PRISE EN CHARGE DES PATIENTS PRÉSENTANT UN TRAUMATISME CRÂNIEN LÉGER DE L’ADULTE,
VERSION septembre 2022.
Société Française de Médecine d’Urgence (SFMU) En association avec la Société Française d’Anesthésie et Réanimation (SFAR)
Le Traumatisme Crânien Léger (TCL) est la résultante d’un transfert d'énergie mécanique reçue par la tête sous l'effet de forces physiques externes. Cette définition inclut, ainsi, les chocs au niveau de la tête, les impacts d’objets au niveau du crâne et les mouvements d’accélération/décélération (i.e. «coup du lapin» par exemple) sans traumatisme direct au niveau du crâne. Il a pour conséquence une perturbation physiologique du fonctionnement cérébral.
En Europe, les traumatismes crâniens représentent plus 2,5 millions de cas chaque année, dont environ 90% sont qualifiés de «légers».
R1 :
- Les experts proposent que les patients victimes d’un traumatisme crânien léger, pour lesquels la régulation médicale est sollicitée, ne soient pas orientés de façon systématique vers une structure des urgences s’ils peuvent être surveillés par une tierce personne en l’absence :
- De trouble de coagulation préexistant (dont un traitement par anticoagulant),
- D’âge > 65 ans ET de traitement par agent(s) antiplaquettaire(s),
- D’intoxication (médicamenteuse, alcool, autre…),
- De symptômes en dehors de céphalées (vomissement, perte de connaissance, amnésie > 30 min, convulsion, déficit focalisé, altération de la vigilance),
- De signe de traumatisme (hématome en lunettes, embarrure, signes de fracture de la base du crâne, hématome mastoïdien).
R2.1
- Les experts proposent de stratifier le risque d'aggravation clinique ou de lésion intracrânienne selon la classification suivante :
• Risque élevé :
o Éléments anamnestiques : § Troubles de l'hémostase : anticoagulants, bithérapie antiplaquettaire ou maladie hémorragique congénitale (hémophilie, maladie de Willebrand...)
o Éléments cliniques : § Signes cliniques évoquant une fracture de la voûte du crâne ou de la base du crâne. § Score de Glasgow inférieur à 15 à 2 heures du traumatisme sans intoxication § Plus d’un épisode de vomissements § Convulsions post-traumatiques § Déficit neurologique focalisé
• Risque intermédiaire :
o Éléments anamnestiques : § Âge supérieur ou égal à 65 ans avec mono-antiagrégation plaquettaire § Score de Glasgow inférieur à 15 à 2 heures du traumatisme avec intoxication § Traumatisme avec une cinétique élevée (Tableau 3)
o Éléments cliniques : § Amnésie des faits survenus plus de 30 min avant le traumatisme
R2.2.1
- Les experts proposent de réaliser un dosage sanguin de la protéine S100 Bêta, lorsque celui-ci est disponible, dans les 3 h suivant le traumatisme crânien léger, chez les patients à risque intermédiaire (cf. R2.1) pour limiter le nombre de scanners cérébraux.
R2.2.2
- Les experts proposent de réaliser un dosage sanguin combinant UCH-L1 et GFAP lorsque ceux-ci sont disponibles, dans 12 heures suivant le traumatisme crânien léger, chez les patients à risque intermédiaire (cf. R2.1) pour limiter le nombre de scanners cérébraux.
Question 2.3 : Quel est le délai optimal de réalisation de la TDM cérébrale pour exclure une lésion intracrânienne ?
R2.4
- Les experts proposent de réaliser une TDM cérébrale le plus précocement possible pour identifier les lésions intracrâniennes significatives, chez les patients présentant un TCL:
• Idéalement dans l’heure suivant l’admission en structures des urgences pour les patients à risque élevé d’aggravation clinique ou de lésion intracrânienne.
• Au plus tard dans les huit heures pour les patients à risque intermédiaire d’aggravation clinique ou de lésion intracrânienne.
Question 2.4 : Quelle est la performance du Doppler transcrânien dans l’évaluation du risque d’aggravation neurologique des patients ?
R2.3 :
- Les experts proposent de réaliser, après un scanner cérébral anormal, un Doppler Transcrânien chez les patients traumatisés crâniens légers pour évaluer le risque d'aggravation neurologique précoce.
Question 2.5 : Parmi les patients présentant une lésion intracrânienne sur la TDM initiale, quels sont ceux qui doivent bénéficier d’une imagerie cérébrale de contrôle dans les 48 premières heures ?
R2.5 :
- Les experts proposent de ne pas réaliser d’imagerie de contrôle aux patients présentant une lésion intracrânienne sur la TDM initiale, en dehors des situations suivantes :
• aggravation neurologique ;
• patient âgé de plus de 65 ans ;
• troubles de l’hémostase, en dehors de la prise d’aspirine seule.
Question 2.6 : Chez un patient traité par anticoagulant oral (AOD, AVK), quelles sont les indications et modalités de réversion de ces thérapeutiques ?
R2.6.1 :
- Les experts proposent de réaliser une réversion immédiate des anti-vitamine K chez les patients présentant une lésion hémorragique intracrânienne objectivée par une imagerie après un traumatisme crânien léger pour limiter le risque d’aggravation neurologique.
R 2.6.2 :
- Les experts proposent de réaliser une réversion immédiate des anticoagulants oraux directs chez les patients présentant une lésion hémorragique intracrânienne objectivée par une imagerie après un traumatisme crânien léger pour limiter le risque d’aggravation neurologique.
R2.6.3 – Les experts proposent de discuter la conduite à tenir de façon collégiale chez les patients porteurs d’une valve cardiaque mécanique.
Question 2.7 : Chez un patient traité par agent antiplaquettaire oral, quelles sont les indications et modalités de neutralisation de cette thérapeutique ?
R2.7 :
- Les experts proposent de ne pas neutraliser l’aspirine chez un patient traité par aspirine avec lésion hémorragique intracrânienne après un traumatisme crânien léger pour limiter le risque d’aggravation neurologique.
Question 2.8 : Quels sont les critères permettant d’envisager le retour à domicile depuis la structure des urgences ?
R2.8 :
- Les experts proposent d’autoriser un retour à domicile des patients depuis la structure des urgences même en présence d’anticoagulants ou d’agents antiplaquettaires si au moins un de ces éléments est présent :
- Le patient est à faible risque de saignement (cf. R2.1)
- Le dosage d’un biomarqueur sérique est négatif
- La TDM initiale ne retrouve pas de saignement
Question 3.1 : Quels sont les patients qui doivent être orientés dans une filière de soins post traumatisme crânien ?
R3.1 :
- Les experts proposent que la persistance de symptômes jugés invalidants par le patient au-delà de 7 jours après le traumatisme doit amener à une évaluation médicale.
Question 3.2 : Quelles modalités d’informations doivent être délivrées aux patients TCL lors de la sortie des urgences ?
R3.2 :
- Les experts proposent que les patients présentant un TCL traité en ambulatoire, et le cas échéant leur entourage, bénéficient d’une information éclairée écrite et orale standardisée sur les motifs devant amener à reconsulter aux urgences dans les 48 heures suivant le retour à domicile.
RECOMMANDATIONS 2016 DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ANESTHÉSIE ET DE RÉANIMATION SFAR.
Prise en charge des traumatises crâniens graves a la phase précoce (24 premières heures)
CONCLUSIONS :
- Il faut évaluer la gravité initiale d’un traumatisé crânien à l’aide de l’échelle de Glasgow (en rapportant obligatoirement sa composante motrice) ainsi que la taille et la réactivité pupillaire.
- Il faut rechercher et traiter les facteurs systémiques d’agression cérébrale secondaire.
- Il faut évaluer la gravité initiale des traumatisés crâniens sur des critères cliniques et radiologiques (tomodensitométrie).
- Un scanner cérébral et du rachis cervical doit être réalisé systématiquement et sans délai, chez tout traumatisé crânien grave (GCS inferieur ou égal à 8), ou modéré (GCS 9-13).
- Chez les patients victimes d’un traumatisme crânien léger (GCS 14-15), un scanner est à demander si : signes de fracture de la base du crâne (rhinorrhée, otorrhée, hémotympan, hématome rétro-auriculaire, hématome périorbitaire), signe d’embarrure, épilepsie post-traumatique, déficit neurologique focal, trouble de la coagulation, présence d’un traitement anticoagulant.
- Il faut probablement évaluer la gravité initiale des traumatisés crâniens à l’aide du Doppler trans-crânien (DTC). Le DTC à l’arrivée à l’hôpital doit faire désormais partie du bilan initial du polytraumatisé, comme tous les examens de débrouillage à l’arrivée (échographie abdominale, radiographies thoracique et du bassin).
Modalités de la prise en charge du traumatisme crânien grave:
- Il faut qu’un traumatisé crânien grave soit pris en charge par une équipe médicale pré- hospitalière, régulé par le SAMU et adressé dès que possible dans un centre spécialisé comportant notamment un plateau technique neurochirurgical.
Il faut probablement maintenir une pression artérielle systolique supérieure à 110 mm Hg avant de disposer d’un monitorage cérébral. - Il faut contrôler la ventilation des traumatisés crâniens graves par une intubation trachéale, une ventilation mécanique et une surveillance du CO2 expiré dès la prise en charge pré-hospitalière.
- Il faut réaliser sans délai une tomodensitométrique (TDM) cérébrale et du rachis cervical (sans injection).
- Il faut probablement faire précocement une exploration des troncs supra-aortiques et des vaisseaux intracrâniens par angio tomodensitométrie chez les patients présentant des facteurs de risque (présence d’une fracture du rachis cervical, examen neurologique avec déficit neurologique focal non expliqué par l'imagerie cérébrale, syndrome de Claude Bernard Horner, fractures faciales Lefort II ou III, fractures de la base du crâne, lésions des tissus mous au niveau du cou).
- Il faut probablement réaliser un drainage ventriculaire externe pour le contrôle de l'hypertension intracrânienne après échec d’un traitement comprenant l’optimisation des agressions cérébrales secondaires et de la sédation.
- Il faut probablement réaliser une craniectomie décompressive pour contrôler la pression intracrânienne à la phase aiguë en cas d’hypertension intracrânienne réfractaire, dans le cadre d’une discussion multidisciplinaire.
- Il faut administrer du mannitol 20% ou du sérum salé hypertonique (250 mosmol) en 15 à 20 minutes en traitement d’urgence d’une hypertension intracrânienne sévère ou de signes d’engagement, après contrôle des agressions cérébrales secondaires.
- Il ne faut probablement pas administrer d'albumine à 4% comme soluté de remplissage chez les traumatisés crâniens graves.
- En cas de polytraumatisme associé au traumatisme crânien grave, les experts proposent de privilégier la stabilisation hémodynamique et respiratoire du patient avant la réalisation de la tomodensitométrie corps entier injectée.
- Il ne faut pas administrer des glucocorticoïdes à forte dose après un traumatisme crânien grave.
Voir également notre article : Traumatisme crânien : conduite pratique
Mise à jour 2022