Ces documents s’adressent à tous les praticiens, notamment les médecins généralistes, qui peuvent être appelés à participer à des opérations de secours en cas d’afflux de victimes; il doit constituer une base de référence pour des actions de formation.
Accidents collectifs, attentats, catastrophes naturelles :
Conduite à tenir pour les professionnels de santé
Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées; France, 2003
Direction générale de la Santé
EXTRAIT DU DOCUMENT :
La complexité qui caractérise nos sociétés se décline en une multiplication des risques collectifs majeurs, des menaces qui ne cessent de se diversifier, provoquant des situations de crises qui doivent susciter, dans une logique de prévoyance, une culture du risque collectif.
Les événements visés par cet ouvrage consistent en la réalisation brutale, dans un même temps et en un même lieu, d’un risque plus ou moins aléatoire, qui provoque des atteintes graves à la personne, accompagnées ou non de destructions matérielles, concernant au moins 10 blessés et nécessitant par son ampleur ou son impact la mise en oeuvre de mesures spécifiques.
L’organisation des secours médicaux en cas d’afflux de victimes (Plan blanc) permet, avec l’aide de tous les acteurs sanitaires, d’assurer la meilleure qualité des soins à la population dans les meilleurs délais.
Tout sinistre d’une certaine ampleur pouvant affecter de nombreuses victimes doit entraîner le déclenchement des plans correspondants. (...)
L’organisation des secours médicaux :
L’organisation des secours médicaux en cas d’afflux de victimes (Plan blanc) permet, avec l’aide de tous les acteurs sanitaires, d’assurer la meilleure qualité des soins à la population dans les meilleurs délais.
Tout sinistre d’une certaine ampleur pouvant affecter de nombreuses victimes doit entraîner le déclenchement des plans correspondants.
Réception et vérification de l’alerte :
Dès la connaissance de l’événement, par des appels provenant de la police ou de la gendarmerie, des sapeurs-pompiers, d’un hôpital, d’un médecin, ou de particuliers, le médecin-régulateur de garde au SAMU doit procéder à une vérification de ces informations auprès des services compétents.
Une fois cette vérification faite, et si l’événement le justifie, le Plan blanc est déclenché par le directeur de l’établissement.
Mise en place de la cellule préfectorale de crise (COD, Centre Opérationnel Départemental) et envoi immédiat d’un véhicule médicalisé sur le site du sinistre
Cette cellule interministérielle est composée :
- du préfet ou de son représentant
- du Directeur départemental des affaires sanitaires et sociales (DDASS) ou de son représentant
- du procureur de la République ou de son représentant
- du directeur médical du SAMU
La cellule d’urgence, dont les participants sont toujours les mêmes pendant toute la durée du traitement des victimes, est en relation permanente, pour ce qui concerne l’organisation des soins avec le CODISC (Centre opérationnel de la direction de la sécurité civile), avec le médecin Directeur des secours médicaux (DSM) sur le site, avec les établissements de santé susceptibles de recevoir et/ou de traiter les victimes ainsi que les autorités sur place.
Cette cellule assure la coordination constante de tous les acteurs, qu’il s’agisse des liaisons avec les autres services de l’Etat (justice, police, sapeurs-pompiers, DDASS, etc.), les collectivités territoriales (maire), les personnels de santé sur le terrain, les établissements de soins ou les ambulances chargées d’acheminer et de traiter les victimes sur le site du sinistre ou dans le lieu d’hospitalisation.
Cette coordination est essentielle. Toute action individuelle non coordonnée peut entraîner un dysfonctionnement de la structure dont le résultat peut être très dommageable pour une ou plusieurs victimes, voire pour les auteurs.
Une coordination parfaite des moyens est le gage de l’efficacité et de la rapidité des secours.
- En attente des premiers bilans, le médecin régulateur, en coordination avec la DDASS, met en alerte les établissements de santé locaux, ce qui lui permet de faire un recensement des lits et de dresser la liste des spécialistes disponibles. Il doit recenser aussi les lieux de consultations aptes à accueillir les blessés légers et les personnes “impliquées” dans l’événement, même si ces dernières ne se plaignent pas immédiatement de troubles particuliers.
- Toutes ces personnes, identifiées et répertoriées, devront en effet être examinées par un médecin et disposer d’un certificat médical initial pour pouvoir ultérieurement faire valoir leurs droits.
Arrivée d’une équipe médicale sur le site :
- Le premier médecin arrivé sur place devra transmettre immédiatement au SAMU un premier bilan et une première appréciation du nombre et de la gravité des blessés.
- Il se rangera sous l’autorité du Commandant des Opérations de Secours (COS) qui est le représentant du préfet du département.
- Le ramassage dans le centre de tri dont le lieu aura été choisi par le responsable local des sapeurs-pompiersen charge de la sécurité du dispositif sera sous la responsabilité de ce dernier.
- Le tri et le transport des blessés seront sous la responsabilité du Directeur des Secours Médicaux (DSM). Les médecins arrivés sur place individuellement se mettront à la disposition du DSM dès son arrivée.
- C’est le DSM qui organisera les soins dans le centre de tri des blessés. La Cellule d’Urgence Médico-Psychologique (CUMP) se mettra à la disposition du DSM. Le DSM attribuera à chaque blessé une équipe soignante et sera en relation constante avec la régulation du SAMU auquel il transmettra les bilans médicaux dès qu’ils auront été faits.
- En retour, le médecin régulateur lui désignera un lieu d’hospitalisation pour chaque blessé en fonction des nécessités thérapeutiques.
- Si nécessaire, un Poste médical avancé (PMA) est installé.
Tous les personnels de santé mis à la disposition du SAMU dans cette circonstance agiront sous la direction du DSM qui leur désignera leur tâche. Dès lors, ils deviendront “collaborateurs occasionnels du service public”.
Évacuation sanitaire des blessés :
Le transport des victimes diffère selon qu’il s’agit d’urgences absolues mettant immédiatement en jeu la vie des blessés ou bien d’urgences relatives.
Le DSM désignera l’équipe de transport médicalisé qui aura la charge des blessés jusqu’à leur arrivée à destination qui sera décidée par le SAMU.
Le DSM est la seule personne ayant en sa possession toutes les informations nécessaires à la meilleure dispensation des soins. Il doit rester le maître de la logistique de l’évacuation sanitaire jusqu’à ce que le dernier blessé ait quitté le centre de tri sur le site du sinistre.
Accueil des blessés à l’hôpital :
L’accueil hospitalier sera déterminé par la gravité des blessures. Les blessés sont classés dans le centre de tri en 4 catégories formant 2 groupes :
Urgences absolues :
♣EU : extrême urgence : blessés très graves devant être hospitalisés en urgence dans un centre disposant des services nécessaires et d’un service de réanimation.
♣ U1 : blessés graves mais dont la vie n’est pas immédiatement en danger. Ils nécessitent des soins intensifs immédiats, mais peuvent être opérés dans les six heures
Urgences relatives :
♣ U2 : blessés sérieux, dont l’état nécessite une hospitalisation.
♣U3 : blessés légers ne nécessitant que des soins ambulatoires, ou malades “impliqués” c’est-à-dire sans blessure corporelle mais avec une atteinte psychologique sérieuse.
Le transport de tous les blessés sera organisé par le DSM. Le premier groupe sera transporté sur les lieux d’hospitalisation en ambulances de réanimation, les suivants en ambulances médicalisées en fonction de la disponibilité des véhicules restants.
Victimes décédées :
En liaison avec les médecins légistes présents sur les lieux à la demande de l’autorité judiciaire, il est procédé à un recensement précis des corps des personnes décédées qui sont acheminées, sur réquisition du procureur de la République au dépositoire le plus proche installé à cet effet.
La prise en charge des blessés graves :
Un tri spontané se fait bien souvent avant même l’arrivée des secours.
♣ Les victimes valides, avec peu d’atteinte somatique mais souvent une blessure psychique importante, s’enfuient à distance de l’événement. Elles sont ensuite regroupées dans un lieu confortable choisi par le commandant des opérations de secours. Ces blessés seront catégorisés par les médecins d’urgence, traités dans un Poste Médical Avancé “léger” (PMA) et acheminés vers les hôpitaux par les moyens de transport simples. Il est important que soient dépistés à ce stade les atteintes ORL pouvant évoluer vers des complications retardées (blast pulmonaire). C’est dans ce Poste Médical Avancé léger que les membres de la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique pourront aussi prendre en charge le traumatisme psychique.
♣ Les blessés graves, incarcérés ou polytraumatisés qui n’ont pas pu s’écarter du risque. Ce sont les médecins des SMUR qui assurent la réanimation directement sur le site ou dans un PMA “lourd” rapidement installé sur les lieux. Il s’agit de blessés dont la gravité nécessite une prise en charge de niveau “réanimation chirurgicale”.
♣ L’anesthésiste réanimateur (et parfois le chirurgien) est nécessaire sur le terrain.
Les gestes pratiqués sont : [par le SAMU]
- l’anesthésie générale,
- l’hémostase des hémorragies des membres, voire l’amputation de sauvetage,
- la ventilation mécanique après intubation des malades dans le coma et les patients présentant une contusion pulmonaire, un blast thoracique ou un épanchement pleural. Ceci peut nécessiter l’exsufflation ou la pose de drains thoraciques,
- le remplissage vasculaire rapide des chocs hémorragiques ou du choc hypovolémique des grands brûlés. Ceci nécessite parfois la mise en place de voie veineuse profonde,
- les gestes habituels pratiqués pour la mise en condition, le monitorage, le transport des blessés pris en charge par les SMUR.
Un médecin “régulateur” en position de Directeur des secours Médicaux ou au contact de ces derniers organisera avec le SAMU départemental l’acheminement de chacun de ces blessés vers le service ou le plateau technique adapté. Les patients les plus graves dont le pronostic est chirurgical ou dont les lésions nécessitent la technologie hospitalière ne doivent pas rester trop longtemps au Poste Médical avancé. Un “circuit court” doit être organisé afin qu’ils puissent recevoir à l’hôpital les soins les plus adaptés.
Les prises en charge spécifiques :
La prise en charge ORL :
La prise en charge ORL est très importante en cas de sinistre ou accident avec explosion.
La reconnaissance médicale immédiate des atteintes de l’oreille doit permettre une meilleure prise en charge thérapeutique, une évaluation initiale du dommage et un moindre retentissement psychologique du préjudice subi par la victime.
Se souvenir :
- L’oreille est l’un des premiers organes lésés par un blast.
- Rechercher systématiquement des lésions.
- Les séquelles de l’atteinte de l’appareil auditif sont au premier plan des plaintes fonctionnelles futures.
La prise en charge des grands brûlés :
Rappel : la brûlure est la destruction partielle ou complète de la peau et parfois des tissus sous-jacents par un processus thermique, chimique ou radiologique.
Le brûlé est grave lorsque l’étendue et la profondeur des lésions cutanées ou l’association à d’autres lésions (inhalation de fumées) exportent la réaction inflammatoire locale à l’ensemble de l’organisme.
La brûlure est grave si elle est étendue, profonde (nécessitant des greffes) ou si elle atteint des zones fonctionnelles (mains, articulations, face).
Les soins immédiats consistent principalement à :
♣ Soustraire à l’agent nocif :
- Refroidir la brûlure (sans refroidir le brûlé) : toujours dans des lésions de petite surface, ne pas dépasser 20 % de la surface corporelle, éviter chez le malade inconscient ou choqué, au-delà d’1/4 d’heure suite à l’événement, lorsqu’on ne dispose pas de moyens de réchauffement.
- Laver les lésions chimiques et absorber les vésicants par du talc ou des gants spéciaux.
♣ Évaluer la gravité des brûlures :
- Etendue : exprimée en % de la surface corporelle totale, règle des 9 (Tête et cou = 9%, MS = 9%, MI = 2x9%, Tronc = 4x9 %); plus la face palmaire de la main de la victime qui représente à elle seule 1% de sa surface. Les lésions chimiques n’apparaissent que de façon retardée.
- Profondeur : superficielles (souples, exsudantes, très douloureuses, phanères adhérentes, vitropression positive), profondes (indolores, vitropression négative, phanères non adhérentes, peu exsudantes)
- Localisations dangereuses : face, périnée…
- Lésions associées : intoxication (CO, CN), inhalation de fumées, lésions traumatiques.
♣ Mettre en place un traitement adapté :
- Oxygénation si brûlures >10 % de la surface corporelle ou si inhalation de fumées.
- Intubation des malades inconscients, présentant une détresse respiratoire ou des troubles de la voix dans un contexte d’inhalation de fumées ainsi que des brûlures profondes de la face et du cou avec nécessité d’évacuation longue.
- Perfusion de Ringer-lactate ou de sérum physiologique si lésions > 10 % chez l’enfant et >15 % chez l’adulte :
* 1ère heure : 20 ml par kg de poids,
* lorsque les lésions ont été examinées : 2ml/kg/% de brûlures pour les 8 premières heures.
- Analgésie par de la Morphine (1mg/ml) 2 à 3 mg par injection IV (titrer).
- Envelopper dans des champs propres ou stériles.
- Dépister les lésions circulaires profondes justifiant une escarrotomie.
- Réchauffer le patient.
- Vérifier la vaccination antitétanique.
Les pathologies pneumologiques :
Lors d’un afflux important de victimes à la suite d’une explosion, tout blessé qui a des signes d’atteinte auriculaire doit être considéré comme suspect d’atteinte pulmonaire. Une rupture tympanique signe la présence d’un blast entraînant de possibles lésions pulmonaires graves qui ne se manifesteront parfois qu’après un délai de quelques heures. Ces lésions peuvent être un oedème pulmonaire parfois hémorragique, des ruptures alvéolaires, bronchiolaires voire trachéales entraînant un emphysème interstitiel, un pneumothorax ou un pneumomédiastin.
Le pronostic de ces blessés est sévère car les lésions alvéolaires sont constantes dans ces cas.
Cela impose leur hospitalisation immédiate et prioritaire après un transport médicalisé afin de pratiquer un bilan radiologique complet.
Les lésions laryngo-trachéales souvent associées imposent une grande prudence pendant le transport où l’oxygénation sera réalisée au masque.
Aspects psychologiques et psychiatriques :
- Une prise en charge psychologique et psychiatrique doit être assurée immédiatement aux victimes d’attentat ou d’accident collectif.
- Les soins ont lieu systématiquement dans les minutes ou les heures suivant l’événement.
- Selon les cas, il s’agira de :
- calmer les angoissés, les agités : leur parler, contenir leur souffrance, solliciter un récit de l’événement qu’ils ont traversé. Parfois, la prescription d’un anxiolytique à demi-vie courte est indiquée ;
- s’occuper des personnes en état d’hébétude ou de sidération, en tentant d’établir avec eux un contact verbal, voire physique, en évitant toute sollicitation trop insistante.
- Dans la plupart des cas, ces personnes doivent faire l’objet de soins spécialisés;
- diriger les personnes présentant des altérations graves de la conscience et/ou du comportement vers le PMA pour évacuation sur un hôpital.
- Un examen et une surveillance médicale sont nécessaires, de même qu’une prescription à visée sédative qui peut être utile dans certains cas;
- confier les sujets présentant des symptômes sévères à un spécialiste.
Pour savoir plus : Sélection de liens
Guide d'élaboration des plans blancs élargis et des plans blancs des établissements de santé
Le Ministère Français de la Santé a mis en ligne sur son site le guide d'élaboration des plans blancs élargis et des plans blancs des établissements de santé (2006). +++
La gestion médicale des catastrophes et des situations d'urgence,
Par Pierre CARLI
Le plan Blanc : afflux massif de victimes
C. Virenque - Réanimation 2005- Vol. 14 - N° 8 - p. 712-715 - disponible sur EM|consulte Elsevier