Mise à jour 2021

L’asthme est une maladie inflammatoire chronique des voies aériennes dont l’évolution naturelle est marquée par des épisodes aiguës nommées exacerbations. Lors de ces dernières, la bronchoconstriction, l’œdème bronchique et l’hypersécrétion de mucus conduisent à des troubles obstructifs sévères avec limitation du débit expiratoire.


I) ÉPIDÉMIOLOGIE :
L’asthme est la plus fréquente des maladies respiratoires dans le monde. On estime à 300 millions le nombre d’asthmatiques dans le monde en 2015, 30 millions en Europe (GINA). En France la prévalence de l’asthme serait de 5 à 6 % chez l’adulte. Le taux de mortalité diminue depuis 1990 et surtout depuis 2000 avec l’utilisation de corticoïdes inhalés ainsi qu’une meilleure éducation des patients (INVS surveillance de l'asthme en France).
L'exacerbation de l’asthme est un motif de consultation fréquent aux urgences.

II) FORMES CLINIQUES :
Les formes cliniques de la maladie asthmatique sont variables selon la sévérité des crises, à noter que le passage d’une forme à une autre plus grave est possible mais non obligatoire. Une forme grave peut survenir d’emblée sans prodromes.
La sévérité est très différente d’une personne à une autre.

a) La crise d’asthme :
C’est la manifestation principale des symptômes respiratoires paroxystiques (dyspnée, sifflements, oppression thoracique et/ou toux, râles sibilants), elle est rapidement soulagée par la prise d'un traitement bronchodilatateur [2][3]. La respiration est normale en dehors des crises.
Elle est d’installation brutale en quelques minutes, volontiers la nuit. Le patient se réveille avec une dyspnée angoissante, avec sensation d’étouffement, parfois même impression de mort imminente. Les sibilants expiratoires souvent audibles a distance par des tierces personnes.
L’examen physique trouve une tachypnée ou plus rarement une bradypnée expiratoire avec :
- des râles sibilants diffus aux 2 champs pulmonaires,
- une tachycardie,
- une toux irritative habituellement sèche
La résolution de la crise est habituellement spontanée ou après traitement dans les 10-20 min ou une à deux heures. Les sibilants peuvent persister après la crise.

b) L’exacerbation sévère aiguë (ESA) :
L’ESA ou l’asthme aigu grave (AAG) [ce terme a remplacé celui d’état de mal asthmatique], est une crise inhabituelle avec obstruction bronchique sévère d’installation aigue ou progressive, rebelle au traitement habituel, responsable d’une insuffisance respiratoire aigüe et menaçant par sa durée et sa gravité la vie du patient [3]. C'est une complication redoutable, nécessitant un diagnostic précoce et un traitement approprié.

  • Le patient est assis, penché en avant, ayant du mal à parler et à tousser.
  • Signes de détresse respiratoire grave avec des signes généraux marqués : polypnée superficielle, FR> 30 ou bradypnée, les sibilants peuvent être absents,
  • cyanose, sueurs.
  • Signes cardio-vasculaires : Tachycardie > 120, HTA.
  • Signes neuropsychiques: agitation, angoisse, obnubilation.
  • A l'extrême : tableau d'insuffisance respiratoire aiguë (asphyxie) avec état de choc et coma.
  • La DEP est difficile, voire impossible, à pratiquer au stade d’AAG et toujours < 30%.

III) ÉVALUATION DE LA GRAVITÉ :
L’évaluation de sévérité d’une crise d’asthme est indispensable à la mise en place de mesures thérapeutiques adaptées, elle repose sur les signes cliniques et le débitmètre de pointe (DEP). Il faut rechercher les critères de gravité (voir tableau).

DYSPNÉE : SIGNES DE GRAVITÉ  
Signes respiratoires :   - Tachypnée >30 cycles/min ou bradypnée <10 cycles/min ou pause respiratoire*
- Impossibilité de parler
- Signes de lutte (tirage, balancement thoraco-abdominal)
- Toux inefficace
 Signes hémodynamiques :  - Tachycardie >120 b/min ou bradycardie
- État de choc ou Hypertension artérielle
- Cyanose, sueurs, marbrures
 Signes neurologiques :  - Confusion, agitation, somnolence, coma
 Signes associés :  - Douleur thoracique (SCA, pneumothorax)
- Fièvre (pneumopathie)
- Hospitalisation en réanimation pour symptômes similaires ou intubation
- Mauvaise réponse à un traitement débuté
 DEP (asthme) :  <150 L/min ou <30% valeur normale
 * Fréquence respiratoire selon l’âge : 1 mois (30-60/min), 1 an (25-40/min), 5 ans (18-20/min), 8 ans : (16-20/min), >15 ans (12-16/min) 

Le débitmètre de pointe DEP ou Peak Flow® est un instrument qui permet de mesurer le degré d’obstruction des bronches et donc d’évaluer la sévérité de l’asthme. On peut l’utiliser chez les enfants à partir de 5-6 ans.
Des embouts en plastique, à usage unique, permettent une utilisation hygiénique.
Demander au patient de :
- Se mettre debout, ou assis,
- Tenir l’appareil horizontalement
- Effectuer une inspiration maximale, bouche ouverte jusqu’à atteindre sa capacité pulmonaire totale.
- Bloquer sa respiration
- Immédiatement serrer l’embout entre les lèvres, joues dégonflées.
- Réaliser l’expiration volontaire forcée maximale,
- effectuer 3 mesures au total et tenir compte uniquement de la valeur la élevée.
Les valeurs normales ou théoriques du DEP dépendent du sexe, de l'âge et de la taille :

  • chez la femme, la valeur normale du DEP est de 400 à 550 litres par minute.
  • chez l'homme, la valeur normale du DEP est de 500 à 650 litres par minute.

IV) EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :

  • Gaz du sang GDS si SpO2 < 90 % ou mauvaise réponse aux broncho-dilatateurs. On trouve habituellement une hypoxie et hypocapnie, la normocapnie est un signe de gravité.
  • Pas de bilan inflammatoire sauf si fièvre (NFS, CRP, rechercher pneumopathie).
  • Ionogramme sanguin si beta2-mimétiques à forte dose (risque d’hypokaliémie).
  • Radio pulmonaire non systématique, à faire uniquement si fièvre ou diagnostic différentiel ou exacerbation très sévère ne répondant pas au traitement (rechercher pneumothorax ++)

V) DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :
Le diagnostic de l’asthme est parfois difficile d’autant plus si on ne connaît pas les antécédents. Les crises d'asthme sont paroxystiques et débutent généralement à l'enfance ou à l'âge jeune.

  • Le diagnostic différentiel se pose avec toutes les causes de dyspnée aiguë (embolie pulmonaire, dyspnée laryngée, corps étranger, …etc.)
  • Il faut noter que la dyspnée et les sibilants ne sont pas pathognomoniques de l'asthme.
  • La confusion entre asthme et exacerbation de BPCO est fréquente. Ces sont des entités distinctes avec un profil inflammatoire différent. L’asthme débute à l’enfance ou chez l’adulte jeune. Le BPCO survient chez le sujet âgé, la liaison avec le tabagisme est fréquente, la toux et les expectorations sont habituelles.
  • Si cardiopathie associée ou lorsque l’âge est supérieur à 70 ans: penser plutôt à l'asthme cardiaque (insuffisance cardiaque aiguë) jusqu'à preuve du contraire, même si les bêta 2 stimulants sont efficaces. L’orthopnée est un signe en faveur de l’insuffisance cardiaque.

VI) TRAITEMENT DE L’ESA AUX URGENCES [SFMU – SRLF 2018] [2]:

- Mise en condition : malade assis de préférence, monitorage des paramètres vitaux et surveillance visuelle.

- Oxygène au masque simple, débit 6 à 8 l/min. pour un objectif de saturation pulsée en oxygène (SpO2) de 94 à 98 %.

La VNI et l’OHD ne sont pas recommandés par manque de preuves d’efficacité (2).

- Bêta 2 mimétiques : la voie inhalée est prioritaire dans tous les cas, en raison de son efficacité liée à la pénétration locale et de ses effets systémiques limités. Administrés en continue à la première heure ou toutes les 20 min. La voie injectable est à éviter autant que possible.

- Anti cholinergique (ATROVENT®) par aérosol toutes les 8 heures.

- Corticoïdes : pour lutter contre l’inflammation, il faut administrer précocement une corticothérapie systémique intraveineuse ou per os (1 mg/kg d’équivalent méthylprednisolone, maximum 80 mg/jour chez l’adulte, 2 mg/kg chez l’enfant). . La voie inhalée n’a pas montré de supériorité comparativement aux voies intraveineuse et PO et n'apparaît pas nécessaire en complément de ces deux autres voies.

- Le Sulfate de Magnésium MgSO4 inhibe la contraction des muscles lisses, il n’y a pas de consensus sur son utilisation chez l’adulte en intraveineuse, une dose ≥20 mg/kg est nécessaire chez l’enfant. Il n’est pas indiqué en aérosol.

  • Ventilation mécanique : seulement en cas d’échec du traitement médical bien conduit ou d’emblée lorsque la situation est grave (épuisement musculaire, bradypnée, collapsus ou troubles de la conscience).
    L’intubation est pratiquée par un médecin expérimenté avec une sonde trachéale de grand calibre et après une induction en séquence rapide avec CÉLOCURINE® et KÉTALAR® [ou DIPRIVAN® si absence de collapsus].

Réglage du respirateur : fréquence respiratoire >14 cycles/min, débit d’insufflation à 60-80 L/min, volume courant de 6 à 8 ml/kg, PEP doit être maintenue ≤ 5 cmH2O.

VII) LES CRITÈRES D’HOSPITALISATION :

  • Signes de gravité d'emblée ou persistance de signes de gravité après traitement initial bien conduit,
  • Patient seul, isolé,
  • Problèmes psychologiques,
  • Antécédents d’intubation trachéale et de ventilation mécanique pour AAG.
  • Morbidité concomitante,
  • Asthme labile ou nocturne,
  • Grossesse,
  • Exacerbation malgré les corticoïdes.

Retour à domicile si : DEP > 75% de la théorique 1 heure après le traitement initial.

Un retour à domicile peut être envisagé quand les symptômes s’améliorent après quelques heures de traitement aux urgences avec suivi par le médecin traitant. Prescrire un bêta-2 mimétique de courte durée d’action, une corticothérapie orale pour une durée de 5 à 7 jours et une corticothérapie inhalée si elle n’était pas prescrite auparavant.

En aucun cas, un patient ayant présenté des signes cliniques de gravité ne peut être renvoyé directement à domicile.

VIII) MÉDICAMENTS PRESCRITS EN URGENCES :

1) Broncho-dilatateurs bêta 2 mimétiques :
Indications : asthme, exacerbation de BPCO.

  • En aérosol, les bêta-2-mimétiques sont bien tolérés. Par contre, leur utilisation par voie générale n'est jamais anodine et peut même démasquer une pathologie cardiaque préexistante méconnue.
    Prudence en cas d’hyperthyroïdie, cardiopathie, HTA, troubles du rythme, hypokaliémie, diabète décompensé. Risque de tachycardie, tremblements, HTA, allergie, hypokaliémie.
  • Ne pas utiliser les ampoules injectables en aérosol ni l’inverse.
    - TERBUTALINE BRICANYL® Solution pour aérosol 5 mg/2 ml
    En aérosol : 5 à 10 mg dans 5 ml NaCl 0,9%, durant 15 min. Peut être répété toutes les 20 min, (Enfant 0,1 à 0,2 mg/kg).
    - SALBUTAMOL VENTOLINE® Solution pour aérosol 5 mg/1 ml
    Aérosol : 5 mg + 4 ml NaCl 0,9% durant 15 min. Peut être répété toutes les 20 min. (Enfant : 0,05 à 0,15 mg/kg)
  • Le recours aux β2-mimétiques par voie intraveineuse n’est indiqué qu’en cas d’impossibilité d’utiliser la voie inhalée. Dans ce cas on administrera le traitement en débit continu par seringue électrique sans faire de dose de charge en intraveineux direct.
    Forme injectable en perfusion : 0,25 à 1,5 mg/h à dose progressive selon l’évolution clinique et la tolérance. (Enfant : 0,1 à 0,3 µ/kg/min)

2) Broncho-dilatateurs anti cholinergiques :
Indications : Asthme, BPCO
Contre indications : glaucome
IPRATROPIUM (BROMURE) ATROVENT® IPROVENT® Amp 0,5 mg/2ml - Amp 0,25 mg/2ml
- En nébulisation (avec 3 ml de sérum physio), en association avec les bêtamimétiques.
- Adulte : 0,5 mg – Enfant <12 ans : 0,25 mg – Toutes les 6 heures.

3) Corticoïdes :
Indications : traitement de la crise d’asthme et du BPCO décompensé.
Pour inhalation : 2 ml en association avec les bêta-mimétiques

- BUDÉSONIDE (PULMICORT®) 0,5 mg/2 ml - 1 mg/2 ml
- BÉCLOMÉTHASONE (BECLOSPIN®) 400 µg/1 ml - 800 µg/1ml
- En injectable IV : Dexaméthasone 8 mg IV
- Ou en perfusion : Hydrocortisone 100 – 200 mg

4) Sulfate de magnésium :
Le magnésium inhibe la contraction des muscles lisses par un mécanisme mal précisé. Les posologies utilisées par voie intraveineuse sont extrêmement variables, mais généralement comprises entre 1 et 2 g de sulfate de magnésium, administrés en 20 min. une dose ≥20 mg/kg est nécessaire chez l’enfant. Il n’est pas efficace en nébulisation.

5) Théophylline :
La Théophylline est un alcaloïde du type méthylxanthine, une substance retrouvée dans les feuilles de thé (d’où son nom) mais aussi dans le café et le chocolat. Découverte au début du 20ème siècle comme diurétique et utilisée plus tard comme bronchodilatateur dans le traitement de l’asthme et du BPCO. Actuellement la théophylline a été abandonnée dans le traitement de l’asthme.
THÉOPHYLLINE® Amp. injectable (en perfusion), Suppo, Comp. et Gélules
Effets indésirables : Vomissements, tremblements, agitation, hypertonie musculaire, hypertension artérielle, tachycardie sinusale.
Surdosage : Le taux plasmatique efficace sur la bronchodilatation est compris entre 5 et 15 µg/mL. Les effets indésirables peuvent apparaître au délà de 15 µg/mL : convulsions, hypokaliémie, acidose métabolique, arythmies supraventriculaires ou ventriculaires notamment en présence d’une cardiopathie préexistante. Traitement de l’intoxication : Charbon végétal répété ou lavage gastrique, Bêtabloquants en cas de tachycardie menaçante.

IX) TRAITEMENT AMBULATOIRE DE L’ASTHME :

1) SABA : Bêta-2 agonistes à courte durée d’action
Les β2 à courte durée d’action ne sont plus le traitement à la demande de 1er choix pour soulager l’asthme. L’association CSl-formotérol est le traitement à la demande de première intention [GINA 2019].
- SALBUTAMOL aérosol : maximum 15 bouffées/jour
- TERBUTALINE : maximum 8 bouffées/jour ou comprimé LP 2 fois/jour

2) LABA : Bêta-2 agonistes à longue durée d’action
- SALMÉTÉROL 1 à 2 inhalations x 2/jour
- FORMOTÉROL 1 à 2 inhalations x 2/jour

3) CSI : CORTICOÏDES INHALÉS
- BÉCLOMÉTHASONE : Adulte 200 à 500 µg x2/j. Enfant 100 à 250 µg x2/j. Double dose si crise sévère.
- BUDÉSONIDE : Adulte 200 à 400 µg x2/j. Enfant 100 à 200 µg x2/j. Double dose si crise sévère.
- FLUTICASONE : Adulte 100 à 250 µg x 2/j. Enfant 50 à 100 µg x 2/j. Double dose si crise sévère.

4) CORTICOÏDES INHALÉS (CSI) + BÊTA-2 AGONISTES LONGUE DURÉE (LABA) :
- FLUTICASONE + SALMÉTÉROL : Adulte 100/50 à 500/50 µg x2/j. Enfant 4-12 ans : 100/50 µg x2/j.
- BUDÉSONIDE + FORMOTÉROL : Adulte 100/6 à 400/12 µg. E >6 ans : 100/6 à 200/6 µg en 2 prises/jour
- BÉCLOMÉTHASONE + FORMOTÉROL : Adulte >18 ans : 1 à 2 inhalations x2/j

5) ANTICHOLINERGIQUES :
- TIOTROPIUM (BROMURE) : 5 µg une prise/jour

6) ANTICHOLINERGIQUES + BÊTA-2 AGONISTES (β 2+) :
- FÉNOTÉROL + IPRATROPIUM

7) LTRA : ANTAGONISTES DES RÉCEPTEURS AUX LEUCOTRIÈNES
MONTÉLUKAST : Asthme persistant léger à modéré insuffisamment contrôlé, une prise/jour

ASTHME : TRAITEMENT DE FOND ADULTE ET ENFANT >12 ANS (GINA 2019)
  Palier 1 Palier 2 Palier 3 Palier 4 Palier 5
Traitement privilégié - CSI faible dose
- Formotérol au besoin
CSI faible dose
Ou Faible dose de CSl-Formotérol à la demande
CSI + LABA dose faible CSI + LABA dose moyenne CSI-LABA dose élevée + selon phénotype anti-IgE ou Tiotropium ou anti-IL5
Autres options CSI faible dose à chaque prise de SABA LTRA ou faible dose de CSI à chaque prise de SABA CSI dose modérée
Ou CSI faible dose + LTRA
CSI forte dose + LABA
Considérer Tiotropium ou LTRA
Ajout dose faible corticoïde oral
TT de secours  Faible dose de CSl-Formotérol à la demande
Options TT de secours  SABA à la demande
CSI : corticoïdes inhalés – SABA : β2+ courte durée d’action – LABA : β 2+ longue durée d’action – LTRA : anti-leucotriènes

BIBLIOGRAPHIE :
1. L’HER E.: Conférence de consensus en réanimation et médecine d’Urgence : Prise en charge des crises d’asthme aiguës graves de l’adulte et de l’enfant, Réanimation 2002, 11 : 1-9
2. SFMU, SRLF : Prise en charge de l’exacerbation sévère d’asthme. Recommandations formalisées d’experts communes 2018.
3. L. Ducros , P. Plaisance : Asthme aigu grave, congrès SFAR 2014
4. GINA : 2019 Pocket guide for asthma management, (ginasthma.org)

 

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