nerf oculomoteur commun, hémiparésie, aphasie, hémianopsie latérale homonyme)
- Troubles neuro-végétatifs : élévation de la tension artérielle et/ou fébricule.
A ce stade le fond d’œil révèle un œdème papillaire qui signe l’hypertension intracrânienne.

Diagnostic positif :

- Le scanner cérébral sans injection de produit de contraste : montre une hémorragie ou un hématome. L’anévrisme n’est visible que lorsqu’il est calcifié ou géant. Le scanner peut être normal dans les premières heures !
- La ponction lombaire, pratiquée si TDM négatif : trouve un LCR rouge, rose ou xanthochromique, ne coagulant pas dans le 3ème tube (épreuve de 3 verres), avec recherche systématique de pigments biliaires. La PL négative élimine l’hémorragie méningée.

 

CAS CLINIQUE :

Il s’agit d’un homme âgé de 62 ans, ayant pour antécédents :

  • Diabète type II, depuis 20 ans, sous antidiabétiques oraux.
  • Amputé il y a 7 ans de la jambe droite pour artérite.
  • Insuffisance cardiaque globale sur myocardiopathie suivie en cardiologie. Dyspnée d’effort depuis 6 mois.
  • Une échographie cardiaque faite il y a 3 jours montrait une myocardiopathie dilatée, HTAP sévère (85 mmHg), bas débit cardiaque et épanchement péricardique minime.

Consulte aux urgences pour douleur abdominale aigue depuis quelques heures, diffuse mais surtout à la région sous ombilicale avec des nausées vomissements.

A l’examen clinique:
Température = 37°3 C - TA= 13/9 - Pouls = 100 régulier.
Des râles crépitants aux bases, Œdème du pied gauche.
L’abdomen est ballonné avec une défense à l’étage sous ombilicale.
Les orifices herniaires libres. 
TR = non douloureux, doigtier souillé de matières fécales, pas de sang, pas de masse palpable.

Examens complémentaires :
- ECG: rythme régulier sinusal, BBGC avec quelques ESV monomorphes
- Radiographie du thorax: gros cœur et comblement des culs de sac.
- Radiographie de l’abdomen : quelques niveaux hydro aériques, type iléus paralytique.
- NFS : GB = 25300 - Hb = 14,9
- Glycémie = 13 mmol/l - Urée = 18,9 - Créatininémie = 122 – Ionogramme : Na = 123, K = 2,9 
- CPK = 81 - LDH = 548 - SGOT = 16 - SGPT = 22 – Troponine = 0
- Amylasémie = 59 - Amylasurie = 199
- Leucocyturie = 20 - Hématurie < 1

Échographie abdominale :
L’examen a été très gêné par la distension digestive. Stase gastrique importante. Distension liquidienne colique. Lame d’épanchement en intra anse. Épanchement pleural bilatéral. 

Conclusion : Il s’agit d’un patient âgé de 62 ans, ayant une cardiopathie, diabétique, artéritique. Douleur abdominale et signes sub-occlusifs, sans fièvre. L’ECG et les enzymes éliminent un syndrome coronarien aigu. L’échographie n’est pas concluante mais oriente vers une distension gastrique et colique.

  1. Quel est votre diagnostic ?
  2. Quel examen(s) complémentaire(s) nécessaire(s) pour le diagnostic ?
  3. Quel traitement en urgence ?

Cliquez suivant pour voir le diagnostic


Diagnostic le plus probable :
Devant une douleur abdominale aigue il faut éliminer toutes les urgences médicales (IDM, …) et toutes les urgences chirurgicales (Pancréatite, Occlusion intestinale, Dissection de l’aorte abdominale ….).

Un infarctus mésentérique est très suspecté chez ce malade.

  • Examen utile pour le diagnostic :
    Angio-scanner abdomino-pelvien
  • Traitement :
    L'intervention confirmera le diagnostic et le chirurgien pratiquera l'ablation de la partie nécrosée de l'intestin, en essayant d'être conservateur le plus possible.

ISCHEMIE MESENTERIQUE AIGUË :
Il s'agit d'une urgence médico-chirurgicale peu fréquente mais grave, responsable d’un pourcentage élevé de mortalité en rapport avec le retard de diagnostic.

Terrain : en général, l'infarctus mésentérique survient chez des sujets âgés de plus de 50 ans, ayant le plus souvent des antécédents vasculaires, cardiaques ou thrombo-emboliques.

C'est un accident brutal qui se manifeste par des douleurs abdominales violentes sus ou sous-ombilicales. Ces douleurs diffusent rapidement à tout l'abdomen. La douleur intense est continue, sans irradiation, sans facteur déclenchant ni calmant. Cette douleur s'accompagne parfois de vomissements, d'un arrêt des matières et des gaz, voire parfois d'une diarrhée sanglante. La température est normale. Un état de choc avec chute de la tension artérielle est fréquent au stade irréversible des lésions. Il existe un météorisme abdominal.

  • Etiologies :
    Les cardiopathies emboligènes (arythmie complète, fibrillation auriculaire).
    La thrombose artérielle.
    Un hématome disséquent d'une plaque athéromateuse, anévrisme ou dissection de l’aorte.
    Secondaire à une cause infectieuse (appendicite, cholécystite), à une maladie de VAQUEZ, une polyglobulie, la prise d'oestroprogestatifs (pilule), un obstacle mécanique (hypertension portale, obstacle néoplasique: cancer).
    Favorisée par un bas débit splanchnique secondaire à des troubles hémodynamiques locaux ou généraux (état de choc, certains médicaments: digitaliques, corticoïdes). 
  • Diagnostic différentiel :
    Toutes les urgences abdominales, en particulier : Pancréatite, Dissection de l’aorte abdominale.
  • Diagnostic:
    Les signes cliniques sont souvent trompeurs et seul le scanner permettra le diagnostic de certitude. L'injection de produits opaques est nécessaire même en présence de contre-indications (allergie ou insuffisance rénale) à cause du risque vital.
  • Le dosage de lactates, D-dimère et autres analyses biologiques n'ont aucun intérêt pour le diagnostic.

BIBLIOGRAPHIE :

- SRLF : Conduite à tenir devant une suspicion d’ischémie mésentérique aiguë, 

- L’ischemie mésentérique aigue (2013) : Association Nationale Française de Formation Continue en Hépato-Gastro-Entérologie

- ALEXANDRE NUZZO et Coll. : Prise en charge moderne des ischémies mésentériques. Presse Med. 2018; 47: 519–530
- KERZMANN A et coll. : L’ischémie mésentérique aiguë. Rev Med Liège 2018; 73 : 5-6 : 300-303
- GAËL PITON : Ischémie mésentérique aigue en réanimation. DESMIR 2018. Diaporama PDF

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Une femme âgée de 65 ans diabétique depuis 15 ans, sous sulfamides hypoglycémiants (Daonil® 3 cp de 5 mg/jour). Un bilan effectué il y a dix jours montrait une glycémie à 16 mmol/L et une créatininémie à 180 µmol/L. Elle a consulté son médecin qui lui a ajouté un Biguanide (Glucophage® 1 cp/jour).
La patiente est amenée aux urgences suite à une asthénie, myalgie diffuse et douleur abdominale qui s’aggravent depuis quelques heures d’après la famille.
L’examen trouve une patiente confuse et agitée (Glasgow à 12), Une TA à 90/50 mmHg, un pouls rapide à 130, une polypnée à 30 cycles/min. La température centrale est à 37 °C. Saturation de l’O2 SpO2 = 85%. Des extrémités froides avec des marbrures.
Il n’existe pas de signes cliniques de déshydratation, absence d’odeur acétonique de l’haleine. La glycémie capillaire est à 2,2 g/L. Une sonde urinaire ramène 50 cc d’urines, glucosurie traces et cétonurie nulle.
L’examen ORL, thoracique, abdominal et neurologique est normal.
L’ECG trouve un rythme sinusal régulier rapide, avec quelques ESV, sans troubles de la repolarisation.

Les résultats des examens biologiques :
Glycémie = 13 mmol/L, Urée = 14 mmol/L, Créatininémie = 231 µmol/L
Ionogramme sanguin : Na = 142 - K = 4,9 - Cl = 99
Gaz du sang : PH = 7,13 - PO2 = 90 mmHg – PCO2 = 31 mmHg – HCO3 = 10,6 mmol/L

Q 1 : Devant ce tableau clinique et biologique, quel est votre diagnostic ?
Q 2 : Quel est la conduite à tenir aux urgences ?

Réponses : Voir la page suivante


Réponse 1 :
La patiente est en état de choc, avec des signes d’acidose métabolique sévère comme en témoignait la chute du PH et des bicarbonates plasmatiques.
Le trou anionique TA = Na – (Cl + HCO3) = 142 – (99 + 10,6) = 32,4 (la valeur normale du TA est de 12 ± 2 mmol/L). Ce trou anionique est en rapport avec l’accumulation d’acide lactique.
La prescription des biguanides chez les diabétiques ayant une créatinémie élevée expose au risque d’acidose lactique.

Réponse 2 :
-Principes du traitement aux urgences :
Les mesures de réanimation générale : assurer une bonne ventilation. Traitement de l'état de choc, Réhydratation et perfusion de bicarbonate, assurer une diurèse suffisante, surveiller de près la patiente et contrôle de l’ionogramme et des gaz du sang.
-Appeler le réanimateur :
Les acidoses lactiques sont de pronostic grave et de traitement délicat, le recours au réanimateur est indispensable.

L’acidose lactique :
-Le diagnostic d’acidose métabolique est porté devant la constatation d’un pH inférieur à 7,35 et d’un taux de bicarbonate inférieur à 22 mmol/L. Sur le plan biologique, les acidoses métaboliques ont en commun la baisse du pH (acidémie) associée à une baisse des bicarbonates plasmatiques et une baisse de la PaCO2 qui traduit la réponse ventilatoire normale.

  • Les causes les plus fréquentes d’acidoses métaboliques organiques sont les acidoses lactiques, les céto-acidoses diabétiques et l’insuffisance rénale sévère.
  • Les causes les plus fréquentes d’acidoses métaboliques minérales sont les pertes de bicarbonates d’origine digestive (plus rarement rénale) et les rétentions d’HCl ou équivalents métaboliques dont l’origine est généralement exogène.
  • L'élévation de la lactatémie peut être indirectement suspectée devant une élévation du trou anionique plasmatique (TA).
  • L'acidose lactique se définit comme une acidose métabolique avec un pH < 7,35 associée à une hyperlactatémie > 5 mmol/L
  • L'acidose lactique provient du catabolisme anaérobie du glucose :

1. L'hyperproduction survient en cas d’hypoxie tissulaire : les états de choc, l’anémie sévère, l’intoxication à l'oxyde de carbone et certaines tumeurs malignes.
2. Le déficit de la néo-glucogénèse hépatique dans : l’hépatite aiguë, le cirrhose au stade terminal, le foie cardiaque aigu, l’intoxication alcoolique, le jeûne prolongé et la prise de biguanides.

  • Un syndrome douloureux prodromique doit attirer l'attention : douleurs diffuses, crampes musculaires, douleurs abdominales et thoraciques. S'y associent souvent des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées). Puis apparaissent une hyperpnée sans odeur acétonique de l'haleine et des troubles de la conscience variables, allant de l'agitation extrême au coma calme et profond. L'absence de déshydratation est fréquente, en rapport avec l'oligo-anurie précoce. Un collapsus survient précocement, parfois associé à des troubles du rythme cardiaque, secondaires à l'acidose et à l'hyperkaliémie.

Précautions de prescription des biguanides :

  • Les biguanides (metformine) inhibent la néoglucogénèse hépatique et rénale, en même temps qu'ils provoquent une hyper-production de lactates par l'intestin. D’élimination rénale, ils s’accumulent à l'occasion d'une insuffisance rénale.
  • La prescription des biguanides est formellement contre indiquée en cas d'insuffisance rénale (clairance de la créatine inférieure à 50 ml/mn), d'insuffisance hépatique, d'insuffisance cardiaque, d'athérosclérose sévère et d'alcoolisme.
  • Les biguanides doivent être interrompus au moins 2 jours avant une anesthésie générale ou une intervention chirurgicale et dans toute situation susceptible d'entraîner une insuffisance rénale, tel en particulier que le passage intra-vasculaire de produit iodé (artériographie, scanner avec injection, urographie intra-veineuse, etc...).
  • Il faut penser au risque d'insuffisance rénale aiguë lors de la prescription chez un diabétique traité par biguanides, d'un diurétique, d'un anti-inflammatoire non stéroïdien ou d'un inhibiteur de l'enzyme de conversion ou surtout lors de l'association de ces médicaments.
  • Les biguanides doivent être interrompus immédiatement lors de la survenue inopinée d'une quelconque agression aiguë (infarctus du myocarde, infection sévère, déshydratation...) qui impose le plus souvent le recours temporaire à l'insuline.

Recommandations pour le traitement :

  • Le pronostic d'une acidose métabolique dépend beaucoup plus de sa cause que de la valeur du pH. Seules les acidoses métaboliques sévères secondaires à des pertes en bicarbonates (digestives ou rénales), et celles associées à une hyperkaliémie menaçante peuvent justifier d’un traitement alcalinisant.
  • L’alcalinisation par le bicarbonate, préférentiellement isotonique (14 p.1000), est prescrit à la dose 1 à 2 mmol/kg, en perfusion lente (1 à 2 litres en 1 à 2 heures). Le pH est contrôlé 30 minutes après l'arrêt de la perfusion. Le bicarbonate de sodium permet de corriger le pH plasmatique mais tend à augmenter la PCO2 tissulaire et veineuse.
  • L’hyperventilation spontanée doit être respectée, mais peut être difficile à maintenir ou insuffisante en cas de pathologie respiratoire associée. La ventilation mécanique diminue le travail respiratoire et prévient la fatigue diaphragmatique.
  • Une épuration extra-rénale par hémodialyse ou dialyse péritonéale permet une alcalinisation puissante sans surcharge volémique, une élimination de lactates, et une épuration partielle des biguanides. Son utilisation nécessite qu'au préalable soit corrigée la défaillance hémodynamique et que l'élimination du CO2 par le poumon soit assurée. La préférence est donnée au bain au bicarbonate.

Pour en savoir plus :

  • SRLF - SFMU : Acidose métabolique, référentiel 2019
  • efurgences : Complications métaboliques du diabète.
  • ANSM : Acidose lactique et metformine : un risque évitable, 24 - 05 - 2023
  • M. OBERLIN et al. : Hypoglycémie sous metformine : penser acidose lactique. Journal Européen des Urgences et de Réanimation (2017) Elsevier doi.org/10.1016/j.jeurea.2017.01.001
  • FRANÇOIS PILLON, JACQUES BUXERAUD : Acidose lactique sous metformine, un risque à ne pas négliger. Actualités pharmaceutiques 36, n° 524, mars 2013

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CAS CLINIQUE :
C’est un jeune patient de 25 ans sans antécédents connus, qui consulte pour une douleur abdominale depuis 8 heures avec diarrhée, vomissements, myalgie et une fatigue importante. L’examen clinique trouve une tachycardie à 110/min, une hypotension et signes de déshydratation. Abdomen souple et ECG normal. Le patient rapporte la cause à un sandwich qu’il a mangé la veille.
Le bilan biologique montre une natrémie à 128 mmol/L, une kaliémie à 5,4 mmol/L et une glycémie à 0,65 g/L.
L’interne de garde pense à une gastroentérite aiguë avec déshydratation et demande votre avis. Pouvez vous aidez ce jeune médecin ?

  1. Quel est votre diagnostic et sur quels arguments cliniques et biologiques ?
  2. Quel examens complémentaires à demander ?
  3. Quelle est votre conduite thérapeutique en urgence ?

D’abord se rappeler de deux règles d’or :

1- Le patient rapporte souvent une cause déclenchant sa maladie : un traumatisme, un stress, un effort physique, une prise alimentaire, .... etc. Il a peut être raison mais il ne faut jamais se fier à ses paroles. Ses déclarations peuvent vous emmener parfois en bateau.
2- Le vrai diagnostic n’est pas celui qui saute aux yeux en premier, il peut y avoir un piège, toujours discuter "les" diagnostics différentiels.

1/ LE DIAGNOSTIC À ÉVOQUER EST UNE INSUFFISANCE SURRÉNALIENNE AIGUË.
Arguments cliniques :

  • Douleur abdominale récente
  • Nausées, vomissements
  • Diarrhée
  • Douleur musculaire et fatigue intense [l’hypotonie musculaire est un signe très important et peut confiner le patient au lit]
  • Déshydratation extracellulaire et hypotension artérielle [peut varier d’une simple hypotension orthostatique à un état de choc hypovolémique dans les formes graves]
  • Dans certains cas on peut observer des convulsions ou coma en cas d’hypoglycémie sévère. Il faut rechercher aussi une hyperthermie [avec ou sans infection +++].
  • A remarquer que les signes cutanées existent seulement dans les formes chroniques : pigmentation de la peau et de la muqueuse buccale (mélanodermie) dans l’insuffisance surrénale primaire (ou maladie d’Addison) et pâleur dans l’insuffisance surrénale haute (corticotrope).
  • Demandez au patient s'il est sous corticoïdes et s'il a arrêté son traitement de façon brutale.

Arguments biologiques :

  • Hyponatrémie < 130 mmol/L +++ [avec une natriurèse >20 mmol/L]
  • Hyperkaliémie > 5 mmol/L +++
  • Hypoglycémie < 0,7 g/L ou < 4 mmol/L
  • On peut trouver également une insuffisance rénale fonctionnelle.

Les autres examens complémentaires à demander :
Dans ce contexte un bilan biologique large est nécessaire pour estimer la gravité et pour rechercher une éventuelle étiologie. Deux examens ne sont pas disponibles aux urgences mais leur réalisation ne doit pas retarder le traitement. À faire les prélèvements et les garder au frigo pour analyse dès que possible :
- Dosage du CORTISOL : une cortisolémie basse signe le diagnostic d'insuffisance surrénalienne. +++
- Dosage de l'ACTH : très élevée dans l'insuffisance surrénale primitive, normale ou basse dans l'insuffisance corticotrope.
À distance, on complétera les explorations par un test au Synacthène® et par dosage de la rénine et de l'aldostérone.

3/ CONDUITE THÉRAPEUTIQUE AUX URGENCES :

  • À domicile : Administration de 100 mg d'hydrocortisone IV ou IM ou à défaut en SC puis transport médicalisé à l’hôpital.
  • En milieu hospitalier : Patient en salle de soins intensifs avec surveillance en permanence des paramètres vitaux;

Remplissage par NaCl 0,9% 500 ml en 15 minutes, à renouveler si besoin [et drogues vasopressives immédiatement si hypotension engageant le pronostic vital];
– Perfusion NaCl 0,9 % 1 litre IV la première heure, puis adapter en fonction de l'état d'hydratation, de la glycémie, de la kaliémie et de la reprise ou non des apports oraux;
– Si hypoglycémie : Glucose 30% deux ampoules en IV bolus (20 ml), à renouveler au besoin 5 à 10 minutes après.
* Hydrocortisone :
– Une dose initiale de 100 mg en IV ou IM (ou, à défaut, en SC)
– 100 mg par 24 heures en perfusion IV continue par seringue électrique auto-pousseuse PSE (à défaut 50 mg en IV ou IM toutes les 6 heures)
– après correction de l'état clinique, hémodynamique et des troubles électrolytiques, retour au traitement par hydrocortisone per os en triplant la dose habituelle (au minimum 60 mg/24 heures) et en répartissant le traitement en trois ou quatre prises (dont une prise vespérale), puis diminution progressive en quelques jours pour revenir aux doses habituelles.
* Chez les patients avec insuffisance surrénale primaire, reprendre la Fludrocortisone lorsque les doses d'hydrocortisone sont inférieures à 50 mg par jour.
*Traiter le facteur déclenchant (++).
* Effectuer un bilan étiologique si l'insuffisance surrénale n'était pas connue.

POINTS CLÉS À RETENIR :
L'insuffisance surrénale aiguë ISA (en anglais Adrenal cirisis ou Addisonian crisis) correspond à un déficit de production des hormones cortico-surrénaliennes : CORTISOL (glucocorticoïde) et ALDOSTÉRONE (minéralocorticoïde). Le défaut de synthèse est d'origine périphérique (atteinte primitive des surrénales) ou centrale (atteinte secondaire de l'axe hypothalamo-hypophysaire).
L’ISA peut être inaugurale ou survenir chez un patient ayant déjà une insuffisance surrénalienne lente. Les facteurs déclenchant les plus fréquents sont n'importe quelle pathologie intercurrente (vomissements, diarrhées, infections, fracture, infarctus du myocarde, intervention chirurgicale, anesthésie, acte diagnostique invasif, effort physique important, stress psychologique intense, etc.).

C’est une maladie rare mais grave, le pronostic vital est en jeu si on n’instaure pas le traitement rapidement.
Tableau clinique et biologique :
– Asthénie majeure, douleurs diffuses (céphalées, douleurs abdominales), vomissements, diarrhée, déshydratation extracellulaire, hypotension évoluant vers le collapsus, confusion, signes d'hypoglycémie, mélanodermie (inconstante), etc. ;
– Hyponatrémie par perte de sel, hyperkaliémie, hypoglycémie, hémoconcentration, insuffisance rénale fonctionnelle ;
En cas de cause haute, plus rare : pas de mélanodermie ni de perte de sel ni d'hyperkaliémie.
– Le traitement doit commencer en urgence;
– Prélever le cortisol si crise inaugurale mais ne pas en attendre les résultats;
– Hydrocortisone : 200 à 300 mg par 24 heures en IV;
– Corriger l'hémodynamique et les troubles hydroélectrolytiques;
– Rechercher et traiter le facteur déclenchant;
– Effectuer un bilan étiologique si l'insuffisance surrénale n'était pas connue;
– Éducation du patient : une carte d'insuffisance surrénale et, éventuellement, un bracelet ou un collier d'alerte; des comprimés d'hydrocortisone et, si déficit en minéralocorticoïdes, de fludrocortisone; une boîte d'hydrocortisone injectable et le matériel pour l'injection; les recommandations d'urgence en langue étrangère si voyage;

POUR EN SAVOIR PLUS :

  • Société française d’endocrinologie SFE : Insuffisance surrénale chez l'adulte et l'enfant 
  • Orphanet (mise à jour 2019) : Insuffisance surrénale (en PDF) 
  • Wiebke Arl, Society for endocrinology endocrine emergency guidance : Emergency management of acute adrenal insufficiency (adrenal crisis) in adult patients. Endocr Connect. 2016 Sep; 5(5): G1–G3.
  • C. Jublanc, E. Bruckert : L’insuffisance surrénalienne chez l’adulte, La Revue de Médecine Interne, Volume 37, Issue 12, 2016, 820-826

© 2017 -  2019 : efurgences

CAS CLINIQUE :

L'enfant M.S., âgé de 7 ans, a chuté d'un arbre sur une broche (tige de fer fixée à la terre).
A l'examen :

- Une plaie de 1 cm environ au flanc abdominal droit, absence de corps étranger visible

- Respiration : normale, Sat O2 = 97%

- Tension artérielle : 8/5 cm Hg - Pouls : 140

- Abdomen souple (!)

- NFS : GB = 3400 - Hb = 17 - Hématocrites = 48%

Radiographie :

Interprétation de la radiographie :

  • Un énorme croissant gazeux sous diaphragmatique droit qui correspond à un pneumopéritoine par perforation digestive
  • Un niveau hydro-aérien à la base thoracique gauche qui correspond à un Hémo-Pneumothorx.

CONCLUSION :

  • Ne jamais suturer une plaie abdominale, si minime qu'elle soit, sans s'assurer de sa bénignité
  • L'examen clinique d'un traumatisé doit être complet et bien conduit.
  • Ne suturez une plaie abdominale qu'après avoir éliminé une lésion viscérale ou thoracique.
  • En pratique, il est presque impossible d'éliminer "cliniquement" des complications intra abdominales .... ou même thoraciques !