Pr Pierre CARLI, Pr François PONS et al.
Publication : Ministère des Solidarités et de la Santé, France, juin 2018
Ce Vade-mecum est rédigé conjointement par plusieurs auteurs civils et militaires qui ont acquis une expérience personnelle dans ce domaine. Il est destiné aux professionnels de la santé impliqués dans le secours en cas de situation d'exception.
Les attentats de New-York en 2001 puis les attaques multisites [plusieurs endroits] à la bombe de Madrid (2004) et de Londres (2005) ont montré la possibilité d’être confronté à un très grand nombre de victimes simultanées et dispersées en plusieurs lieux.
L’utilisation, pour certains attentats, d’armes de guerre telles que des fusils d’assaut, a amené les médecins civils à devoir prendre en charge des victimes qui, jusque-là, étaient seulement rencontrées sur les théâtres d’opérations militaires.
Le plan rouge, le plan blanc et les protocoles de soins étaient adaptés à la gestion d’attaques terroristes consistant en l’explosion sur un seul site d’une bombe artisanale de faible puissance. Actuellement sensiblement modifiés. Il est maintenant nécessaire d’approfondir la formation aux agressions collectives par armes de guerre et de l’étendre à l’ensemble des équipes et des structures de soins qui pourraient être confrontées à une telle situation.
POINTS ESSENTIELS :
1. Organisation des secours :
• Des plans partagés entre les services sont indispensables à une gestion efficace, globale et coordonnée de l’ensemble des acteurs préhospitaliers.
• La collecte d’informations précises offre une vision claire et partagée de la situation, préalable à un engagement des moyens préhospitaliers adapté et pertinent.
• L’engagement des renforts médicaux suit un principe de sectorisation dont Paris est un exemple avec le plan rouge Alpha et le PLAN CAMEMBERT Samu de zone. [Cette sectorisation concerne non seulement la répartition et le renfort des équipes médicales sur le terrain, mais également la régulation médicale par le Samu pour chaque site, ainsi que les évacuations hospitalières des blessés au sein de chaque secteur défini]
• Pour assurer la sécurité des équipes, les lieux d’intervention sont découpés en une zone d’exclusion (rouge), une zone contrôlée (orange) et une zone de soutien (verte).
• Tous les opérateurs (forces de sécurité, secours, équipes médicales) doivent concourir à réduire les délais d’extraction et de regroupement dans la zone « tri-PRV » afin d’organiser la régulation des évacuations et prioriser les urgences absolues (UA).
Dans le cadre d’un attentat terroriste, a fortiori multisite, les règles du triage peuvent être simplifiées à l’extrême :
- Urgences absolues UA, à évacuer rapidement,
- Urgences relatives UR sont à évacuer par des moyens de transport non médicalisés, voire par des moyens de transport collectifs, vers des hôpitaux de préférence un peu plus éloignés des lieux de l’attentat. Il convient d’éviter de surcharger les services de proximité.
2. L’aide médicale d’urgence dans les territoires : organisation de la réponse
Pour faire face à une attaque terroriste pouvant surgir n’importe où, il est indispensable et réaliste de décliner, au niveau de chaque territoire, la doctrine sanitaire de prise en charge de nombreuses victimes par armes de guerre.
3. Spécificité des armes de guerre et traitement des plaies :
• La reconstitution du trajet d’une plaie par balle et les hypothèses de lésions en fonction de l’aspect des orifices et de leurs nombres sont très aléatoires.
• Le bilan lésionnel se fait, au mieux, par un scanner, en particulier pour les polycriblages et les traumatismes par explosion (si le patient est stable ou stabilisé).
• Toute PLAIE PAR PROJECTILE EST SOUILLÉE et impose un parage large et une non fermeture immédiate.
• La seule exception au parage est le polycriblage qui nécessite un brossage à la Bétadine sans exciser tous les orifices et en ne parant que les plus gros.
• La réanimation d’un polyblessé par explosion n’a pas de spécificité. L’otoscopie n’a pas de valeur pour le diagnostic du blast [n’a pas d’incidence sur la prise en charge immédiate].
4. Principes du damage control :
• Le damage control (DC) [= maîtrise des dégâts] est une prise en charge globale, cohérente, multidisciplinaire d’un traumatisé grave depuis le préhospitalier jusqu’au bloc opératoire avec le souci constant de lutter contre les éléments de la triade létale : hypothermie, acidose, troubles de la coagulation. Il comprend le damage control resuscitation et le damage control chirurgical (ou damage control surgery). [lisez l'article]
• Le DC chirurgical se décompose en trois temps : une chirurgie rapide, une réanimation et une chirurgie de réparation.
• Le damage control resuscitation (ou DC réanimation), débute en préhospitalier (arrêt des hémorragies, lutte contre l’hypothermie, évacuation rapide, adaptation du remplissage, lutte précoce contre les troubles de la coagulation) et se poursuit en hospitalier, en péri-opératoire (lutte contre l’hypothermie, adaptation du remplissage, stratégie transfusionnelle, médicaments hémostatiques…).
• Le damage control s’appuie, d’une part, sur les acteurs de terrain capables d’effectuer des gestes d’hémostase externe et, d’autre part, sur une organisation basée sur le triage permettant de prioriser les blessés nécessitant une chirurgie urgente.
• Le damage control doit être envisagé pour tout traumatisé grave avec peu d’inconvénients à être utilisé par excès. Il est particulièrement adapté à la prise en charge d’un afflux de blessés.
5. Triage et régulation des afflux :
• Le triage est un acte médico-organisationnel dynamique qui s’inscrit tout au long de la chaîne visant à établir les priorités de traitement lors de la prise en charge d’un afflux de blessés. [lisez notre article le triage aux urgences]
• La catégorisation est l’outil qui permet de répartir les victimes en groupes homogènes selon le niveau d’urgence chirurgicale pour préserver au mieux le pronostic vital et fonctionnel du plus grand nombre.
6. Gestes secouristes sur le lieu de l’attaque :
• En cas d’agression collective par armes de guerre, la sécurité est primordiale et l’engagement des équipes préhospitalières ne peut s’envisager qu’en liaison étroite avec les forces de l’ordre.
• L’examen systématisé «MARCHE» permet, en moins d’une minute, d’identifier une détresse vitale puis de la stabiliser ou de la traiter.
• La priorité est l’arrêt des hémorragies externes, principale cause de morts évitables.
• L’hémorragie de membre en ambiance peu sécurisée est une indication de garrot tactique pour permettre une hémostase efficace et durable, afin de libérer rapidement le secouriste pour d’autres victimes.
• Une formation spécifique à l’utilisation de nouveaux matériels d’hémostase (garrots, pansements hémostatiques et ceinture pelvienne) est indispensable; elle doit être répétée et évaluée dans le temps pour tous les secouristes et les professionnels de santé.
7. Damage control préhospitalier :
• La très grande majorité des décès liés à une hémorragie massive surviennent avant l’arrivée à l’hôpital et près d’un quart d’entre eux sont dus à des lésions qui, plus précocement traitées, n’auraient pas entraîné le décès.
• Le damage control préhospitalier, inscrit dans une stratégie collective et multidisciplinaire, vise à traiter précocement, sommairement et efficacement les lésions rapidement mortelles tout en assurant un transport rapide vers la structure de soins adaptée à l’orientation lésionnelle clinique.
• Les principes du damage control préhospitalier sont de réaliser les gestes d’hémostase externe, de contrôler l’hypothermie, d’assurer l’oxygénation et de maintenir la perfusion tissulaire, et d’optimiser l’hémodynamique et l’hémostase dès la prise en charge sur le terrain.
• «L’hypotension permissive» vise à assurer, d’une part, une perfusion tissulaire suffisante et, d’autre part, à limiter le volume de remplissage pour minimiser la dilution des facteurs de coagulation, avec comme objectif de pression artérielle systolique : 80 mmHg et, pour les traumatisés crâniens graves, un objectif de pression artérielle moyenne supérieure ou égale à 80 mmHg.
• L’administration d’un antifibrinolytique est recommandée de manière systématique dans les 3 premières heures suivant le traumatisme. La transfusion préhospitalière de produits sanguins labiles peut être discutée au cas par cas, mais ne doit jamais retarder l’évacuation de la victime.
8. Accueil hospitalier :
L’accueil hospitalier de victimes de blessures par armes de guerre est un pilotage des flux en affectant à chaque étape des moyens forcément comptés dans une logique de rendement collectif optimal. Cette organisation opérationnelle n’est possible qu’au prix d’une préparation concertée et volontaire, vérifiée par des entraînements réguliers et exigeants, dans le but de forger des équipes réactives et soudées.
9. Prise en charge péri-opératoire et stratégie transfusionnelle :
L’hémorragie est la première cause de mortalité évitable après blessure par armes de guerre. La rapidité de la correction par transfusion de CGR en groupe O dans l’attente de la détermination du groupe du receveur est un facteur d’amélioration de la survie.
10. Damage control chirurgical
11. Spécificités pédiatriques du damage control
12. Gestion d’un afflux de brûlés
13. Traumatismes sonores
14. Exposition aux liquides biologiques
15. Prise en charge médico-psychologique des victimes
16. Parcours global de soins, réhabilitation des victimes et aspects médico-légaux
17. Organisation et logistique hospitalières
18. Place du médecin généraliste et des autres professionnels de santé
19. Agressions collectives par armes de guerre : quelle formation pour le public?
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