La reconnaissance d’une hypovolémie est d’une importance décisive dans la prise en charge de tout état d’insuffisance circulatoire.
Elle permet de débuter précocement un traitement dans l’attente d’un traitement étiologique souvent long à définir : un temps précieux est ainsi gagné vis-à-vis de la reperfusion des tissus et organes et les effets délétères d’un traitement inapproprié par drogues inotropes et/ou vaso-actives sont ainsi évités.

Il faut reconnaître qu’en pratique, l’évaluation de la volémie est d’une singulière difficulté, elle ne peut être en effet que relative à deux composantes du dispositif circulatoire : l’état de la performance cardiaque et celui de la vasomotricité et de la perméabilité artérielle.

Or ces deux composantes sont variables d’un patient à l’autre et chez un même patient peuvent évoluer dans le temps. De ce fait, la valeur absolue de la volémie est sans intérêt et seul le monitorage des ses variations permet une adaptation à l’évolution des performances cardiaques et à celle de la vasomotricité artérielle.

De nombreuses procédures, instrumentales par la plupart, ont été proposées pour répondre à cette problématique depuis la classique mesure de la PVC, en passant par les courbes de pression artérielles et leur dérivés, jusqu’aux techniques plus récentes utilisant l’échocardiographie ou l’échodoppler. 

Toutes ces procédures demandent des moyens plus ou moins lourds consomment du temps particulièrement précieux en cas d’insuffisance circulatoire et pour les plus récentes, exigent un certain niveau d’expertise. Mais surtout, aucune d’entre elles en matière de performance n’a apporté de réponse pleinement satisfaisante. La voie reste donc ouverte à la recherche de nouvelles procédures vis-à-vis de ce problème à la fois quotidien et décisif en milieu d’urgence et de soins intensifs. 

Dans ce contexte, il est singulier d’observer que les données cliniques n’ont jamais été clairement sollicitées dans cette évaluation. Nous proposons une procédure susceptible d’y répondre en précisant ses avantages et inconvénients. 

Deux étapes doivent être envisagées dans la démarche de l’évaluation clinique de la volémie :

  •  un temps d’inventaire exhaustif du bilan liquidien chez le patient concerné.
  •  un second temps de tests thérapeutiques (remplissage vs drogues inotropes et/ou vasoactives) destiné à vérifier les présomptions résultant de l’inventaire liquidien.

- Le premier temps, le plus important, consiste à rechercher à l’interrogatoire et à l’examen physique les éléments d’un déficit liquidien, pertes hydriques ou sanguines principalement (les défauts d’apports sont rarement en cause de façon isolée)
Ces pertes sont souvent évidentes à l’interrogatoire et s’accompagnent quand elles sont de nature hydrique de signes de déshydratation extracellulaire évidents (pli cutané). Il s’agit de pertes digestives (diarrhées, vomissements), rénales (polyurie d’étiologies diverses) ou cutanées (atteintes diffuses, telles que brûlures, Lyell…).

- Il peut s’agir également de pertes sanguines, qui, quand elles sont extériorisées ne pose pas de problèmes diagnostiques, sauf qu’elles s’accompagnent de pâleur et non de signes de déshydratation. Il importe de préciser que ces pertes sanguines extériorisées ne peuvent induire l’hypovolémie que si elles sont importantes (supérieures à 1 litre) et rapides (quelques heures au maximum). Les pertes liquidiennes, sanguines ou hydriques sont cependant de reconnaissance plus difficile quand elle ne sont pas extériorisées; elles nécessitent un examen physique minutieux et quelques examens complémentaires rapides et ciblés. Il peut s’agir d’un saignement digestif, péritonéal, pelvien, ou osseux que permet de suspecter le contexte (traumatismes, antécédents digestifs, anticoagulants…) et que vérifieront l’examen physique (sonde gastrique, GR, palpation abdomino-pelvienne, …) et quelques examens complémentaires (baisse significative du taux d’hémoglobine, imagerie abdomino-pelvienne, membres…).

- Les pertes liquidiennes non extériorisées de nature hydrique quand à elles, sont le fait d’une séquestration dans différents sites. Les sites les plus fréquemment en cause sont le tube digestif (occlusion) et le péritoine (ascite). A ces endroits, la séquestration doit être suffisamment importante pour entrainer une hypovolémie; leur diagnostic est de ce fait aisé à l’examen physique.

- Un troisième site de séquestration est beaucoup plus difficile à rattacher à une éventuelle hypovolémie. Il s’agit des oedèmes interstitiels sous cutanés (pulmonaires parfois) en rapport avec une hyperperméabilité capillaire et qui sont les seuls états d’hypovolémie à s’accompagner d’un état apparent d’hyperinflation hydrique.
Ils s’observent en particulier dans les unités de soins intensifs  le plus souvent après un séjour prolongé chez des sujets âgés, souvent diabétiques et porteurs de pathologies génératrices d’hyperperméabilité capillaire comme les états inflammatoires ou septiques prolongés, les affections à composante immunologique ou neurologique etc… 

Les tests thérapeutiques doivent constituer le prolongement logique de l’évaluation clinique. Celle-ci oriente en effet le choix initial entre remplissage ou drogues, quand les données cliniques sont suggestives mais non évidentes.
Les modalités de ces tests thérapeutiques doivent cependant éviter tout effet délétère sur l’état du patient.

Ainsi le remplissage sera effectué par une gélatine fluide, avec un volume de 200 mL à administrer en 1H, sous stricte surveillance clinique (pouls, PA, SatO2, diurèse).
Une attention particulière sera accordée à l’état ventilatoire des patients  quand ils sont en ventilation spontanée. Le test sera considéré comme positif en cas d’élévation significative de la PA en fin avec une augmentation ultérieure du débit de diurèse.

Pour ce qui concerne des drogues, notre choix s’est porté sur l’Adrénaline en raison de ses effets inotrope et vasoconstricteur combinés.
Son administration doit être cependant titrée : début à 0,1 mg/H et augmentation par palier de 0,1 mg sous monitoring stricte de la PA, de la fréquence et du rythme cardiaque.
Une élévation significative de la PA sans troubles du rythme ou tachycardie majeure (supérieure à 130/min) est considérée comme le témoin d’un mécanisme cardiogénique de l’insuffisance circulatoire. Le teste sera par contre stoppé si après 2 ou 3 paliers la PA baisse ou ne s’élève pas ou si surviennent des troubles du rythme ou une tachycardie importante (supérieure à 130).

En somme, nous pensons que cette procédure clinique ainsi décrite, mérite d’être testée en attendant la validation de ses performances. Elle offre déjà l’avantage d’être rapide, accessible à tout moment et à tout praticien, et sans contrainte de moyens ou d’expertise technique.  

© Auteur : Pr S. Bouchoucha   - efurgences.net

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