S. HACINI1, A. BEN AMMAR2

1) Service d’urgence - 2) Médecine légale et Centre anti-poisons (CAP)

CHU F. Hached Sousse (Tunisie)

Observation :

Une femme, âgée de 44 ans, admise au service des urgences le 16 juin 2007 à 3h, par le biais du SAMU, pour intoxication aiguë volontaire.

Antécédents :

  • Originaire d’une zone rurale, de bas niveau socio-économique, sans antécédents pathologiques notables
  • Mariée (mari non voyant depuis 2005, par rétinopathie diabétique évoluée);
  • Femme de foyer ayant 7 enfants en charge (1 enfant décédé à l’âge de 14 ans, dans les suites opératoires d’une valvulopathie en 2004).

Histoire de la maladie :

Le 15 juin 2007 vers 21h, la patiente est amenée par sa famille à une urgence périphérique pour vomissements associés à des troubles de la conscience. L’interrogatoire retrouve la notion d’ingestion volontaire d’insecticide (estimée à deux verres de thé) survenue 4 heures auparavant.

L’examen initial a noté une altération de l’état de conscience à type de somnolence, état de confusion avec un Glasgow (GSG) à 12/15.

Un lavage gastrique a été effectué. La patiente est transférée par SAMU aux urgences du CHU.

A l’admission aux urgences :

  • Troubles de la conscience : GSG à 8 /15 (OY = 2, RV = 2, RM = 4)
  • un encombrement bronchique
  • un myosis bilatéral serré
  • une bradycardie sinusale à 30/min traitée par des bolus en IV d’atropine

Une intubation orotrachéale avec ventilation assistée (VA) a été pratiquée.

Le bilan biologique a noté une glycémie élevée à 10,4 mmoles/L.

L’examen toxicologique a confirmé la nature du produit toxique, il s’agit de l’amitraze.

Hospitalisée en réanimation médicale :

L’évolution était bonne avec amélioration rapide de l’état de conscience autorisant l’extubation à H12. Pas de récidive de la bradycardie et disparition du myosis.

L’entretien psychiatrique retrouve un syndrome dépressif sévère évoluant depuis le décès de son fils et précipité par la maladie de son mari et des conditions économiques défavorables, avec regret de son acte.

Conclusion :

Intoxication aiguë volontaire à l’amitraze (insecticide) occasionnant un coma, une bradycardie et un myosis bilatéral serré, ayant nécessité le recours à l’intubation et le traitement atropinique. L’évolution était favorable.

COMMENTAIRE :

Bien que relativement peu courante, ce type d’intoxication peut produire une symptomatologie clinique potentiellement grave qui doit être identifiée et traitée à temps par tout médecin urgentiste.

L’amitraze (Taktic® à 12,5%) est un insecticide, antiparasitaire de la famille des formamidines, utilisé en médecine vétérinaire pour la protection contre la Varoa (parasitose des ruches d’abeille) et les parasitoses des mammifères domestiques. L’amitraze est bien résorbée par voie cutanée et digestive (3),

L'intoxication aiguë se traduit par les troubles de conscience, un myosis, une bradycardie, une hypotension artérielle et une hyperglycémie. Cette symptomatologie est due à la stimulation des récepteurs alpha2-adrénergiques.

30 minutes à 2 heures après l'ingestion :

  • Troubles digestifs : vomissements
  • Dépression du système nerveux central (somnolence à coma) et respiratoire
  • Bradycardie, hypotension artérielle, hypothermie
  • Hyperglycémie
  • Augmentation modérée des transaminases
  • La dépression du système nerveux central est résolutive en 18 heures, tous les autres signes en 24 à 48 heures.
  • L'intérêt du lavage gastrique n'a pas été démontré. Il ne doit pas être systématique. Il doit être discuté en fonction de la quantité de toxique(s) ingéré(s), des effets toxiques attendu et du délai écoulé depuis l'ingestion (1).
  • Traitement symptomatique : Lavage gastrique, atropine et surveillance en milieu hospitalier, intubation et ventilation assistée si nécessaire.

Bibliographie :

  1. CHANTAL BISMUTH : Toxicologie clinique 5éme édition 2000.
  2. R. GARNIER, P. BERNY et COL. : Intoxication aiguë par l’amitraze : Quatre nouveaux cas. Centre Anti-poisons de Paris, Hôpital Fernand Widal, http://www.sfta.org
  3. TESTUD F. PULCE C. : Pyréthrinoïdes de synthèse et insecticides divers. Encycl. Méd. Chir. Toxicologie pathologie professionnelle. Paris : Elsevier, 1998 :16-059-C-10.

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