Consensus formalisé d’experts du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), septembre 2022
PRISE EN CHARGE DES NAUSÉES ET VOMISSEMENTS GRAVIDIQUES ET DE L’HYPERÉMÈSE GRAVIDIQUE.
Les nausées et les vomissements gravidiques sont des troubles fonctionnels fréquents de la grossesse. Généralement bénins, ils disparaissent spontanément à la fin du premier trimestre. Ils peuvent parfois être invalidants et ne pas être soulagés par des mesures non pharmacologiques.
L’hyperémèse gravidique (ou vomissements incoercibles) est la forme la plus sévère et survient chez environ un tiers des femmes, l’hospitalisation peut être envisagée.
DÉFINITION ET SÉVÉRITÉ :
- Les nausées et vomissements gravidiques sont définis comme ceux débutant au premier trimestre de la grossesse en l’absence d’autre étiologie.
- L'estimation de la sévérité repose sur 3 critères :
- L’évaluation de la perte de poids depuis le début de la grossesse,
- Signes cliniques de déshydratation (soif, pli cutané, hypotension, oligurie…)
- Score PUQE modifié (Pregnancy Unique Quantification of Emesis and nausea, score en 3 questions coté de 0 à 15).
- Les nausées et vomissements gravidiques sont considérés comme étant non compliqués lorsque la perte de poids est <5%, sans signes cliniques de déshydratation et sont associés à un score PUQE ≤6.
- À l’inverse, on doit parler d’hyperémèse gravidique (incoercibles) lorsque ces troubles sont associés à au moins un des signes suivants :
- une perte de poids ≥5%,
- signe clinique de déshydratation,
- score PUQE ≥7.
QUE FAIRE DEVANT UNE HYPERÉMÈSE GRAVIDIQUE ?
Un bilan biologique doit être prescrit avec un dosage de :
- kaliémie, natrémie,
- créatininémie
- bandelette urinaire complète.
- Si les symptômes persistent ou s’aggravent malgré un traitement bien conduit, un bilan complémentaire est préconisé avec la réalisation:
- d’une échographie abdominale
- et un bilan biologique (NFS numération leucocytaire, transaminases, lipase, CRP, TSH, T4).
- Une hospitalisation est requise devant les critères suivants :
- perte de poids >10%,
- signes cliniques de déshydratation,
- score PUQE >13,
- hypokaliémie <3,0 mmol/L,
- hyponatrémie <120 mmol/L,
- créatininémie >100 µmol/L,
- résistance au traitement.
QUELLE PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE ?
- Il est proposé d’arrêter les vitamines prénatales et la supplémentation en fer au premier trimestre, cette dernière semblant aggraver les symptômes, et de conserver uniquement la supplémentation en acide folique.
- Les femmes peuvent adapter librement leur régime alimentaire et leur mode de vie en fonction de leurs symptômes, puisqu’aucune modification de ces pratiques n’a été décrite comme pouvant améliorer ces symptômes.
- Le gingembre ou la vitamine B6, s’ils devaient être utilisés (en l’absence de bénéfice démontré), doivent être réservés aux femmes ayant un score PUQE ≤6. Il en est de même pour l’acupression, l’acupuncture et l’électrostimulation, qui sont à envisager uniquement dans les formes non compliquées. L’aromathérapie n’est pas recommandée en raison des risques potentiels associés aux huiles essentielles et en l’absence d’efficacité démontrée.
- Les médicaments ayant les effets secondaires les moins sévères et les moins fréquents doivent être privilégiés en l’absence de supériorité d’une classe médicamenteuse par rapport à une autre.
- Association Doxylamine-Pyridoxine : seul traitement qui a été évalué contre placebo. N’a pas montré de supériorité pour la diminution des vomissements. En revanche, c'est le traitement ayant le moins d’effets secondaires.
- Autres antiémétiques (discutables) cf plus bas.
- Neuroleptiques et Phénothiazines : risque augmenté des signes extrapyramidaux (somnolence, tremblements, vertiges, dystonie).
- Corticoïdes : ne doivent être utilisés qu’en dernier recours en cas de vomissements incoercibles.
- Ondasétron : dernier recours (augmentation du risque de fente labio-palatines ?)
- En cas d’hyperémèse gravidique justifiant une réhydratation parentérale, une supplémentation systématique en vitamine B1 est recommandée pour prévenir la survenue d’une encéphalopathie de Gayet Wernicke.
- Un soutien psychologique devrait être proposé à toutes les patientes atteintes, en raison de l’impact négatif de cette pathologie sur le bien-être psychique.
POUR EN SAVOIR PLUS :
P. DERUELLE et al. : Consensus formalisé d’experts du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) : prise en charge des nausées et vomissements gravidiques et de l’hyperémèse gravidique. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie, septembre 2022, Elsevier https://doi.org/10.1016/j.gofs.2022.09.002
MÉDICAMENTS PROPOSÉS POUR LES VOMISSEMENTS PENDANT LA GROSSESSE [1] : | |||
Médicaments | Doses | Effets indérirables | Remarques |
1ère intention | |||
PYRIDOXINE (Vitamine B6) |
10 à 25 mg P.O. ou IV - Dose max. : 200 mg/jour | Minimes |
Sécuritaires dans le contexte de la grossesse. Administrés à titre préventif en début de grossesse, la DOXYLAMINE et la PYRIDOXINE peuvent être efficaces pour réduire les vomissements chez les femmes à risque élevé |
DOXYLAMINE en association à la PYRIDOXINE (XONVEA®) (CARIBAN®)(DICLECTIN®) (Antihistaminique antagoniste des récepteurs H1) | Nausées légères 2 comp. P.O. au coucher. Nausées modérées 1 comp. le matin, 1 comp. l’après-midi et 2 comp. au coucher Dose max : 8 comp/jour |
Somnolence et sécheresse buccale | |
2ème intention | |||
DIMENHYDRINATE (MERCALM®) (NAUSICALM®)(GRAVOL®) (Antihistaminique, antagoniste des récepteurs H1) |
50 à 100 mg P.O. Dose max.: 400 mg/jour |
Somnolence et sécheresse buccale | Administré pour traiter les phases aiguës ou chroniques |
3ème intention | |||
MÉTOCLOPRAMIDE (PRIMPERAN®) Antagonistes des récepteurs de la dopamine | 5 à 20 mg P.O. ou IV Dose max. : 80 mg/jour |
Somnolence et effets Extrapyramidaux. Limiter le traitement à 12 semaines consécutives pour prévenir la survenue de dyskinésie tardive |
Peut être utilisé à tous les trimestres de la grossesse |
CHLORPROMAZINE (LARGACTIL®) (Antagonistes des récepteurs de la dopamine) |
10 à 25 mg P.O., toutes les 4-6h, ou 25 à 50 mg IM toutes les 4h |
Somnolence et effets extrapyramidaux (Dystonie aiguë, Akathisie, Dyskinésie) Arythmies cardiaques (allongement de l’intervalle QT) |
Sécuritaires dans le contexte de la grossesse. Un antihistaminique antagoniste des récepteurs H1 pourrait être utilisé en association pour contrer les effets extrapyramidaux. |
PROCHLORPÉRAZINE (STEMETIL®) (Antagonistes des récepteurs de la dopamine) |
5 à 10 mg P.O., IM. ou IV, toutes les 6-8h, |
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PROMÉTHAZINE (PHENERGAN®) (Antagonistes des récepteurs de la dopamine) |
12,5 à 25 mg P.O. ou IV, toutes les 4-8h | ||
4ème intention | |||
ONDANSÉTRON (ZOFREN®) (Antagonistes sérotoninergiques 5-HT3) |
4 à 8 mg P.O. ou IV Toutes les 8-12h, au besoin |
Céphalées et constipation. Risque d’allongement de l’intervalle QT. Risque de malformations cardiaques et de fentes palatines chez le fœtus lors de son utilisation au premier trimestre |
Traitement de dernier recours, innocuité et efficacité sont contestées pendant la grossesse |
[1] J. LECLERC et al : Nouvelles recommandations pour la prise en charge des nausées et vomissements de la grossesse. Perspective infirmière, septembre/octobre/2017/ vol. 14 / n° 4 p36-41
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